Michel Duvert: Art funéraire à Arcangues ez ateratzen
L'art
funéraire basque
à
Arcangues
Michel Duvert
Article
paru dans la monographie Arcangues,
Ekaina, collection Karrikez herriak, 1986.
J.-M.
de Barandiaran, 1974 : «La façon de nous aider nous-mêmes en
tant qu'ethnie, que mentalité, c'est de comprendre notre passé
historique et culturel, c'est de prendre conscience d'où nous venons
et qu'elle fut notre expérience, c'est de s'informer des éléments
qui viennent à nous depuis des siècles; car le chemin qui nous est
tracé par nos origines est celui qui peut nous apprendre à résoudre
notre futur; c'est là que sont, précisément, nos tendances, nos
aspirations; nos tendances naturelles y sont incorporées dans
l'essentiel, dans les façons de comprendre le socio-politique et la
société supranationale sous ses différentes formes. En outre, non
seulement ceci est important mais est tout aussi important ce qu'a
fait le Basque face à la nature, le savoir populaire. De même est
important le programme de vie qu'a eu le Basque, quels sont les
éléments de son système de valeurs qui persistent dans le monde
actuel. Car il est tout à fait certain que nous ne pouvons pas
revenir au passé, et nous ne devons pas le faire, le Basque a
toujours été engagé dans des actions tournées vers le futur; mais
il ne pourra se projeter efficacement vers ce futur que s'il sait
d'où et par où il est arrivé jusqu'ici...»
*
Le
marquis Pierre d'Arcangues a constitué, à n'en pas douter, l'une
des plus belles collections d'art funéraire basque, dans le
cimetière d'Arcangues. Il y a ici diverses formes de monuments,
d'époques variées (essentiellement postérieures au XVIe
siècle) et provenant de plusieurs endroits des trois provinces nord
d'Euskadi. Pour apprécier pleinement ces œuvres, il faut les situer
dans le contexte de la civilisation basque et plus précisément dans
des espaces et dans des temps. C'est une tâche redoutable car les
études sur ces monuments sont récentes et il subsiste de graves
lacunes dans nos connaissances. Ces quelques lignes constituent donc
une sorte de guide très provisoire, sans plus.
INTRODUCTION
Le
premier travail connu portant sur ces pierres est dû à Eugeniusz
Frankowski (27); il fut suivi de l'œuvre essentielle de Louis Colas
(15) parue à Bayonne en 1924 et de nombreuses observations de
Philippe Veyrin auxquelles est parfois associé le nom de Pedro
Garmendia (38). Ces travaux permirent de constituer un corpus de
plusieurs centaines d'œuvres. Cependant la méthode analytique mise
en œuvre par ces deux derniers auteurs et leur manque de sensibilité
vis-à-vis de l'ethnologie, font que ces travaux ne débouchèrent
sur aucune vue d'ensemble ; leur travail a une valeur essentiellement
documentaire. Toute autre est l'œuvre de Frankowski qui, bien que
très contestable et souvent dépassée, propose une conception
de la stèle discoïdale. En fait, les véritables études en ce
domaine débutent avec notre maître J.-M. de Barandiaran qui,
relayant de glorieux prédécesseurs comme Resureccion Maria de Azkue
et son maître Telesforo Aranzadi (28), dessina le cadre scientifique
des études ethnologiques modernes en Pays Basque. C'est J.-M. de
Barandiaran qui nous a donné les concepts et les outils nécessaires
à une démarche scientifique visant à appréhender le fait basque
(voir ses œuvres complètes).
Ces
dernières années de nombreuses monographies ont été publiées, en
Navarre en particulier, le corpus des œuvres ne cesse de s'enrichir
(nous connaissons maintenant quelques milliers de stèles discoïdales
en Euskadi), y compris en Europe. Des chercheurs qui travaillent sur
ces monuments se sont réunis à Lodève (42), puis les Basques ont
organisé le premier congrès international sur ce thème (43) ; la
stèle discoïdale est enfin devenue un vrai sujet d'étude. Dès
lors tout discours que l'on tient sur elle est plus que jamais
provisoire; aussi je me contenterai de rapporter, dans un premier
temps, des faits qui semblent assez solidement établis en m'écartant
délibérément du champ des hypothèses.
Tout
d'abord il nous faut définir un des objets de cette étude : la
stèle discoïdale. Disons-le tout de suite, il n'y a pas d'accord
sur ce point; acceptons donc comme provisoire et insatisfaisante la
définition suivante : c'est un monument actuellement dressé, au
sommet arrondi et le plus souvent circulaire. Il ne faut pas conclure
pour autant que tout monument répondant à cette définition
constitue un concept unitaire. En fait il y a des types de
stèles discoïdales qui n'ont en commun que cette forme, au
demeurant très simple. Il va de soi qu'un zoologiste ne dira jamais
que tout animal constitué d'un tronc, d'une tête, de quatre pattes
et d'une queue (forme beaucoup plus élaborée que celle de «la»
stèle discoïdale) est un chat ! Actuellement nous ne savons pas
comment qualifier ces monuments; sauf peut-être des stèles des
XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, dans
notre pays. A ce propos le terme de «stèle basque» semble
pleinement justifié (voir 42, 43).
Ce
qualificatif ne s'applique que pour des discoïdales d'Euskadi, aux
époques citées. En fait, la culture basque est présente en Europe
dès le troisième millénaire, avant la venue des indo-européens
qui vont modeler le visage de l'Europe moderne. A l'entrée de
l'histoire une culture basque s'étend le long des Pyrénées,
jusqu'au Languedoc, et se déploie vers l'Ebre et la Garonne (au haut
Moyen Age encore les vallées andorranes pratiquent la langue basque)
(2). Nous ignorons beaucoup de l'histoire des monuments funéraires
de ces époques, mais il est possible que quelques œuvres
d'Arcangues nous transmettent comme un lointain écho de vieilles
mentalités.
Marqué
par l'histoire, le monument funéraire basque offre plusieurs
lectures. On peut le considérer comme un signal sur une sépulture,
comme le prolongement de la maison (linteau et monument funéraire
polarisent l'activité des tailleurs de pierre), comme un espace
structuré et hiérarchisé, comme un support d'imageries
fluctuantes, etc. Ces différents aspects seront tour à tour
évoqués, mais la question centrale demeure de quelles réalités
témoigne tel ou tel monument? Comme l'auteur de ces lignes, celui
qui sera face à une telle œuvre restera souvent sur sa faim; il lui
faudra rêver... en essayant de rester dans le domaine du
«raisonnable»... alors que l'œuvre appartient fondamentalement à
l'irrationnel.
Avant
de nous intéresser au monument funéraire en lui-même nous allons
interroger l'archéologie, l'histoire et l'ethnographie. Nous allons
essayer de reconstituer des fragments de «paysages culturels» dans
lesquels le monument funéraire basque avait sa véritable
signification.
A. -
LE CONTEXTE, DONNEES ARCHEOLOGIQUES
Les
hommes et les idées ne circulaient pas de façon identique des
plaines de l'Ebre et de l'Aquitaine aux vallées des Pyrénées.
L'espace avait fortement contribué à dialectiser ce Pays basque à
l'époque où un ancêtre possible des stèles discoïdales fit son
apparition, dans un gisement fouillé par J. M. de Barandiaran. C'est
en Alava, dans le dolmen de San Martin que notre maître découvrit,
dans la chambre sépulcrale, de petites dalles dressées au sommet
arrondi, de quelque 70 centimètres de haut. On put dater ces
pierres: 2500 ans avant J. C. Parallèlement, deux chercheurs
espagnols découvrirent dans des dolmens asturiens des petits
monuments à sommet arrondi ou franchement circulaires (29).
On
peut donc admettre que des formes apparentées à la stèle
discoïdale (et qui sont peut-être son ancêtre) étaient connues à
l'époque où l'on construisait dolmen et tumulus. Bien que des
jalons fiables nous fassent défaut, on peut penser que des formes
analogues existaient à l'époque des cromlechs (baratz), en effet la
stèle discoïdale est présente, chez nous, à l'arrivée de Rome
(34, 35). Les Asturiens en particulier, mais aussi les Basques (à
Menaça et à Iruña ?) connaissaient deux types de discoïdales aux
premiers siècles avant J. C.: de grands disques de plus d'un mètre
de diamètre (1,87 m. à Corneiro, province de Santander) et de
petites stèles discoïdales de type «classique». Ce type de
monument présentait donc déjà une certaine diversité.
Qui
était «enterré» dans une tombe signalée par une stèle
discoïdale ? Qui, au contraire, était incinéré puis mis dans ce
«cénotaphe» (voir Jacques Blot) ou baratz? Nous l'ignorons comme
nous ignorons trop les liens ayant existé entre monuments funéraires
basques anciens et les catégories sociales, ou types de société.
Comment rendre compte dès lors de la réalité de ces monuments? Je
prends deux exemples: les grands disques de type «cantabre»
(Asturies) ne sont sûrement pas (tous) des monuments funéraires,
ils doivent être liés à des cultes; dans le village
protohistorique de La Hoya (en Alava), Llanos a découvert que les
petits enfants étaient enterrés dans les maisons alors que les
adultes étaient probablement incinérés dans une nécropole, et
çela dès l’âge du bronze final. La pratique d'enterrer des
enfants non baptisés dans les maisons est attestée jusqu'à ces
dernières années en Pays Basque, par J.-M. de Barandiaran et par
moi-même (il n'y a pas de stèles discoïdales sur ces tombes). Ce
n'est pas là le seul «archaïsme» relevé en matière de pratique
funéraire en Euskadi; récemment, Jacques Blot a fouillé trois
tumulus cromlechs; ils ont été datés par les cendres ou les
objets; ils sont des Xe-XIe siècles après
J.-C. (alors que l'Europe se couvre de blanches églises romanes...).
Il n'y aurait pas de stèles discoïdales dans ces structures
funéraires.
En
fait si les archéologues nous apprennent que les monuments
funéraires et les «pratiques funéraires» étaient variés avant
notre ère, en Euskadi (je ne traite pas de cet aspect), ils ne
peuvent guère nous renseigner sur «l'ancêtre» de la stèle
discoïdale et sur l'histoire de ce monument. Cependant il faut
signaler une hypothèse qui consiste à voir dans le menhir l'ancêtre
de la stèle; les deux seraient «anthropomorphes» (c'est-à-dire
qu'ils sont reliés à l'effigie du défunt); thèse développée
surtout par E. Frankowski. A mon avis, ce point de vue peut être
réfuté. En premier lieu les «menhirs» basques sont mal situés
dans le temps et probablement postérieurs aux dolmens. Il n'en
subsiste guère qu'une vingtaine en Pays Basque Nord. Leur
«anthropomorphisme» n'est pas du tout évident; certains sont même
actuellement couchés sur le sol, selon des directions qui pourraient
ne pas être quelconques. Jacques Blot qui les a étudiés, pense que
ce sont fondamentalement des bornes (muga) et son argumentation est
solide. Enfin, on ne peut pas affirmer que ce type de monument est
contemporain d'une sépulture.
Une
dernière point, la distribution des monuments funéraires
protohistoriques n'est pas uniforme dans le Pays Basque nord actuel,
comme le souligne Jacques Blot (68 % des dolmens sont en Labourd, 43
% des tumulus sont en Soule, etc.). Ce même auteur suggère qu'il y
a pu avoir diversité de formes de sépulture au sein d'une même
nécropole à ces époques (et ces nécropoles sont souvent liées à
la route voire même au paysage, voir les travaux de Jacques Blot).
Les
données archéologiques nous incitent à prendre en considération
des paysages culturels anciens, complexes, nuancés et diversifiés.
La stèle discoïdale et des formes «apparentées» (toujours ce
problème de définition !) existeraient dans l'espace basque depuis
au moins le second millénaire (voir en particulier le travail de
Armando Llanos (43)).
DE
L'ARCHEOLOGIE A L'HISTOIRE
Les
données sont ici très fragmentaires, trop souvent mal situées dans
le temps et dans l'espace. Je pense en particulier à la collection
d'Argineta en Biscaye, à de nombreuses pièces conservées dans des
musées d'Euskadi sud. Cependant certaines situations sont très
intéressantes comme la nécropole paléo-chrétienne de Soracoiz, en
Navarre. On peut être sûr d'une chose, la stèle discoïdale est
toujours utilisée jusqu'au XVIe
siècle, époque à partir de laquelle les stèles datées sont de
plus en plus abondantes en Euskadi nord. (Pour la Navarre voir les
travaux de F. Zubiaur
Carreno
ayant paru dans divers numéros de Cuadernos de etnologia y
etnografia de Navarra .)
A la
sortie du Moyen Age, après les grandes épidémies qui marquent
notre pays, un essor démographique a lieu. Les cadets coloniseront
de plus en plus la montagne jusqu'au XVIIIe siècle (les
bordiers). De nouvelles conditions de vie (introduction du maïs,
pêche de la morue, etc.), des progrès technologiques voient le
jour. L'habitat est remodelé: un document de 1608 nous apprend que
depuis trente ans, 3.500 maisons ont été rebâties dans le seul
Labourd... Parallèlement, les Espagnols s'emparent de la Navarre et
chassent les souverains légitimes qui viennent se réfugier dans
leur terre «d'ultra puertos», la Basse-Navarre. Les guerres de
religion déchirent le pays, essentiellement la Soule et la
Basse-Navarre, etc. (Voir les travaux de Eugène Goyheneche.)
C'est
dans ce contexte que la discoïdale connaît un développement
spectaculaire qui s'amplifie au XVIIe siècle, mais en
Euskadi nord uniquement (et peut-être en Navarre ?). Il y a là un
problème qu'il faut examiner.
DONNEES
HISTORIQUES
Je
retiendrai ici des ensembles de faits destinés à éclairer cet
étrange problème: les stèles discoïdales les plus anciennement
datées, à Arcangues, comme ailleurs en Euskadi nord, sont du XVIe
siècle; la qualité d'exécution de ces œuvres est remarquable.
Que
se passe-t-il dans notre pays, en cette fin du Moyen Age et qui
puisse avoir une incidence quelconque sur nos monuments funéraires?
Je soulignerai trois événements majeurs, à mon sens.
1.
La fin du Moyen Age voit la disparition progressive des lignages qui
se partageaient une grande partie de l'espace basque et se livraient
à des combats ou à des raids sanguinaires (voir les travaux de
Julio Caro Baroja). Cette perte progressive d'influence est parallèle
à la montée du pouvoir des assemblées de villages et de pays. Or,
dès les XVIe-XVIIe siècles, les stèles
discoïdales sont profondément dialectisés; certaines formes sont
propres à des pays (Amikuze, Garazi, etc.), à des vallées (Nive
labourdine), à des ensembles de village (Bas-Adour), voire des
villages donnés comme Itxassou (19, 24). Cette insertion dans
l'espace apparaît de façon évidente dans la collection
d'Arcangues.
2.
Les XVIe et XVIIe siècles voient s'opérer
chez nous un profond bouleversement. Alors que jusqu'ici le
charpentier (zurgina) modelait notre espace de vie (habitat
domestique, églises...), ces époques voient le maçon (hargina)
étendre de plus en plus son influence dans ce domaine. Ceci est tout
à fait net dans l'histoire de nos maisons (un travail est en cours
de réalisation: il subsiste encore un très grand nombre de maisons
à charpente de bois, en Basse-Navarre en particulier,
vraisemblablement antérieures au XVe siècle,
quelques-unes montrent comment on est progressivement passé à des
maisons essentiellement de pierres). Or, c'est justement à ces
époques que fleurissent les stèles discoïdales. Dès lors une
question se pose: qu'elle a été l'emprise des charpentiers, dans le
domaine de la mort, avant les XVe-XVIe siècles?
Confectionnaient-ils des monuments funéraires en bois? avec quelles
imageries? etc. On peut penser en effet que les charpentiers avaient
une réelle importance, si l'on tient compte de données
ethnographiques (a). Par exemple, c'est lui qui met le mort en bière,
c'est lui qui décore l'ezkaratze où le cercueil sera exposé (en
Basse-Navarre surtout), en Garazi il règle l'ordre du cortège
funéraire et désigne les porteurs de cercueil, il prend part au feu
rituel allumé devant la cour de la ferme au retour de la cérémonie,
etc. Dans quelles conditions s'est opéré le «passage de pouvoir»
zurgin-hargin? et donc d'où sort le monde de la discoïdale qui
connaît ce grand essor à ces époques? Quel Pays Basque ces œuvres
mettent-elles en scène? Nous l'ignorons en grande partie.
3.
La taille de la pierre est issue d'une longue tradition, très
ancienne. Dès l'époque romaine de puissants ateliers sont repérés
dans l'Euskadi actuelle (à la limite de la Navarre et de l'Alava en
particulier) mais aussi le long des Pyrénées basques de ces
époques. La chute de l'empire romain ne met pas un terme à leur
activité: «Les sculpteurs aquitains ont témoigné d'une science
plus subtile: le décor des chapiteaux de marbre du VIIe
siècle est souvent tracé d'après un dessin établi sur une trame
de triangles équilatéraux et le décor des tombes est souvent issu
d'un quadrillage [...]. Les ateliers de marbriers de l'Aquitaine
sculptèrent des chapiteaux ouvragés et les exportèrent dans toute
la Gaule aux VIe et VIIe siècles. Dans cette
grande nuit qui entoure la civilisation matérielle de l'époque
mérovingienne, un repère de ce genre est d'un grand prix. Il ne
nous permet pas de reconstituer entièrement les principes d'une
architecture, mais il atteste une fidélité aux anciennes pratiques
qui ne peut s'expliquer que par une succession ininterrompue de
chantiers de constructeurs depuis l'antiquité. Une autre preuve est
donnée par la continuité de l'emploi de la géométrie pour le
calcul des proportions» (31).
Plus
tard, on trouve des équipes de maçons basques sur les principaux
chantiers de constructions de cathédrales dans la péninsule
ibérique : Juan de Olotzaga travaille de 1400 à 1415 à la
construction de la nef de la cathédrale de Huesca, Martin de Gainza
et Miguel de Zumarraga sont sur le chantier de la cathédrale de
Séville, le premier construit la chapelle royale de l'abside; Juan
de Alava travaille jusqu'en 1537 à la cathédrale de Plasencia, puis
de Salamanque; sur quatorze tailleurs de pierre employés à la
construction de l'Escorial, plus de la moitié sont Basques, etc. En
Euskadi sud, au XVIe siècle, les tailleurs de pierre et
architectes basques définissent un gothique basque tardif (12, 13).
Il
est donc évident que la discoïdale et l'art de la taille de la
pierre ne constituent pas des nouveautés dans l'Euskadi des XVe-XVIe
siècles ni dans l'aire basque des époques antérieures.
*
Mais
qui sont ces maîtres? Dans sa thèse portant sur l'étude du Pays
Basque nord à la veille de la révolution française (qui verra la
fin de nos institutions et de notre autonomie), Maïté Lafourcade
(32) découvre de nombreux tailleurs de pierre dans des archives
notariales. Tous sont agriculteurs
et se transmettent (le plus souvent) le métier de père en fils (b).
Ces œuvres sont donc des créations de paysans (au moins au XVIIe
siècle). Plus encore, lorsque l'on arrive à repérer sans ambiguïté
l'un de ces vieux maîtres (18, 19, 20, 21, 24, 26) on ne trouve,
tout au plus, que trois
ou quatre
productions de sa main et ce, dans un espace très réduit (un
à deux
villages en général). Nous sommes en droit de penser que la
confection d'une stèle discoïdale n'est en aucun cas un acte
«gratuit» qui ne répond qu'à un besoin «utilitaire» (d'autres
arguments vont dans ce sens, nous les verrons plus loin). Il
s'inscrit dans une longue tradition, une longue pratique. Ceci est
très important.
Le
Pays Basque a toujours été largement pénétré par les idées et
les modes circulant en Europe, en particulier en matière d'art
funéraire. Toutes les formes connues se retrouvent chez nous
(enfeux, tombeaux richement sculptés, plate tombes, etc.).
En
Euskadi nord, des modes pénètrent par des voies qui restent encore
inconnues. Ainsi, le XVIIe siècle en Labourd, voit la
discoïdale laisser place à une forme étrange, la stèle tabulaire
(15, 19). Cette dernière est diversifiée selon les régions et
n'est massivement présente qu'à l'ouest de la province. Pourquoi ce
type de monument très particulier, présentant une imagerie
originale par rapport à celle des discoïdales ? Comment et par qui
a-t-il été introduit dans la zone occidentale du Labourd ? Pourquoi
présente-t-il quelque ressemblance avec des monuments trouvés en
particulier en Basse Saxe (6) ? Nous ne savons pas. Ce type de
monument avait pourtant été adopté au point que les marins
labourdins en emportèrent des exemplaires pour les mettre sur les
tombes de marins morts au Canada, au XVIIe siècle (15, 40).
Les
croix de pierre firent leur apparition, chez nous, vers le XVIIe
siècle. Peu à peu, ce monument remplaça la discoïdale. Dans un
premier temps il fut lui aussi dialectisé, mais très vite ce
caractère disparut au point que des productions bas-navarraises
pénètrent jusque dans le Labourd occidental. Seule la Soule résista
à cette vague et continua à faire des croix très particulières
(c).
A la
fin du XIXe siècle les caveaux en relief (alors que les
rares existant auparavant étaient totalement enterrés et surmontés
d'une plate-tombe à ras du sol) chassèrent à leur tour les croix.
Peu
à peu le cimetière basque se dépersonnalisa, il devint chaos,
addition d'égoïsmes. La culture basque ne maîtrisait plus ce
domaine. Parallèlement les tailleurs de pierre se convertirent en
marbriers, en techniciens ; les catalogues .et la routine
remplacèrent la tradition. La décadence amorcée à la fin du XIXe
siècle s'amplifia considérablement dès les années 1920.
Le
marquis Pierre d'Arcangues réagit contre cet état de fait. Le
cimetière actuel d'Arcangues est là pour en témoigner. De son côté
l'association Lauburu amorça une réflexion sur le cimetière basque
moderne ; de nouvelles réalisations voient le jour. Des sépultures
modernes sont réalisées dans un espace de verdure et de fleurs ;
cette démarche prolonge la tradition. Municipalités et marbriers
sont associés à cette entreprise, ainsi que les particuliers. La
création s'installe à nouveau, après une longue éclipse, dans un
espace qui est le sien et qu'elle n'aurait jamais dû quitter.
*
Enfin,
et c'est un problème majeur, nous ne savons pas quand se sont
constituées les paroisses dans notre pays. De telle sorte que nous
ne savons pas de quand date ce paysage familier : le cimetière
groupé autour de l'église. Signalons simplement que ce problème
est difficile : en effet, en Guipuzcoa des discoïdales semblent bien
en rapport avec la route et non avec le cimetière (1), d'autres sont
bien liées au cimetière (voir le travail récent de J. M. Jimenio
Jurio (d)). Des situations analogues peuvent se rencontrer également
en Euskadi nord ; mais il ne semble pas, chez nous, que la discoïdale
soit liée par exemple au chemin de Saint-Jacques de Compostelle
(22). Je ne parlerai pas de cet aspect. L'archéologie et l'histoire
nous livrent des données fragmentaires et complexes. Force est de
constater que nos lacunes sont grandes. Avant d'interroger
l'ethnographie faisons un détour vers la langue basque qui reste la
plus forte création de notre culture.
L'EUSKARA
Le
cimetière entourant l'église, comme celui qui appartient à une
maison, s'appelle hil-harriak (et par là hil-herriak, hil herria,
ilargia... formes qui en dérivent et qui ont des sens très
différents). Hil-harriak signifie littéralement «les pierres des
morts » et ces deux mots méritent que l'on s'arrête ici quelques
instants.
I.
Hil: c'est l'une des grandes divinités cosmiques (avec Egu et Urtzi,
etc.) définies avant le troisième millénaire de notre ère et
modelées par la suite, par le monde indo européen. Hil est opposé
à Egu, c'est le monde «lunaire» (la lune ou ilargi est «lumière
de hil»), le monde de l'obscurité (Ilun, qui est aussi le nom d'une
divinité aquitaine connue à l'époque romaine; un autel lui est
dédié... il fut trouvé à Narbonne), le monde de l'éphémère, de
la cendre, de chose sans consistance, faible... (ilhaun). Par ilargi,
hil nous sert à mesurer le temps (ilabethe, etc.) et cette lune est
parfois le séjour des morts.
En
d'autres termes, à travers «hil», la sépulture est intégrée
dans une vision cosmique du monde. Cela ne sera pas sans conséquence,
nous le verrons, pour les monuments funéraires. Poursuivons cette
idée : dans un cimetière traditionnel basque les tombes sont
strictement orientées est-ouest. Les morts ont la tête vers
l'ouest, contre le monument funéraire. De telle sorte que tous les
jours ils voient le soleil qui se lève exactement face à eux,
soleil que le christianisme assimilera au Christ; chaque jour,
cycliquement, le mort est face au soleil levant, au Christ de la
résurrection. C'est un symbole très fort.
Mais
il y a plus. Du fait de la stricte orientation est-ouest, des deux
faces du monument funéraire: le matin, la face qui surmonte la tombe
est écrasée de lumière. Puis, au fur et à mesure que le soleil
monte, elle se creuse d'ombre et de lumière; vers midi («egu-erdi»)
cette face est au maximum de son éclat. Brutalement, elle plonge
dans l'ombre, en début d'après-midi, alors que l'autre face se pare
de tous les éclats. Mais à son tour, avec la fin de la journée, le
soleil viendra éclairer de plus en plus de face ce côté du
monument, écrasant son relief, ternissant son éclat. Avec le
coucher du soleil c'est tout le monument qui bascule du temps du
soleil à celui de la lune (en fait du temps de Egu à celui de Hil).
Le monument a donc une vie propre, cyclique ; il vit une aventure
cosmique, immergé dans des domaines où règnent des astres, qui,
par un tabou de vocabulaire, signifient hil et egu (eguzki est
parallèle à ilazki : -zki est une très vieille racine qui pourrait
signifier un contenant, un récipient; elle fut remplacée
tardivement par la racine -arg: dans ilargi, par exemple, -arg étant
lié à ce qui brille dans les langues européennes: argent, etc.
Ilazki ou ilargi et eguzki sont donc, littéralement, les
«contenants» de hil et egu), il est également immergé dans des
temps de valeur différente («gaua gauezko-arentzat, eguna
egunazko-arentzat » selon le dicton). C'est un point capital pour
qui veut faire une approche de notre art funéraire.
II.
Harri: ce mot, qui désigne la pierre, est étroitement lié au
monument funéraire dès les époques protohistoriques. Ainsi des
dolmens d'Aralar (Navarre) sont appelés jentillarri (ou sépulture
des gentils), des cromlechs, ou baratz, sont appelés ilarrita, les
pierres les composant sont appelées ilarriak, etc. Lorsque, de nos
jours, nous désignons sépulture et cimetière par hil-harriak
(hilen-harriak) nous continuons à mettre l'accent sur le concept de
«pierre».
III.
Anthropomorphisme : la stèle discoïdale est également connue sous
le nom de gizon, harri-gizon, gizon burubeltza. Ces termes désignent
l'homme, sans équivoque possible. Mais rien ne nous dit que ce nom
soit d'origine. A mon avis, il est secondaire; la stèle est
fondamentalement autre chose que la représentation du défunt (17).
En outre, cette allusion à l'homme n'est pas la règle, un témoin
de Lantabat appelle la discoïdale « kalistra kurutzia »…
IV.
Baratze: jentilbaratz désigne des cromlechs (baratz) de même Mairu
baratz….. Baratz est lié au cromlech. Arrêtons-nous un instant
ici. Jacques Blot a découvert et fouillé des baratz qui datent du
Moyen Age, dans la montagne basque (et ceci est en harmonie avec ce
que nous disent les textes de ces époques à propos de l'état de
christianisation de notre pays. Soulignons qu'au XIIe
siècle on continue à désigner Dieu par le nom d'Urtzia…..). Ces
baratz sont des sépultures symboliques, de véritables cénotaphes
(Blot).
Telesforo
Aranzadi et J.-M. De Barandiaran, à l'entrée du XXe
siècle, ont été les témoins de la pratique suivante : des
pasteurs se signaient et récitaient des prières devant les
cromlechs de la montagne. «Demandez à un citadin la signification
de ces tumulus et de ces cromlechs. Il n'en saura rien. Un tas de
terre et quelques grosses pierres. Demandez à un berger basque. Les
termes de tumulus et de cromlechs lui seront peut-être étrangers,
mais il en connaît la destination, par ses légendes orales issues
du fond des âges. A ces sites, il accroche l’idée de la mort et
l’idée de sépulture » (36).
A
St-Jean-le-Vieux (Imus Pyrenaeus), seule station romaine bien connue
en Pays Basque nord), Jean-Luc Tobie a découvert, dans un
environnement «urbanisé», six petits cercles de pierre (de moins
de 90 cm. de diamètre) délimités par des galets et recouverts de
disques d'argile, parfois décorés. Pour certains d'entre eux, la
signification funéraire a été établie (37), ils sont postérieurs
au IIIe siècle (IVe-Ve siècles ?).
Ces
trois jalons nous montrent des structures circulaires dès
lors, on peut se demander si la discoïdale n'est pas un cercle
cosmique, dressé. Cette conception est bien plus féconde que
la thèse « anthropomorphe » ; elle a beaucoup plus de résonance
dans notre tradition. Ceci dit, cette forme, cet aspect de
disque dressé sur un socle, a pu faire naître, mais secondairement,
l'idée de l'anthropomorphisme.
Mais
il y a plus. En effet, on a enterré récemment encore, dans les
maisons et, en Euskadi nord, dans une bande de terre située sous
l'avant-toit des maisons : en façade ou le long de l'un des flancs
nord ou sud. Cette bande de terre reçoit chez nous le nom de
«baratz» ou d'«andereen baratzia» (voir les travaux de Pierre
Lafitte), en d'autres termes, le même mot qui, dans la
montagne, désigne le cromlech (des premiers siècles avant notre
ère), désigne également la sépulture domestique liée à la
maison. Par extension, baratzia est devenu, de nos jours, le jardin,
mais comme me le fait remarquer un témoin de Garris (qui savait que
l'on enterrait les enfants morts sans baptême «baratzian», son
amaño le lui avait dit), «baratz c'est le devant même de la
maison, alors que le jardin est partout». C'est donc tout récemment
que nous avons perdu le sens traditionnel de ce mot.
En
résumé, la langue basque nous apprend que des termes liés au
concept de sépulture sont très anciens et qu'ils ont un sens
cosmique évident. Attendons-nous à trouver dans le monument
funéraire autre chose qu'un support illustré, qu'un livre d'images,
qu'une surface décorée…
Enfin,
l'identité de terme et de fonction entre des sépultures
protohistoriques et contemporaines (baratz) est une piste très
intéressante. Un conte basque affirme même ce lien: le héros est
enterré dans le baratz de sa maison… et là, il ressuscite !
Cependant, pas plus le baratz domestique que celui de la montagne ne
contiennent de stèles discoïdales…
Je
signale, pour terminer, que le baratz qui apparaît chez nous vers la
fin de l'âge du bronze (vers le premier millénaire avant
Jésus-Christ), est, selon le préhistorien J. C. Apellaniz, «le
premier des monuments interprété d'une manière personnelle en Pays
Basque». En effet, bien qu'on l'appelle cromlech («cercle limité
par des pierres»), il n'a pas les traits caractéristiques du
cromlech celte. Et ces baratz s'étendent le long des Pyrénées...
Autant dire qu'en matière de monument funéraire il y a eu plusieurs
créations dans notre pays, seule la discoïdale a
traversé les temps, c'est dire si son passé est riche et complexe.
DONNEES
ETHNOGRAPHIQUES
Je
ne retiendrai ici que celles qui ont un rapport très direct avec le
thème qui nous occupe; en fait, je n'exposerai que quelques éléments
destinés à nous faire comprendre certains aspects de la «réalité»
de nos monuments funéraires.
I. Y
a-t-il vraiment un mort enterré sous un monument funéraire basque?
Cette question peut surprendre quelqu'un qui n'est pas au fait de
l'histoire des mentalités. Les enquêtes ethnographiques menées sur
le terrain font prendre conscience que l'espace de la mort n'est pas
la sépulture. Un exemple extrême est illustré à Ordiarp (Soule),
à l'entrée du siècle. Lorsque le cercueil devait quitter la
maison, le jour des obsèques, les hommes du cortège se mettaient
tout autour de lui, dans la maison; un homme de la maison posait
alors des verres à même le cercueil et servait du vin. Tous
buvaient (je traduis) «en trinquant à la santé du mort». En
revenant de la messe des obsèques, la première voisine ramenait
l'ezku à la maison mortuaire, elle la posait sur la table et
l'allumait. Là, durant tout le repas funéraire, elle brûlait.
Avait-on vraiment porté en terre un mort ?
La
mentalité populaire connaît des chemins souterrains par où
transitent les morts (monde souterrain qui est celui de notre
mythologie; là on peut trouver Mari, divers génies comme Lamiñak
etc., mais aussi eguzki et ilargi qui transitent ici, comme Herensuge
et tout un « bestiaire » (7, 8, 9)). Ces chemins débouchent en
surface du sol et là, les morts nous visitent. Beaucoup d'entre nous
connaissent des pratiques pour «se débarrasser» d'arima erratiak,
les âmes errantes…
Sur
une plate-bande bas-navarraise, du XVIIe siècle, il y a
une ouverture fermée par une petite grille en fer forgé (12x12
cm.). Cette ouverture fait directement communiquer l'intérieur de la
tombe et le monde des vivants.
Où
sont les morts en Pays Basque et qu'elle est la fonction exacte de
nos monuments «funéraires»? Allez vous étonner après cela de ne
pas y voir les imageries classiques de la mort: sabliers, faux,
larmes, anges pleureurs, crânes, os, etc. Rien de cela sur nos
monuments. Ils parlent d'autre chose. De même la majeure partie des
discoïdales européennes ne mettent guère en scène ces fantasmes
macabres qui ressemblent aux songes de la raison... elles relèvent
d'autres «pratiques».
II.
Examinons maintenant le lien actuel existant entre le lieu de
sépulture, le type de monument funéraire et la catégorie sociale
du mort.
En
premier, nous l'avons vu, la maison fut un lieu de sépulture. Il n'y
a pas de monument funéraire dressé ici, ni d'image de mort.
Dans
le cimetière, faisons abstraction des cagots et des bohémiens qui
pouvaient avoir leur lieu de sépulture et probablement des monuments
particuliers (au moins en ce qui concerne l'imagerie), ainsi que des
communautés étrangères (cimetières juifs de Bayonne, Bidache,
Labastide-Clairence). Dans un cimetière de type traditionnel on
rencontre komunak ou lur benedikatu gabea, dans un lieu écarté ou
contre le mur de l'église. On y met les enfants morts sans baptême
(après une cérémonie spéciale). Ici il n'y a pas de monument
funéraire, même pas un tumulus de terre.
Ailleurs
se trouvent les sépultures de maisons (hilharriak) elles peuvent ne
pas avoir une disposition quelconque. Cet espace renferme une à
trois tombes surmontées d'un monument: les enfants n'ont pas droit à
un monument de pierre mais le plus souvent en fer, voire en bois, et
peints en blanc; les pauvres ont des croix en bois; 3) les autres ont
des discoïdales, des croix ou des tabulaires; les plus aisés ont
une plate-tombe ou une belle croix en fonte (souvent achetée en
Navarre ?) ou des caveaux plus ou moins importants; quelques rares
maisons ont une chapelle funéraire.
Dans
l'église il y a au moins cinq espaces funéraires : 1) dans le chœur
on a mis (encore récemment) des prêtres et même andere serora, la
benoite, à Sare par exemple; 2) dans l'allée centrale de la nef
sont des sépultures de prêtres ou de nobles ; 3) ailleurs, se
trouvent les jarleku ou sépultures des maisons, les femmes y avaient
leurs chaises, avec andere serora, elles présidaient ici au culte
des morts (offrande de lumière et même de nourriture et d'argent,
au XVIIe siècle, il y eut ainsi de sérieux incidents
dans la cathédrale de Bayonne (16). Les femmes sont ici sur les
tombes des maisons ; on enterrait encore dans nos églises
au-delà de la Révolution française), tombes qui étaient
surmontées de plate-tombes, comme on peut le voir encore à Ascain,
Saint-Pée, etc. Ailleurs, ces plaques de pierre ont été dispersées
(autour de l'église à Sare, etc.) ; 4) dans un mur, il pouvait y
avoir un enfeu pour une famille noble, quand cette dernière ne
possédait pas une chapelle latérale, près du chœur, côté
Evangile (Arçangues); 5) sous le porche on trouve des tombes de
prêtres ou de notabilités, parfois, le monument aux morts
(Arçangues, etc.). C'est le seul endroit où l'on trouve des
monuments dressés accompagnant la plate-tombe.
Ainsi,
la stèle discoïdale et la croix de pierre ne sont qu'une catégorie
de monument funéraire que l'on trouve dans un espace particulier, le
cimetière, mais aussi le long des routes. De plus, les histoires de
ces monuments ont dû nouer à plusieurs reprises des contacts: Toute
une série de monuments sont hybrides (stèles discoidales/croix;
stèles discoidales/stèles tabulaires) et présentent des imageries
composites.
A
nouveau l'ethnographie nous renvoie à nos questions. Elle nous
montre en particulier combien il est illusoire d'étudier un monument
funéraire en lui-même sans tenir compte des «circonstances»,
habitat, sociétés, mentalités, modes... que nous ne connaissons
guère pour des époques anciennes.
III.
- Dans ce pays chaque quartier ou groupe de maisons, voire chaque
maison, possède son hil-bide; le chemin que l'on emprunte pour
conduire le mort au cimetière. Ce chemin est le trait d'union entre
la demeure des vivants et celle des morts. Or, les tailleurs de
pierre ont particulièrement décoré, outre les plaques de cheminée,
le linteau de la maison et le monument funéraire. Comme pour
affirmer la personnalité de la maison, à chaque extrémité du
hil-bide. C'est une image forte.
Le
monument funéraire est indissociable de la maison, véritable
création sur laquelle le temps n'a pas de prise. Qu'importe la mort
puisque la maison continue et que les femmes continuent les cultes à
la maison ET sur la tombe. La maison, qui donne au basque son vrai
nom, s'inscrit dans la durée. La tombe, qui la prolonge par hil
bidea, s'inscrit dans le même traitement des temps, elle ne parle
pas de l'éphémère (pas de crâne, pas d'ossements, etc., sur ces
tombes).
IV.
Quel est l'aspect d'un cimetière basque traditionnel ? Ecoutons deux
témoins du XIXe siècle: «Les Basques ont un grand
respect pour les morts. Ce respect se révèle par les soins qu'ils
prennent des cimetières. Ce petit coin de terre est tellement
couvert d'arbrisseaux et de fleurs qu'on croirait voir plutôt un
jardin qu'un lieu de sépulture». Un témoin décrit le cimetière
d'Itxassou en 1878: «Il est plein de fleurs, en particulier d'iris
et de scabieuses, au milieu desquelles disparaissent les tombes […].
Il est à remarquer que ces tombes n'ont au-dessus du sol que la
stèle, une seule pierre et plantée à la tête, précisément à la
place et dans le sentiment des tombes des cimetières orientaux de
toute l'Asie. Le cercueil est mis dans la terre entre quatre
murailles latérales ou, tout à fait par exception, dans un petit
caveau qui n'est pas plus apparent». Couleurs, parfums, chants
d'oiseaux, vision égalitaire, «horizontale», pas de caveaux en
relief; le marquis Pierre d'Arcangues connaissait-il ce témoignage
lorsqu'il conçut le cimetière actuel qui a tant de charme comparé
aux chaos de marbre et de granité que l'on voit ailleurs? En tout
cas, il savait ce qu'était un cimetière basque.
Dans
de nombreux cimetières, les tombes étaient en effet fleuries et
décorées (de dessins faits sur la terre avec des râteaux, etc.) et
ce, tous les samedis, par les femmes et les jeunes filles. «Le
cimetière est la propriété de la femme» me dit un témoin...
«comme tout ce qui se rapporte en fait au rite funéraire! Le
monument funéraire doit se comprendre dans cet ensemble coloré.
Plus encore, au début du siècle, j'ai pu voir que des croix, en
Basse-Navarre, étaient peintes, et de quelles couleurs! bleu clair,
vert tendre, ocre rouge et noir sur fond blanc».
Comment
étudier ces monuments en faisant abstraction d'un tel contexte?
Quelle(s) réalité(s| recouvrent-ils?
V.
Il nous faut mettre un terme à ce type d'enquête dans le temps
passé ou récent. Tout n'a pas été dit, loin de là ! on aurait pu
signaler bien d'autres voies de réflexion; ce n'est pas le but de ce
travail. Mais avant de quitter ce terrain il faut bien souligner un
problème très embarrassant et qui, pour le moment, reste sans
solution : sur quel type de tombe se trouvait la stèle discoïdale
mais aussi la croix, la stèle tabulaire? qui enterrait-on hors de
l'église? A coup sûr, des catégories spéciales de gens (voir les
travaux de Maite Lafourcade et Jimeno Jurio), mais prenons un
exemple, au XVIIIe siècle, et en considérant le «
Rituel de la province ecclésiastique d'Auch à l'usage du diocèse
de Bayonne», nous lisons page 211 : «Dans les endroits où
l'ancien usage d'enterrer les morts au cimetière s'est conservé, on
l'observera ponctuellement; et dans les lieux où il s'est
insensiblement aboli, on tâchera de le rétablir: que si l'on permet
d'enterrer quelqu'un dans l'église, ce ne doit jamais être dans des
tombeaux relevés; mais à plate terre, et en des endroits éloignés
de l'autel [...]. Un chrétien qui est décédé dans la Communion
des Fidèles, ne doit pas être enterré ailleurs que dans l'église,
ou dans le cimetière béni...». Ce texte date de 1751. Dans cet
ouvrage on voit comment un cimetière doit être organisé, etc. mais
surtout ce rituel permettra de rétablir des liaisons entre les
données ethnographiques et historiques (ce travail est en cours de
réalisation).
Retenons
ceci: au XVIIIe siècle on enterre dans nos églises. Les
femmes sont sur ces tombes, à genoux ou accroupies, sur la pierre
tombale; les chaises feront leur entrée vers la fin du XIXe
siècle environ, un observateur note leur apparition à
Saint-Jean-de-Luz et de nombreuses gravures anciennes, je pense à
celle de Corrèges par exemple, montrent effectivement une nef vide,
sans chaise. Bien des gens s'imaginent que si, les hommes montent aux
galeries c'est pour affirmer une sorte de «supériorité» par
rapport aux femmes restées au sol. C'est une grossière erreur. Les
hommes sont comme des spectateurs au balcon, le drame est joué dans
la nef, par les femmes (maîtresses de maisons et andere serora) qui
veillent sur les morts des maisons et offrent lumière, etc., sur
la tombe même sur laquelle elles se trouvent. On comprend
pourquoi chaque femme tenait à sa place (son jarleku) lorsque les
chaises furent introduites, car la chaise était sur la tombe de
la maison, tombe dont elle avait la garde.
Par
la suite dans de nombreux endroits, les sols des églises furent
refaits et les pierres dispersées car on n'enterrait plus dans
l'église à partir de la fin du XVIIIe siècle). Puis les
bancs remplacèrent les chaises... les maisons furent chassées du
temple. Alors qu'autrefois, traverser la nef d'une église c'était
traverser le village où les «maisons des morts» étaient gardées
par les femmes, aujourd'hui il en va tout autrement... un symbole
très fort est évacué, sauf dans certains villages retirés comme
Mendive, Lecumberry....
Au
même XVIIIe siècle on enterre dans le cimetière et on
met là, maîtres et maîtresses de maisons, les inscriptions en
témoignent. Deux espaces funéraires et deux
grands types de monuments dressés au cimetière et la plate-tombe
dans l'église coexistent; depuis quand? On consultera ici les beaux
travaux de Philippe Ariès (3, 4, 5) qui n'a rien compris au Pays
Basque, il pense que nous sommes une banlieue parisienne… La
discoïdale apparaît alors comme étant un monument funéraire parmi
d'autres qui lui sont contemporains, un monument qui, actuellement,
est réservé à des adultes (hommes et femmes) et qui ne se trouve
qu'à l'extérieur de l'église. Autant dire qu'elle nous «parle de
la mort» en Pays Basque, mais « à sa façon »...
Résumé
des principaux traits d'un monde traditionnel basque, recueillis à
la fin du siècle dernier et de nos jours encore. On remarque
l'interpénétration des mondes céleste et terrestre ;
l'imbrication des chemins et des habitats avec le monde souterrain et
ses cavités ; la maison qui se prolonge dans l'église et au
niveau de la tombe.
Les
forces cosmiques parcourent ces chemins céleste et souterrain. A
noter que parmi elles se trouve eguzki (le soleil) et la lune
(ilargi) qui sont des femmes et filles de la déesse Mari. Cette
dernière personnifie la terre, elle commande aux divers génies et
éléments.
Il
n'est pas inutile de souligner que dans ce monde mythologique de
femmes, ce sont des femmes qui ont en charge (encore de nos jours)
l'intégralité du rituel funéraire (les hommes et les enfants sont
écartés dès la venue des premiers signes annonciateurs de la mort,
dès que l'on sent venir « herioa »). On peut logiquement
s'attendre à ce que le monument funéraire nous restitue des
éléments de ce contexte très fort.
A
droite : des concepts du christianisme.
Pour
clore ce vaste thème, et à titre purement indicatif, je signalerai
deux travaux pour le lecteur qui voudrait en savoir plus: Creencias y
ritos funerarios. Anuario de Eusko-Folklore 1923 n° 3 et les travaux
de J.- M. de Barandiaran. Et de L. del Campo : Sobre sepulturas
en el fuero general de Navarra. Cuadernos de etnologia y de
etnografia de Navarra, 1985, n° 46, p. 109-122.
B -
LE MONUMENT FUNERAIRE
I -
LA CREATION
Tout
visiteur est frappé par la très grande richesse et la variété de
nos monuments funéraires rassemblés à Arcangues. C'est qu'il y a
ici des pièces provenant des trois provinces d'Euskadi nord, à vrai
dire nous ne connaissons pas leur origine précise, mais on peut en
avoir une idée, compte tenu des monuments conservés sur place dans
les différents villages). Ces pièces ont été choisies et
représentent «ce qui se faisait de mieux», les œuvres plus
quelconques et peu ou pas «typées» ne figurent guère.
Du
fait de leur qualité de conception et de réalisation, les œuvres
réunies ici par le marquis d'Arcangues sont très «typées»,
c'est-à-dire qu'en général elles reflètent bien soit une époque,
soit des courants de création, soit des pays ou des ensembles de
villages particuliers, soit des styles… Bien que le facteur temps
ne puisse être pris en considération avec certitude (les
Bas-Navarrais dataient bien plus leurs œuvres que Ies Souletins et
les Labourdins) une typologie peut être fondée sur l'espace. Par ce
moyen, on peut reconnaître des familles de discoïdales, établir
une véritable dialectologie (19, 24). Ce serait un trop long travail
que d'en jeter ici les bases. Une telle étude met en lumière des
données essentielles: des types de stèles caractérisées par des
imageries données (voire par des styles) sont propres à des zones
bien précises de notre pays ; l'imagerie des stèles (les
«symboles», la «décoration», qui figurent sur elles) est
périodiquement renouvelée. Des rythmes de renouvellement ont pu
être établis dans des lieux précis (20, 24). En d'autres termes,
«l'imagerie de la mort» n'est pas stabilisée, elle fluctue. On
peut s'interroger sur sa réalité... et se demander ce que
«symbolisent» de telles images !
A
l'opposé, de véritables académismes ont vu le jour et se sont
maintenus parfois durant une centaine d'années, dans le Bas-Adour
par exemple. Les modes circulaient librement dans cet espace de
création ; on reconnaît ainsi des thèmes d'inspiration gothique,
etc. Malgré cela, le monument basque a toujours conservé sa
personnalité, au moins à partir du XVIe siècle. Les
discoïdales des sept provinces, mais aussi certaines œuvres
disséminées le long des Pyrénées, présentent une remarquable
homogénéité dans la structuration de l'espace (30). Tout se passe
comme si la stèle était un langage avec une syntaxe et un
vocabulaire fluctuant où l'emprunt jouerait à fond (10, 11).
Concevoir
et réaliser une discoïdale ne constituent pas une démarche
gratuite, il y a là une trop grande cohérence. Plus encore, dans un
remarquable travail, Etchezaharreta et Thevenon (26) ont étudié les
discoïdales d'une petite vallée «fermée», le pays de Lantabat.
Par une analyse multidimensionnelle et un appareil statistique, ils
ont pu démontrer que chaque quartier de ce village a un art propre
au niveau de l'imagerie, des proportions des pierres ; que les
«symboles» (les images) présentaient des associations
significatives ; qu'il y avait une corrélation entre les types
d'images se rencontrant sur les deux faces d'une stèle donnée (182
faces ont été analysées).
Ce
travail confirme bien le fait qu'une stèle n'est pas une création
banale. Elle s'inscrit dans une cohérence. Elle nous transmet
quelque chose, par-delà de la fluctuation des imageries et des
modes.
II.
- LES ŒUVRES
Quelle
étrange langue parlent les discoïdales? Je ne parlerai pas des
croix ici pour ne pas alourdir ce travail. Il y a une dizaine
d'années j'ai proposé un canevas permettant de «lire» en grande
majorité des discoïdales basques (17). Depuis, j'ai essayé de
démontrer la validité de ma démarche à travers des études (19,
20, 21, 23, 24) et en concevant plusieurs dizaines d'œuvres
contemporaines qui se réclament de la tradition. Dans ces travaux je
suis resté le plus neutre possible au niveau du langage. Je propose
ici deux versants complémentaires de ma démarche en considérant
dans un premier temps la structure de la discoïdale et, dans un
second temps, sa physiologie, son «mode de fonctionnement». A aucun
moment, j'affirme que la discoïdale est, et est seulement, ce que
j'en dis. Je propose seulement un canevas qui rend compte de la
cohérence de plusieurs centaines d'œuvres (et pas seulement
postérieures au XVIe siècle) dispersées actuellement
dans nos sept provinces. Les lignes qui suivent constituent un guide
provisoire, en attendant, comme le disait Colas, que d'autres voient
mieux et plus loin.
a)
Structure
Les
faits qui seront présentés sont fondés sur une analyse, détaillée
et argumentée, d'un très vaste échantillonnage (17). Or à
Arcangues, il y a peu de discoïdales, compte tenu du nombre existant
dans les autres cimetières. En d'autres termes, les faits que je
présente ne trouvent pas toujours une illustration ici, à plus
forte raison une illustration adéquate.
L'idée
centrale de la thèse que je défends est la suivante: la discoïdale
est un espace structuré, hiérarchisé. Elle est avant tout cela. A mon sens, l'imagerie qui y figure n'a qu'une importance seconde et,
le plus souvent, aucune importance du tout, nous l'avons vu plus
haut, cette imagerie est périodiquement régénérée. Ce point de
vue est à peine exagéré et selon moi, les «symboles basques» ne
sont pas dans l'imagerie, mais dans la structure qui les sous-tend.
L'imagerie est ordinaire, le monde qu'elle anime et qu'elle révèle
est, lui, extraordinaire. Dans l'état actuel de nos connaissances,
il semble caractéristique du basque, c'est une sorte d'euskara de la
pierre.
La
stèle discoïdale basque, telle que nous la connaissons à
partir du XVIe siècle, et nous disposons de plusieurs
centaines d'œuvres pour nous faite une opinion, est un espace où
s'affirment un certain nombre de repères (je reviendrai plus loin
sur cette notion). Dans la discoïdale, il y a (Fig. B) un disque qui
a une valeur, un socle qui a une autre valeur. Disque et socle sont
parcourus par l'axe vertical V qui peut jouer le rôle d'axe de
symétrie, mais qui est avant tout un repère destiné à ordonner
l'espace qu'il polarise.
Avec
le diamètre horizontal du disque (axe H), il constitue un couple
d'axes primaires. Dans ce couple, l'axe V est majeur
il joue un rôle plus important que l'axe H qui est mineur.
Peu d'œuvres sont structurées en fonction de l'axe H. Ces deux
axes se recoupent au centre du disque. Le disque est limité par une
bordure, parfois c'est une véritable couronne qui envahit, en
Labourd par exemple, toute la périphérie du monument. Dans cette
bordure, indépendamment des axes V et H, les Labourdins (surtout)
indiquent quatre directions qui sont comme le prolongement des
axes V et H.
Le
couple d'axes primaires permet de fixer des régions.
Assimilons le disque à une montre: la région sommitale, au sommet
de l'axe V, s'appelle région 12, à l'opposé, contre le socle, est
la région 6. L'axe H porte les régions 3 et 9. Alors qu'il y a une
stricte identité de 9 et de 3, 12 et 6 sont différents en règle
générale. 6 a une personnalité propre, cette région est à la
limite de deux mondes de valeur différente, celui du disque et celui
du socle. 12 est la région sommitale, le symbole chrétien cherche à
l'occuper, elle joue un rôle d'attracteur sur les régions 9
et 12 qui tendent à la mimer.
La
région O est un centre rayonnant, c'est une source
d'énergie. Avec l'axe V, elle constitue des repères majeurs qui
s'expriment dans les plus vieilles stèles connues, à Argineta en
Biscaye, par exemple. Elle livrera un véritable combat avec «le
symbole chrétien» (l'imagerie chrétienne) qui cherche à occuper
cet emplacement, voir en particulier 17 et 19. Ce dernier peut être
chassé sur le socle et vice versa, relégué dans la bordure, être
constitutif du rayonnement ou confondu avec ce dernier.
Les
axes primaires, principaux, délimitent quatre secteurs
dans le disque. Là se trouvent quatre éléments, le plus
souvent circulaires, ils constituent un repère fondamental que
j'appelle base de quatre. La base de 4 est liée à un couple
d'axes secondaires qui forment un ensemble homogène.
Cet
ensemble de repères où s'expriment tour à tour un monde rayonnant,
une bipartition, des systèmes trinitaires, des systèmes basés sur
le chiffre 4, etc., offre une combinatoire. En reliant ces valeurs
entre elles, en les faisant correspondre et dialoguer (grâce à
l'imagerie), les maîtres structurent des œuvres cohérentes
(en dépit des imageries fluctuantes).
La
stèle est le monde du possible, mais du cohérent car il est jalonné
de repères. Exprimer un monde construit sur un cercle, un carré, un
axe, jouer avec des systèmes trinitaires, exprimer des dualités,
etc., tout ceci se retrouve dans de nombreuses civilisations (14). Je
ne vois pas d'inconvénient à assimiler ces repères à des
archétypes, tels que Jung les concevait, mais je n'entre pas dans ce
débat, ou aux «segments de base» des contes et récits populaires.
b)
Le fonctionnement
A
partir du XVIe siècle on voit les vieux maîtres
contraindre l'imagerie chrétienne à se plier aux lois de la stèle.
Cette imagerie joue le rôle d'un véritable révélateur qui nous
permet de soupçonner l'existence et de dévoiler des repères vus
plus haut. La discoïdale est donc un véritable laboratoire
où la réalité des imageries est testée; c'est un espace où «la
réalité» (ce que l'on retient) est mise en scène.
La
stèle se nourrit de véritables boucles de rétroaction en ce sens
que les expériences faites (les œuvres produites) sont injectées à
nouveau dans cet espace. Des évolutions se produisent avec
cohérence, voir les «déformations» subies par le monogramme IHS,
abréviation de Jésus en grec, dans la vallée de la Nive. Elles
sont conduites avec une logique résolue jusqu'à des situations
étranges, mais «prévisibles» : le monogramme IHS construit
en fonction de l'axe V, dans la vallée de la Nive, aboutit à des
imageries tout à fait originales) (23).
La
discoïdale est donc une sorte de canevas d'une grande richesse. Elle
est fondamentalement une structure forte qui déstabilise et
recompose le réel Elle s'inscrit dans un traitement du devenir, mais
c'est un futur qu'elle accompagne dans son évolution. Il faut voir
comment, à partir du XVIe siècle, évolue le monogramme IHS. Les
Basques ont aimé ce symbole, ils ont pu choisir dans le monde
extérieur les imageries qui convenaient le mieux pour faire vivre
l'espace de la stèle; ils l'ont transformé selon des directions
diverses en fonction de repères donnés: en favorisant la lettre H
et la croix qui la surmonte (que l'on plaçait en 12, dans la région
sommitale) et en éliminant, ou en « relisant », les lettres I et
S ; en amplifiant ce phénomène en posant I et S en 9 et 3 et
en faisant en sorte qu'il y ait identité de ces deux éléments ;
en accrochant IHS sur la base de 4 et en n'exprimant fondamentalement
qu'un carré traversé par les axes majeurs ; etc.
La
stèle permet d'abstraire des valeurs, on cherche en vain des
représentations naturalistes sur ces monuments. elle recompose le
monde sur la base de repères coordonnés, de telle sorte que
l'aspect qualificatif de l'imagerie n'est plus la seule propriété
de cette dernière (voir Fig. C).
La
stèle permet d'intégrer du vécu, de lui donner sens et réalité,
de le mettre en ordre, de le rendre intelligible et communicable,
c'est une œuvre, une création populaire. Ce monde solidaire et
cohérent offre des niveaux de lecture. Cette conception du
monde devait nécessairement s'accompagner de principes de vie, de
codes que nous commençons peut-être à discerner.
Mais
il y a plus encore. La stèle est un monde
harmonieux construit sur des proportions, sur une
géométrie. Souvent les éléments de l'imagerie n'ont pas une
dimension quelconque et n'occupent pas une position quelconque. Il y
a des modules. Un exemple évident : le col de la stèle (le contact
entre le socle et le disque) est le plus souvent égal au rayon du
disque, on conserve la même ouverture de compas... (voir Fig. D).
Un
autre élément d'importance est le rapport entre les pleins et les
vides, ce qui est en relief et le fond de la sculpture, à tel point
que parfois les lectures de l'imagerie sont ambiguës. Ajoutez à
cela que certains éléments de l'imagerie forment un continuum, ou
sont continus avec la bordure, alors que d'autres sont isolés (e).
La
discoïdale offre les interprétations les plus nuancées pour celui
qui ne s'arrête pas à la lecture de l'imagerie, c'est-à-dire aux
apparences. Car elle est dans l'être (avec toute sa complexité) et
non dans le paraître. C'est une conquête majeure de la civilisation
basque que cet espace structuré et hiérarchisé!
QUELQUES
CLEFS
Je
vais laisser ici le lecteur sur sa faim, c'est à lui de faire le
voyage, les vieux maîtres ont jalonné le parcours. Je voudrais
simplement donner deux ou trois indications basées sur des
convictions du moment.
Nous
avons des arguments qui permettent de penser que le disque de la
stèle est le cercle cosmique dressé. C'est une idée qui est chère
au père Marcel Etchehandy et que je partage entièrement. Non
seulement on peut penser que ce disque est un cosmos, mais la bordure
même de la stèle, qui est bordure du rayonnement, a une valeur de
limite cosmique. Cela est clairement affirmé sur certaines œuvres.
Le
disque est urtzia, nom donné par nos compatriotes, à Dieu,
au XIIe siècle, qui prend vie sous la puissance de egu
et se fond, cycliquement, dans le monde de hil (lumière,
obscurité, mort). J'ai toujours défendu que le point central avait
des vertus de la déesse Mari (17, 19), c'est une possibilité
intéressante. Ce point central rayonnant est le siège d'indarra, il
est point et centre ou erdi. Joseba Zulaika, dont les travaux
essentiels sur «l'espace esthético-rituel basque» s'appuient sur
des données anthropologiques (linguistiques, sociologiques,
ethnographiques, esthétiques...) et aboutissent à une série de
propositions visant à «exposer la structure commune sous-jacente à
divers codes expressifs de la culture» basque. Cet auteur (39)
souligne que l'acte culturel premier est de tracer une limite, entre
un monde que l'on contrôle et un monde «autre», qui englobe
(cercle) le défini, ce qui est inclus par rapport à ce qui est
dehors. Ce type de limite est ertsi. Il dit: «Un espace
limité par ertsi fonde la relation d'inclusion et rend
possible la création d'un espace logique-géométrique qui distingue
entre membre et classe, établissant ainsi une hiérarchie de types
logiques». Il est curieux de constater que le parcours (initiatique)
de erdi vers ertsi peut se traduire par erdietsi qui signifie
obtenir, atteindre (à vrai dire, c'est la véritable fonction de la
stèle...) (39).
Dans
la ligne de Barandiaran, on peut assimiler la stèle, et plus
particulièrement le socle, à la pierre du foyer où parmi les
cendres, on célèbre le culte des morts. Cette pierre «hautsarri»,
assimilée au socle, prendrait racine dans les cendres du mort, dans
l'évanescent, «ilhaun» qui est relié à «hil» et à la mort.
C'est sur le socle de la stèle que l'on fait avant tout allusion au
monde terrestre: nom du défunt, une date, des outils... Si le socle
a une valeur terrestre, et le disque une valeur «céleste», s'il
sert effectivement de trait d’union entre le mort et le cosmos,
on comprend pourquoi les vieux maîtres ont tant travaillé la région
6. Cette dernière est une porte entre deux mondes. En passant
par cette porte, en sortant de terre, on gagne, par l'axe V, la
région centrale (indarra) et la région sommitale... (voir Fig. E).
Ce schéma est bien plus riche encore. En assimilant le monde
souterrain au socle, la région 6 à l'ouverture de ce monde et le
disque au domaine céleste, nous avons là les trois temps majeurs de
notre mythologie. Tant que Mari est sous terre personne ne sait
comment elle est, il y a une présence, des bruits... Quand elle est
à l'entrée de la grotte, on la voit, c'est une femme qui, avec un
peigne d'or, démêle sa longue chevelure, alors on peut lui parler
facilement, d'une certaine façon (8). Dans le ciel, elle est toute
autre: bruit, flammes, énergie, mais toujours femme, dit-on. Ces
trois temps s'appliquent à bien d'autres mythes: heren suge, lamiña,
behi gorri, zezen gorri, zaldi gorri, etc.
Remarque
Ces
quelques propositions de lecture sont doublement hypothétiques. Je
prends un dernier exemple. Dans la vallée de la Nive, à Jatxou par
exemple, les maîtres ont cherché à construire leur imagerie autour
de l'axe V. On voit alors le monogramme IHS subir de profondes
transformations. Or, on remarque que les vieux maîtres ont le souci
de développer une sorte de réseau de racines qui accrochent
fermement les éléments IHS transformés à la région 6 (cette zone
limite interposée entre «ciel et terre»). Dans d'autres œuvres,
d'autres «expériences», ils posent un arbre sur l'axe V, dont les
racines se déploient justement dans cette région (15). Il est donc
probable que cet axe V a eu une valeur de trait d'union entre deux
mondes, ciel-terre. L'arbre cosmique est souvent mis en scène dans
plusieurs cultures, il relie par ses racines le monde souterrain et
le ciel où il déploie ses branches. Cet arbre cosmique se nourrit
tant dans le ciel que dans la terre. Son tronc est un véritable
trait d'union. Il n'est peut-être pas banal de relever cet étrange
dicton rapporté par Vinson, à la fin du XIXe siècle:
«Maita zazu trunkoa, iduriko zaitzu Jainkoa», aime le tronc, il te
paraîtra Dieu... Ce n'est pas nécessairement une boutade !
Mais
l'axe V est aussi utilisé comme organisateur de l'espace, en
définissant un monde en deux parties, droite et gauche. En relation
avec l'axe H, il sert aussi à d'autres expériences où la base de 4
est impliquée. En d'autres termes, l'axe V est un repère
fondamental, une donnée forte, essentielle, qui a pu avoir et qui
autorise des lectures.
On
pourrait continuer ce type d'approche. La stèle nous parle, elle
nous conforte à aller plus loin et ce, au-delà de l'imagerie qui, à
partir du XVIe siècle, a beaucoup de mal à contenir la
puissance de ce vieux monde.
La
culture basque est faite pour la vie. Elle vivra !
Planche
C
Voici
quelques exemples de combinaisons fréquentes dans les discoïdales
postérieures au XVIe siècle :
Fig.
1: vision binaire, deux mondes s'affrontent (a et b).
Fig.
2: par la bordure, le monde a se répand en périphérie du socle
(flèches 1). Exemple, le style Bas-Adour : en un mouvement
opposé, le monde terrestre du socle, ce monde où se trouve le nom
du défunt, des outils, des dates, envahit la bordure du disque, en
respectant la région 6, ce qui n'était pas toujours le cas
précédemment (flèches 2).
Fig.
3: une vision binaire grâce à l'axe V et un principe trinitaire,
toujours sur cet axe, les régions 6, 0 et 12 ayant leur propre
individualité.
Fig.
4: nouvelle vision binaire (d et d') limitée au disque et rôle
attracteur de la région 12. Les régions 12, 9 et 3 vont alors
former une trinité homogène. Il sera facile de poser sur ce canevas
une croix à condition que le pied, en 6, ait une structure
particulière, différente des trois autres. Si ce pied fait une
allusion à la terre (le domaine du socle) ce ne sera que «meilleur».
Effectivement, cette imagerie est massivement présente, chez les
Bas-Navarrais surtout, tout au long des XVIe-XVIIe
siècles.
Fig.
5: 9 et 3 jouent un rôle d'attracteur en direction de 12 et 6. Ils
leur imposent leur uniformité : voir le style Bas-Adour.
Fig.
6: une vision binaire (c, c') et trinitaire semblable à celle mise
en œuvre fig. 3, mais avec une nette polarité de région sommitale
(12) —la croix se place ici —, un travail poussé dans la région
6 et une bordure où se voient parfois les quatre directions. Ce
monde est celui qui s'exprime dans la vallée de la Nive labourdine,
le symbole IHS devra s'y conformer.
Voyons
maintenant un monde construit autour de la valeur 4. Joseba Zulaika
note que lau est quatre et qu'il se rattache à ce qui est plat,
égal... En construisant un monde articulé autour de la valeur 4,
les maîtres pourront faire dialoguer des carrés dans le cercle,
mais en plus, ils nous montreront des oppositions de valeur. Ils
ouvrent de nouvelles pistes de méditation.
Fig.7:
le couple d'axes principaux sur lequel on posera sans peine la croix
embrassant les 4 directions de l'espace.
Fig.
8: base de 4 et paire d'axes primaires. La valeur 4 est doublée.
Fig.
9: la valeur 4 est triplée (système trinitaire), à savoir les axes
principaux, la base de 4 et le carré qu'elle permet de construire,
les 4 carrés qui y sont contenus.
Fig.
10: combinaison du type illustré en 6 et du type précédent (mais
où l’axe H n'est pas exprimé). Ce riche monde est mis en œuvre
en Soule.
Fig.
11: combinaison complexe, majeure dans les œuvres bas-navarraises
des XVIe-XVIIe siècles, surtout en Amikuze.
Fig.
12: expérience mise en œuvre dans quelques œuvres des trois
provinces.
Cette
riche combinatoire de repères et de chiffres (2, 3, 4 et leurs
combinaisons) est encore plus complexe. Le zéro (hutsa, voir les
travaux de Joseba Zulaika) est aussi mis en œuvre dans des
discoïdales où des régions se signalent par l'absence de toute
imagerie à leur niveau, alors que toutes les autres sont animées
par des images. C'est un monde peu banal que manipulaient nos vieux
maîtres ! Un contrat en date du 4 février 1727 nous dit qu'un
apprenti maçon de 17 ans, Joannes de Hiriart, de Macaye, va
apprendre le métier chez Domingo Heguy à Mendionde. Logé, nourri,
payé, il y restera trois ans. A la suite de quoi, le maître lui
donnera «une truelle, deux ciseaux et deux marteaux, l'un grand,
l'autre petit». Trois ans... et lorsque l'on repère un de ces
maîtres, on voit qu'ils n'ont laissé guère que deux à cinq
œuvres...
Ces
maîtres ne se transmettaient pas qu'un savoir technique. Réaliser
une discoïdale n'est pas une démarche ordinaire pour beaucoup
d'entre eux !
Planche
D
Regardons
le maçon (hargina, harri egina, le faiseur de pierre) qui donne
naissance à une discoïdale. Au commencement était le point central
(0) du disque. Le maître pose la pointe du compas et trace une
limite circulaire ou etsi. Geste capital, il se donne un espace dans
lequel il va œuvrer. Hors de cet espace c'est un monde autre. Joseba
Zulaika fait remarquer que cette limite est soigneusement repérée;
à partir de etsi, nous avons etsai (l'ennemi), mais aussi onetsi,
gaitzetsi, ederretsi... (tenir pour bon, pour mauvais, pour joli).
Nous avons aussi itxi et itxu (aveugle), etc.
Puis,
toujours avec la même ouverture du compas, le maître définit la
dimension du col. Du coup, il fait naître l'axe V. Région O et axe
V sont les repères essentiels de nos discoïdales, y compris des
plus anciennes connues.
Il
ne reste plus qu'à mettre au monde cet espace riche de promesses. Il
dégage la stèle de sa gangue de pierre.
A ce
stade tout est joué. Si on tient le point central et/ou l'axe V,
l'essentiel est là. Le reste est anecdote pour ainsi dire, en ce
sens que la base de 4 (qui a dû se stabiliser tardivement, je pense,
sous l'influence des monnaies ?), les régions et les axes
secondaires viennent enrichir ce fond sur lequel il n'y aurait pas de
discoïdale basque, à mon avis.
Un
dernier point, le maître définit des modules qui régleront un type
d'harmonie. C'est la quête éperdue, mais aveugle, d'harmonie qui a
conduit les maîtres du Bas-Adour à un académisme stérile, bavard
et plaisant.
Planche
E
Fig.
1 directement inspirée des travaux de Joseba Zulaika. Le socle
serait du monde terrestre. Il serait relié à la pierre du foyer où
parmi les cendres se déroulait, il y a peu, le culte des morts, voir
les travaux de J.-M. de Barandiaran. Le disque serait lié à un
système de valeurs et de concepts qui peuvent s'animer, se colorer
selon les situations. Du centre (erdi) à la limite (etsi) on
obtient, on atteint (erdietsi), après un parcours initiatique, en
traversant des champs de valeur inégale. Mais ce parcours est
jalonné de repères (fig. B), de telle sorte qu'il n'est pas
aléatoire. Par exemple, dans cet espace, erdi est en correspondance
avec berebil, selon Joseba Zulaika. Lau (4, plat, «la terre», le
plan) est traversé avant d'atteindre berebil qui serait du domaine
circulaire-sphérique de ortzi, etc.
Fig.
2, trois temps majeurs de notre mythologie : 1, sous terre,
équivalence dans le socle, austarri; 2, à l'entrée du gouffre ou
de la caverne, la région 6; 3, dans le monde céleste.
Voici
un récit sur Mari mettant en scène ces trois temps: «Un pasteur
s'approcha un jour de l'ouverture de l'effrayante caverne qui s'ouvre
dans la partie orientale de la crête d'Aketegi. Il avait entendu
dire que Mari habitait cette caverne obscure et qu'on ne pouvait la
voir (1), seulement que lorsqu'elle allait à l'entrée (2) pour
peigner sa belle chevelure ou quand elle se convertissait en feu pour
traverser les cieux (3)».
En
remontant l'axe V, le mort peut lui aussi franchir cette entrée (la
région 6) et avoir accès au monde du disque. L'axe V est la seule
voie «fléchée», polarisée, dans ce système (12 et 6 ont en
règle générale des structures différentes), il conduit à la
région sommitale (12), où la croix cherche souvent à s'imposer
quand ce n'est pas tout le long de V. Il conduit aussi dans la région
O où l'imagerie chrétienne cherche à s'imposer.
Ces
deux lectures ne sont bien sûr que des propositions, je n'affirme
rien.
ANALYSE
DE QUELQUES ŒUVRES
La
collection des œuvres d'Arcangues présentera pour nous un
inconvénient majeur, à savoir que nous ignorons la provenance de
toutes ces pièces. Elles constituent un échantillonnage fait sur
des bases que nous ignorons. Cette collection offre cependant un
avantage, celui de nous montrer combien est fluctuante et diversifiée
l'imagerie de ces monuments «funéraires», en ce qui
concerne au moins les discoïdales, c'est-à-dire pour des époques
antérieures aux XVIIe-XVIIIe siècles). Je
vais illustrer ici des principes exposés dans les planches B et C.
Le
rayonnement
Le
monde rayonnant, mis en scène dans certaines œuvres, est illustré
dans les fig. 1, 2, 3. Ce rayonnement se déploie dans un cosmos
comme l'indiquent clairement certaines œuvres, en particulier la
fig. 4. On comparera les fig. 2 et 4 (la fig. 2 est vraisemblablement
une œuvre souletine, ce type d'expérience étant fréquent en
Soule). Voir également les fig. 46 à 48.
Fig.
5, 6, 7: ces thèmes sont au service du rayonnement. De même sur la
fig. 8, on peut voir, en Soule comme ici en Labourd, un monde de
cercles concentriques centrés sur la région centrale et soit
envahissant tout le disque, soit se limitant à une bordure. Notez
que sur les fig. 6, 7, 8, l'allusion à l'imagerie chrétienne est
reléguée sur le socle.
La
région centrale O
Cette
région reçoit souvent un traitement original (fig. 4, 10 à 14, 15,
37, 38, 41, 43, 44, 48). Même dans les œuvres les plus achevées,
il est fréquent de voir que les maîtres ont marqué d'un coup de
ciseau le point central (fig. 13, 28, 31, 33 et 44). La région O est
la première qui est définie lors de la construction d'une
discoïdale (fig. D).
Rayonnement
et imagerie chrétienne
Fig.
15: l'imagerie chrétienne s'affirme dans le disque, le rayonnement
est relégué sur le socle. Avec la fig. 16, la situation est
inverse.
Fig.
17, 18, l'imagerie chrétienne, transformée par l'axe V (voir fig.
25 à 32), s'impose dans le disque. Le rayonnement est relégué dans
des régions de moindre valeur, hors de la région O et de l'axe V,
dans les régions 9 et 3 (identiques, fig. 17, 18) et sur le socle
(fig. 17).
Fig.
19: l'imagerie chrétienne se superpose au rayonnement, elle le
chasse en bordure. Il y a de nombreux cas semblables, voir les fig.
22, 23, 27, 30 et leurs dérivés: fig. 25, 26, 28, etc.).
Les
axes primaires
Fig.
20, mais aussi 8, 11, 12, etc. Sur la fig. 34, seul l'axe V reçoit
un traitement particulier (en 6 et 12). Sur la fig. 40, il est seul à
traverser intégralement le disque.
Les
quatre directions
Fig.
21, 22, 23: dans la bordure, ces quatre directions reçoivent des
traitements originaux. Voir aussi la fig. 27, toujours en Labourd, et
la limite intérieure de la bordure, fig. 46.
Les
axes secondaires
Avec
les axes principaux, ils servent à articuler l'imagerie présentée,
voir les fig. 23 et 24.
L'axe
V
Le
révélateur choisi est le symbole chrétien IHS (abréviation de
Jésus en grec) qui prend place sur ces monuments. Comment va-t-il
composer avec l'axe V qui est un organisateur majeur de l'espace?
Fig.
25: IHS et Marie (M et A fusionnés, dans la région 6) se disposent
dans un ensemble où la symétrie est affirmée, tant dans le socle
que dans le disque. Remarquez la construction autour de la région 12
(région sommitale) où la croix prend place.
Fig.
26: ensemble «symétrique» avec le redoublement du I, à la lettre
S répondent deux courbes. Sur le socle, une imagerie typique du
disque est reprise (comparer avec la fig. 42 par exemple).
Fig.
27: l'axe V s'impose, la croix y prend place. IHS n 'a guère
d'importance.
Fig.
28: les lettres I et S sont évacuées, de même la barre horizontale
de la lettre H. L'œuvre s'ordonne par rapport à l'axe V. Le couple
des deux demi-cercles ne répond plus à la lettre S, l'imagerie
vient de s'enrichir d'un élément nouveau.
Fig.
29: même situation et évolution vers un monde «autre». Remarquez
comment la croix est accolée aux courbes continuées avec la
bordure. Ce n'est pas l'imagerie chrétienne ici qui importe, mais
son «devenir», sa relecture. Et ce devenir est conditionné par les
propriétés mêmes de la stèle.
Fig.
30: même type d'expérience. En outre, cette face est le revers de
la stèle illustrée figurée sur la fig. 35 où l'intention
«d'exprimer» IHS est claire. C'est l'axe V qui ordonne l'espace.
Fig.
31, 32: recomposition de l'imagerie IHS. Il est difficile de croire
que ces maîtres ne savaient pas ce qu'ils faisaient... Les œuvres
26 à 32 sont labourdines et l’on peut indiquer presque des
villages derrière certaines d'entre elles. Les maîtres avaient sous
les yeux ces expériences lorsqu'ils devaient à leur tour concevoir
une discoïdale. Autant dire qu'ils pouvaient puiser dans ces
témoignages qui constituaient ainsi une véritable mémoire.
La discoïdale est expérience et enseignement, ainsi
tous les maîtres n'avaient peut-être pas le même degré
d'initiation, le même niveau de «conscience». Lorsque les œuvres
d'un village n'ont pas été dispersées, détruites ou volées, on
peut alors suivre presque pas à pas le déroulement des expériences.
Il faut absolument que ces œuvres restent dans leur lieu d'origine !
C'est la politique suivie par l'association Lauburu.
La
région 12
Nous
avons vu plus haut que l'imagerie chrétienne, la croix, cherche à
l'occuper, comme elle cherche à occuper l'axe V et la région O.
Fig.
33: le sommet de la croix, surmontant la lettre H, a une structure
différente des extrémités du montant horizontal de la croix (voir
les fig. 17, 18). De même la région 6 est originale.
Fig.
34: les régions 12 et 6 sont seules indiquées, en 12 se trouve
l'imagerie chrétienne.
Fig.
35: IHS est transformé, la croix est reprise en 12, le crucifix
occupant tout l'axe V. Ce type d'œuvre semble propre au Labourd
occidental.
Rôle
attracteur de la région 12
Il
est clair dans la fig. 25, mais aussi sur la fig. 27, 33 et 35, là
se trouvent des éléments originaux. Dans cette dernière œuvre,
deux oiseaux encadrent la croix.
Région
6
On
remarque le traitement spécial de cette région.
Fig.
36: cette région, déjà originale, est encadrée par deux
demi-cercles.
Fig.
37, 38, 41: œuvres caractéristiques du sud de l’Amikuze, où ce
type d'imagerie fut produit pendant environ trente ans.
L'articulation disque-socle, à travers cette région, est nettement
affirmée. Remarquez aussi l'originalité de la région O.
Fig.
39, 40: en Soule, également on montre bien l'individualité de cette
région, voir également la fig. 4, toujours dans la même province.
Voir également la fig. 48.
Base
de 4 et chiffre 4
La
base de 4 est exprimée simplement sur la fig. 21, 42, 46, 48, etc.
Un mode carré apparaît, autour de la région O, sur les fig. 37,
38, 41, 48 et très nettement sur les fig. 43, 44. Cette dernière
illustre également IHS, mais sous une forme condensée. La valeur 4
amplifiée et centrée sur la région O, se développe sur la fig.
45. Le disque de la fig. 42 (entre autres) joue largement sur la
valeur 4. La base de 4, les quatre directions et le rayonnement sont
intégrés sur la fig. 49.
Disque-socle
Fig.
46 à 48, la première est de maître Jean de Larre probablement
natif de Masparraute. Il nous a laissé trois œuvres de très grande
qualité. Le domaine du socle fait allusion au «mortel», à ce qui
passe, un métier, une date, un nom. Le monde du disque est tout
autre, même si sa bordure est envahie par un discours «terrestre»
(fig. 46). Il apparaît évident que l'imagerie de ces œuvres est
variée, fluctuante et renouvelée ; que cette imagerie, à
partir du XVIe siècle, a du mal à contenir (à «
réprimer ») un monde majeur, profondément cohérent, jalonné de
repères.
Je
suis convaincu que l'imagerie qui s'exprime sur ces stèles est «sans
aucune importance». Là ne réside pas l'essentiel d'un art basque.
Les archéologues devraient nous faire connaître des matériaux qui
permettraient d'infirmer ou de nuancer ces vues. En attendant, nous
pouvons nous servir de ces données pour articuler une expression
moderne en matière de monument funéraire. Car les anciens nous ont
laissé des trésors dans notre grenier, servons-nous-en, ne les
laissons pas disparaître.
Les
nombres
Je
l'ai dit déjà (voir la planche D), beaucoup de ces œuvres sont
bâties sur des modules, je ne parlerai pas de cela ici. Plus encore,
elles expriment des rapports entre des nombres. En particulier les
systèmes binaires et trinitaires sont largement utilisés, de même
ceux qui expriment la valeur quatre et même le zéro (l'absence, le
«vide»).
Prenons
quelques exemples pour finir avec le dialogue de part et d'autre de
l'axe V, de divers éléments sur la fig. 4. Autre exemple système
binaire dans la région 12 sur les fig. 18, 27, 32, 38, 39, 41. Dans
chaque cas, ces éléments sont originaux par rapport à l'imagerie
utilisée. Enfin, nous avons un système trinitaire avec le
rayonnement sur la fig. 17; les éléments non tourbillonnants de la
fig. 18; le couple croix cerclées, motifs à quatre lobes de la fig.
33, qui sont structurés en fonction de l'axe V et selon qu'ils sont
sur le disque ou sur le socle; dans le traitement des deux branches
de la croix et seulement de la partie supérieure de l'axe V, fig.
37, 38 ; dans les trois cercles de la bordure, fig. 8
*
Les
modes marquent profondément notre art funéraire.
Fig.
50, 51: cette imagerie que l'on rencontre sur quelques discoïdales
bas-navarraises (sud de l’Amikuze, Lantabat et nord Ostabarret), de
1630 à 1651, est reprise sur la croix, pratiquement sans
modification essentielle.
Fig.
53: le Labourd connaît au XVIIe siècle une forme de
monument, la stèle tabulaire. L'imagerie qui y figure et qui est
assez uniforme, est reprise sur la croix (fig. 52), sur la discoïdale
(fig. 54) et sur la plate-tombe. Sur aucun de ces monuments elle
n'est différenciée. Il y a là un appauvrissement considérable.
Cette
tabulaire est incluse dans une arrivée d'eau, au cimetière... Il
faut dénoncer à ce propos une habitude détestable dans le village,
elle consiste à traiter ces monuments comme des objets décoratifs,
sans plus. On a fait des bancs, des linteaux de porte, etc. en sciant
et en réutilisant les monuments funéraires. Toujours le
pittoresque, le «tape-à-l'œil». Nous avons failli en mourir de
cela dans nos trois provinces nord. Le marquis Pierre d'Arcangues a
fabriqué ainsi un Pays Basque dans lequel, il faut bien le dire,
nous ne nous reconnaissons guère... Mais sans lui, où seraient
actuellement tous ces trésors ?
Fig.
55 : peu à peu, la croix devient support d'une simple imagerie à
peine contrôlée.
Fig.
56, 57, 59 : en Labourd, nous nous étions enfermés dans un puissant
académisme tout au long du XVIIe siècle, je pense au
Bas-Adour dont aucune des productions majeures ne se rencontre ici.
Nous avons accueilli la croix, comme ailleurs, et nous n'avons pas su
quoi faire... si ce n'est de la décoration. Alors qu'ailleurs (fig.
58, 61 à 64) de fortes expériences étaient tentées avec succès.
Peu
à peu la croix se transforma en simple surface décorée. Le XIXe
siècle fut celui de la domination d'un médiocre mais spectaculaire
art bas-navarrais (fig. 60), dont les débuts étaient pourtant
riches d'espoirs. Les Garaztar imposent cet art faible, fait en
série, dans la plus grande partie de la Basse-Navarre et jusqu'en
Labourd. Cette forme d'expression s'épuisera très vite. Déjà, à
la fin du XIXe siècle, apparaissent les caveaux en
relief. Peu à peu le cimetière basque aboutit à cette incohérence
que nous connaissons. Les tombes deviennent de plus en plus grandes,
brillantes, luisantes. L'inégalité sociale s'affiche. La culture
basque a laissé échapper un domaine essentiel de son expression.
Nous voici livrés à nous-mêmes et aux marchands... beau résultat
!
Pourtant,
il y eut, tout au long du XVIIe siècle, de fortes écoles
et de puissants créateurs. Mais ces derniers n'ont pas su franchir
le pas. Ils ont reporté sur la croix le monde de la discoïdale.
Alors qu'il fallait faire tout autre chose, qu'il fallait innover.
Voyons quelques exemples.
Fig.
61: puissant rayonnement et indication bien nette de l'axe V.
Fig.
62: le rayonnement est mal contenu par la croix. L'axe V est bien
indiqué.
Fig.
63: polarité de l'axe V (avec région 12 et 6) et traitement
original, avec une nette indication de la région «centrale» où se
recoupent V et H.
Fig.
64: originalité de l'élément placé aux intersections des bras de
la croix; le motif chrétien se place aux deux extrémités de l'axe
V, comme si la croix n'était qu'une forme et non un symbole en
elle-même.
Ce
mouvement de création cessa peu à peu. La croix devint de plus en
plus bavarde. Elle se PERSONNALISA. Elle ne signalait plus la tombe
d'une maison, mais celle d'un mort particulier. Plus le temps avance
et plus ce caractère s'affirme exclusivement (fig. 65 à 68). A
l'entrée du siècle, le processus est achevé avec les croix
bas-navarraises. Nous avons perdu toute originalité, on est devenu
«comme les autres», on ne parle même plus basque ou si peu, fig.
69.
Il
est loin le temps des discoïdales, comparez avec la fig. 1. Elle est
loin l'époque où nos alchimistes expérimentaient sur des formes de
réels, accompagnant leurs interrogations, en jalonnant leurs
démarches. Le XIXe siècle, sur les monuments funéraires
au moins, mais pas forcément sur les linteaux, ne s'interroge plus
sur le réel. Il admet l'imagerie tel quelle il fait de la
décoration, de l'éphémère. Et cet éphémère est pris dans le
monde extérieur à la culture basque, précipitant ainsi la
décadence.
Epilogue
La
culture basque est présente de part et d'autre des Pyrénées, pour
le moins dès le troisième millénaire avant le Christ. Les données
anthropologiques, archéologiques et linguistiques sont en faveur de
cette hypothèse. L'accord semble général sur ce point. J.-M. de
Barandiaran, ainsi que de nombreux autres archéologues,
préhistoriens, pensent que notre peuple se constitue en fait à la
fin des époques préhistoriques, par une évolution locale de
l'homme de Cro-Magnon. Cette thèse qui constitue le cadre de bien
des travaux, n'est pas admise par tous, en particulier par ceux qui
manipulent, envers nous, le sarcasme et le mépris, pour ne pas dire
la haine (Georges Viers, etc.). En ce qui me concerne, je la crois
suffisamment fondée et assez solide pour résister aux tentatives
faites pour la réfuter. Mais ce n'est pas le problème ici. Ce qu'il
est important de prendre en compte, est ceci : de la fig. 1 à la
fig. 69 il s'écoule trois cents ans environ. Les Basques qui ont
fait ces œuvres ont plus de 5000 ans d'histoire derrière eux. En
trois siècles, les changements sont considérables. Dès lors,
peut-on espérer restituer près de 3000 ans d'histoire de ces
monuments ? Il est évident que ce sera très difficile, beaucoup
trop difficile… L'incohérence des amas de marbre et de granit qui
envahissent plus ou moins nos cimetières, ne représentent, après
tout, qu'une erreur de parcours. Erreur salutaire dans le sens où
elle nous montre le néant qui nous guette hors de notre basquitude.
Gauden azkar !
*
BIBLIOGRAPHIE
CITEE DANS LE TEXTE
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5
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BARRIO LOZA, J.A., et MOYA VALGANON, J.G., Los canteros Vizcainos
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19
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20
DUVERT, M, Etude d'un groupe de stèles discoïdales du XVIIe siècle
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21
DUVERT, M, Jean de Larre, hargina. Bulletin du Musée Basque. N° 98,
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DUVERT, M, Monuments funéraires de pèlerins de Saint-Jacques de
Compostelle. Ekaina. N° 8, 1983, p. 228-230.
23
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24
DUVERT, M, Contribution à l'étude des stèles discoïdales basques
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« Les stèles discoïdales ».
27
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30
HERBER, J, La stèle discoïdale de Nebian (Hérault). Cahier
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31
HUBERT, J., PORCHER, J., et VOLBACH, W.-F., L'Empire carolingien,
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32
LAFOURCADE, M, Les contrats de mariage du Pays de Labourd sous le
règne de Louis XVI. Etude juridique et sociologique. Thèse d'Etat.
Université de Pau, 1978.
33
LLANOS, A, 1984. Voir « Hïl-Harriak ».
34
MARCO SIMON, F, Las estelas decoradas de los convenios
caesaraugustano y cluniense. Institucion « Fernando el Catolico »
(C.S.I.C.) Excma - diputación provincial de Zaragoza. 1978, 259 p.
35
MARCO SIMON, F, Las estelas decoradas de época romana en Navarra.
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NOUGIER, L.R., Guide de la préhistoire. Hachette Ed., 1977, 189 p.
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TOBIE, J.L., La « mansio » d'Imus Pyrenaeus (Saint-Jean-le-Vieux -
Pyr.-Atl.). Apport à l'étude des relations transpyrénéennes sous
l'empire romain. Il semana internacional de antropologia Vasca. Ed.
La gran enciclopedia vasca, 1973, p. 421-434.
38
VEYRIN, P, L'art au Pays Basque. Horizon de France, 1964, p. 81-137.
Voir aussi de nombreux autres travaux de ce chercheur.
39
ZULAIKA, J, Travaux manuscrits dont : « Un espacio estetico-ritual
vasco » inédits.
40
ZUMALDE, I, Tras las huellas de los balleneros vascos en Terranova
(III) las tumbas vascas de Placentia. Deia. 2 mars 1980, p. 4.
41
L'auteur de « Sœur Eugénie ». Un coup d'œil sur le Pays Basque.
Revue de Gascogne, tome XV, 1874, p. 245-267.
42
«Les stèles discoïdales». Journée d'étude de Lodève.
Archéologie en Languedoc, numéro spécial, 1980. Revue de la
fédération archéologique de l'Hérault, 180 p.
43
«Hil Harriak». Actes du colloque international sur la stèle
discoïdale. Musée Basque, Bayonne (8, 9, 10 juillet 1982), 386 p.
Il
serait trop long de citer ici les travaux d'auteurs qui ont
accompagné mon texte.
BLOT,
J, : on consultera avec profit les travaux parus en particulier dans
plusieurs « Bulletin du Musée Basque ».
CARO
BAROJA, J, : on consultera en particulier ses travaux réédités par
la maison Txertoa de Saint-Sébastien.
GOYHENECHE,
E, : je citerai surtout deux ouvrages: «Notre terre basque»,
Société nouvelle d'éditions régionales et de diffusion, Pau,
1979, 160 p. «Le Pays Basque, Soule, Labourd, Basse-Navarre»,
Société Nouvelle d'éditions régionales et de diffusion, Pau,
1979, 680 p. et cartes. UGALDE, M. de, «Sintesis de la Historia del
País Vasco», Ediciones vascas, 1977 (quatrième édition), 242 p.
PRIGOGINE, I, et STENGERS, I, : «La nouvelle alliance ». Gallimard
Ed. Folio Essais 1979, 443 p.
Je
remercie tous mes amis de l'association Lauburu sans lesquels ce
travail n'aurait pu se faire. Je suis également redevable envers
Monsieur Eugène Goyheneche qui s'est toujours intéressé à ces
travaux et m'a conseillé plus d'une fois, de même Monsieur le
chanoine Lafitte. Bien des idées exprimées ici voient le jour au
cours de discussions passionnées avec Père Marcel Etchehandy !
Comme on le voit dans ce texte, je suis aussi redevable envers Joseba
Zulaika pour l'intérêt qu'il porte à ma recherche et pour m'avoir
fait parvenir ses travaux. Enfin, je remercie profondément notre
maître J.-M. de Barandiaran pour ses encouragements et ses conseils.
Les relevés des monuments sont dus à J. Etxeverry-Ainchart.
(a)
Travail en cours.
(b)
En 1788 on connaît, à Arcangues, Joannes Malussar, cadet de la
maison Joangochenea. Comme bien de ses confrères, il ne doit pas
savoir écrire, le contrat n'est pas signé. Son père n'est pas
maçon, il est laboureur.
c)
Cette décadence de notre art funéraire a été étudiée dans un
village : M. DUVERT. Etude des croix du cimetière de Masparraute.
Aingeru Irigarayri omenaldia. Eusko Ikaskuntza - 1985 - p. 639-661.
(d)
Hallazgo de «cabeceras de sepulturas al modo antiguo » en Tolosa
(1589). Cuadernos de etnologìa y etnografia de Navarra. 1985 n° 46,
p. 131 -134.
e)
Il s'agit là d'un aspect fondamental qui touche à l'expression même
de l'imagerie, à sa conception. J'ai abordé cet aspect dans un
ouvrage dédié au chanoine Pierre Lafitte : M. DUVERT 1983.
«Remarques sur la structure de l'art plastique basque», Iker n° 2.
p. 751-767.
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