Michel Duvert: Art funéraire à Arcangues ez ateratzen

L'art funéraire basque
à Arcangues

Michel Duvert

Article paru dans la monographie Arcangues, Ekaina, collection Karrikez herriak, 1986.


J.-M. de Barandiaran, 1974 : «La façon de nous aider nous-mêmes en tant qu'ethnie, que mentalité, c'est de comprendre notre passé historique et culturel, c'est de prendre conscience d'où nous venons et qu'elle fut notre expérience, c'est de s'informer des éléments qui viennent à nous depuis des siècles; car le chemin qui nous est tracé par nos origines est celui qui peut nous apprendre à résoudre notre futur; c'est là que sont, précisément, nos tendances, nos aspirations; nos tendances naturelles y sont incorporées dans l'essentiel, dans les façons de comprendre le socio-politique et la société supranationale sous ses différentes formes. En outre, non seulement ceci est important mais est tout aussi important ce qu'a fait le Basque face à la nature, le savoir populaire. De même est important le programme de vie qu'a eu le Basque, quels sont les éléments de son système de valeurs qui persistent dans le monde actuel. Car il est tout à fait certain que nous ne pouvons pas revenir au passé, et nous ne devons pas le faire, le Basque a toujours été engagé dans des actions tournées vers le futur; mais il ne pourra se projeter efficacement vers ce futur que s'il sait d'où et par où il est arrivé jusqu'ici...»

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Le marquis Pierre d'Arcangues a constitué, à n'en pas douter, l'une des plus belles collections d'art funéraire basque, dans le cimetière d'Arcangues. Il y a ici diverses formes de monuments, d'époques variées (essentiellement postérieures au XVIe siècle) et provenant de plusieurs endroits des trois provinces nord d'Euskadi. Pour apprécier pleinement ces œuvres, il faut les situer dans le contexte de la civilisation basque et plus précisément dans des espaces et dans des temps. C'est une tâche redoutable car les études sur ces monuments sont récentes et il subsiste de graves lacunes dans nos connaissances. Ces quelques lignes constituent donc une sorte de guide très provisoire, sans plus.

INTRODUCTION

Le premier travail connu portant sur ces pierres est dû à Eugeniusz Frankowski (27); il fut suivi de l'œuvre essentielle de Louis Colas (15) parue à Bayonne en 1924 et de nombreuses observations de Philippe Veyrin auxquelles est parfois associé le nom de Pedro Garmendia (38). Ces travaux permirent de constituer un corpus de plusieurs centaines d'œuvres. Cependant la méthode analytique mise en œuvre par ces deux derniers auteurs et leur manque de sensibilité vis-à-vis de l'ethnologie, font que ces travaux ne débouchèrent sur aucune vue d'ensemble ; leur travail a une valeur essentiellement documentaire. Toute autre est l'œuvre de Frankowski qui, bien que très contestable et souvent dépassée, propose une conception de la stèle discoïdale. En fait, les véritables études en ce domaine débutent avec notre maître J.-M. de Barandiaran qui, relayant de glorieux prédécesseurs comme Resureccion Maria de Azkue et son maître Telesforo Aranzadi (28), dessina le cadre scientifique des études ethnologiques modernes en Pays Basque. C'est J.-M. de Barandiaran qui nous a donné les concepts et les outils nécessaires à une démarche scientifique visant à appréhender le fait basque (voir ses œuvres complètes).
Ces dernières années de nombreuses monographies ont été publiées, en Navarre en particulier, le corpus des œuvres ne cesse de s'enrichir (nous connaissons maintenant quelques milliers de stèles discoïdales en Euskadi), y compris en Europe. Des chercheurs qui travaillent sur ces monuments se sont réunis à Lodève (42), puis les Basques ont organisé le premier congrès international sur ce thème (43) ; la stèle discoïdale est enfin devenue un vrai sujet d'étude. Dès lors tout discours que l'on tient sur elle est plus que jamais provisoire; aussi je me contenterai de rapporter, dans un premier temps, des faits qui semblent assez solidement établis en m'écartant délibérément du champ des hypothèses.
Tout d'abord il nous faut définir un des objets de cette étude : la stèle discoïdale. Disons-le tout de suite, il n'y a pas d'accord sur ce point; acceptons donc comme provisoire et insatisfaisante la définition suivante : c'est un monument actuellement dressé, au sommet arrondi et le plus souvent circulaire. Il ne faut pas conclure pour autant que tout monument répondant à cette définition constitue un concept unitaire. En fait il y a des types de stèles discoïdales qui n'ont en commun que cette forme, au demeurant très simple. Il va de soi qu'un zoologiste ne dira jamais que tout animal constitué d'un tronc, d'une tête, de quatre pattes et d'une queue (forme beaucoup plus élaborée que celle de «la» stèle discoïdale) est un chat ! Actuellement nous ne savons pas comment qualifier ces monuments; sauf peut-être des stèles des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, dans notre pays. A ce propos le terme de «stèle basque» semble pleinement justifié (voir 42, 43).
Ce qualificatif ne s'applique que pour des discoïdales d'Euskadi, aux époques citées. En fait, la culture basque est présente en Europe dès le troisième millénaire, avant la venue des indo-européens qui vont modeler le visage de l'Europe moderne. A l'entrée de l'histoire une culture basque s'étend le long des Pyrénées, jusqu'au Languedoc, et se déploie vers l'Ebre et la Garonne (au haut Moyen Age encore les vallées andorranes pratiquent la langue basque) (2). Nous ignorons beaucoup de l'histoire des monuments funéraires de ces époques, mais il est possible que quelques œuvres d'Arcangues nous transmettent comme un lointain écho de vieilles mentalités.
Marqué par l'histoire, le monument funéraire basque offre plusieurs lectures. On peut le considérer comme un signal sur une sépulture, comme le prolongement de la maison (linteau et monument funéraire polarisent l'activité des tailleurs de pierre), comme un espace structuré et hiérarchisé, comme un support d'imageries fluctuantes, etc. Ces différents aspects seront tour à tour évoqués, mais la question centrale demeure de quelles réalités témoigne tel ou tel monument? Comme l'auteur de ces lignes, celui qui sera face à une telle œuvre restera souvent sur sa faim; il lui faudra rêver... en essayant de rester dans le domaine du «raisonnable»... alors que l'œuvre appartient fondamentalement à l'irrationnel.
Avant de nous intéresser au monument funéraire en lui-même nous allons interroger l'archéologie, l'histoire et l'ethnographie. Nous allons essayer de reconstituer des fragments de «paysages culturels» dans lesquels le monument funéraire basque avait sa véritable signification.

A. - LE CONTEXTE, DONNEES ARCHEOLOGIQUES

Les hommes et les idées ne circulaient pas de façon identique des plaines de l'Ebre et de l'Aquitaine aux vallées des Pyrénées. L'espace avait fortement contribué à dialectiser ce Pays basque à l'époque où un ancêtre possible des stèles discoïdales fit son apparition, dans un gisement fouillé par J. M. de Barandiaran. C'est en Alava, dans le dolmen de San Martin que notre maître découvrit, dans la chambre sépulcrale, de petites dalles dressées au sommet arrondi, de quelque 70 centimètres de haut. On put dater ces pierres: 2500 ans avant J. C. Parallèlement, deux chercheurs espagnols découvrirent dans des dolmens asturiens des petits monuments à sommet arrondi ou franchement circulaires (29).
On peut donc admettre que des formes apparentées à la stèle discoïdale (et qui sont peut-être son ancêtre) étaient connues à l'époque où l'on construisait dolmen et tumulus. Bien que des jalons fiables nous fassent défaut, on peut penser que des formes analogues existaient à l'époque des cromlechs (baratz), en effet la stèle discoïdale est présente, chez nous, à l'arrivée de Rome (34, 35). Les Asturiens en particulier, mais aussi les Basques (à Menaça et à Iruña ?) connaissaient deux types de discoïdales aux premiers siècles avant J. C.: de grands disques de plus d'un mètre de diamètre (1,87 m. à Corneiro, province de Santander) et de petites stèles discoïdales de type «classique». Ce type de monument présentait donc déjà une certaine diversité.
Qui était «enterré» dans une tombe signalée par une stèle discoïdale ? Qui, au contraire, était incinéré puis mis dans ce «cénotaphe» (voir Jacques Blot) ou baratz? Nous l'ignorons comme nous ignorons trop les liens ayant existé entre monuments funéraires basques anciens et les catégories sociales, ou types de société. Comment rendre compte dès lors de la réalité de ces monuments? Je prends deux exemples: les grands disques de type «cantabre» (Asturies) ne sont sûrement pas (tous) des monuments funéraires, ils doivent être liés à des cultes; dans le village protohistorique de La Hoya (en Alava), Llanos a découvert que les petits enfants étaient enterrés dans les maisons alors que les adultes étaient probablement incinérés dans une nécropole, et çela dès l’âge du bronze final. La pratique d'enterrer des enfants non baptisés dans les maisons est attestée jusqu'à ces dernières années en Pays Basque, par J.-M. de Barandiaran et par moi-même (il n'y a pas de stèles discoïdales sur ces tombes). Ce n'est pas là le seul «archaïsme» relevé en matière de pratique funéraire en Euskadi; récemment, Jacques Blot a fouillé trois tumulus cromlechs; ils ont été datés par les cendres ou les objets; ils sont des Xe-XIe siècles après J.-C. (alors que l'Europe se couvre de blanches églises romanes...). Il n'y aurait pas de stèles discoïdales dans ces structures funéraires.
En fait si les archéologues nous apprennent que les monuments funéraires et les «pratiques funéraires» étaient variés avant notre ère, en Euskadi (je ne traite pas de cet aspect), ils ne peuvent guère nous renseigner sur «l'ancêtre» de la stèle discoïdale et sur l'histoire de ce monument. Cependant il faut signaler une hypothèse qui consiste à voir dans le menhir l'ancêtre de la stèle; les deux seraient «anthropomorphes» (c'est-à-dire qu'ils sont reliés à l'effigie du défunt); thèse développée surtout par E. Frankowski. A mon avis, ce point de vue peut être réfuté. En premier lieu les «menhirs» basques sont mal situés dans le temps et probablement postérieurs aux dolmens. Il n'en subsiste guère qu'une vingtaine en Pays Basque Nord. Leur «anthropomorphisme» n'est pas du tout évident; certains sont même actuellement couchés sur le sol, selon des directions qui pourraient ne pas être quelconques. Jacques Blot qui les a étudiés, pense que ce sont fondamentalement des bornes (muga) et son argumentation est solide. Enfin, on ne peut pas affirmer que ce type de monument est contemporain d'une sépulture.
Une dernière point, la distribution des monuments funéraires protohistoriques n'est pas uniforme dans le Pays Basque nord actuel, comme le souligne Jacques Blot (68 % des dolmens sont en Labourd, 43 % des tumulus sont en Soule, etc.). Ce même auteur suggère qu'il y a pu avoir diversité de formes de sépulture au sein d'une même nécropole à ces époques (et ces nécropoles sont souvent liées à la route voire même au paysage, voir les travaux de Jacques Blot).
Les données archéologiques nous incitent à prendre en considération des paysages culturels anciens, complexes, nuancés et diversifiés. La stèle discoïdale et des formes «apparentées» (toujours ce problème de définition !) existeraient dans l'espace basque depuis au moins le second millénaire (voir en particulier le travail de Armando Llanos (43)).

DE L'ARCHEOLOGIE A L'HISTOIRE

Les données sont ici très fragmentaires, trop souvent mal situées dans le temps et dans l'espace. Je pense en particulier à la collection d'Argineta en Biscaye, à de nombreuses pièces conservées dans des musées d'Euskadi sud. Cependant certaines situations sont très intéressantes comme la nécropole paléo-chrétienne de Soracoiz, en Navarre. On peut être sûr d'une chose, la stèle discoïdale est toujours utilisée jusqu'au XVIe siècle, époque à partir de laquelle les stèles datées sont de plus en plus abondantes en Euskadi nord. (Pour la Navarre voir les travaux de F. Zubiaur Carreno ayant paru dans divers numéros de Cuadernos de etnologia y etnografia de Navarra .)
A la sortie du Moyen Age, après les grandes épidémies qui marquent notre pays, un essor démographique a lieu. Les cadets coloniseront de plus en plus la montagne jusqu'au XVIIIe siècle (les bordiers). De nouvelles conditions de vie (introduction du maïs, pêche de la morue, etc.), des progrès technologiques voient le jour. L'habitat est remodelé: un document de 1608 nous apprend que depuis trente ans, 3.500 maisons ont été rebâties dans le seul Labourd... Parallèlement, les Espagnols s'emparent de la Navarre et chassent les souverains légitimes qui viennent se réfugier dans leur terre «d'ultra puertos», la Basse-Navarre. Les guerres de religion déchirent le pays, essentiellement la Soule et la Basse-Navarre, etc. (Voir les travaux de Eugène Goyheneche.)
C'est dans ce contexte que la discoïdale connaît un développement spectaculaire qui s'amplifie au XVIIe siècle, mais en Euskadi nord uniquement (et peut-être en Navarre ?). Il y a là un problème qu'il faut examiner.

DONNEES HISTORIQUES

Je retiendrai ici des ensembles de faits destinés à éclairer cet étrange problème: les stèles discoïdales les plus anciennement datées, à Arcangues, comme ailleurs en Euskadi nord, sont du XVIe siècle; la qualité d'exécution de ces œuvres est remarquable.
Que se passe-t-il dans notre pays, en cette fin du Moyen Age et qui puisse avoir une incidence quelconque sur nos monuments funéraires? Je soulignerai trois événements majeurs, à mon sens.
1. La fin du Moyen Age voit la disparition progressive des lignages qui se partageaient une grande partie de l'espace basque et se livraient à des combats ou à des raids sanguinaires (voir les travaux de Julio Caro Baroja). Cette perte progressive d'influence est parallèle à la montée du pouvoir des assemblées de villages et de pays. Or, dès les XVIe-XVIIe siècles, les stèles discoïdales sont profondément dialectisés; certaines formes sont propres à des pays (Amikuze, Garazi, etc.), à des vallées (Nive labourdine), à des ensembles de village (Bas-Adour), voire des villages donnés comme Itxassou (19, 24). Cette insertion dans l'espace apparaît de façon évidente dans la collection d'Arcangues.
2. Les XVIe et XVIIe siècles voient s'opérer chez nous un profond bouleversement. Alors que jusqu'ici le charpentier (zurgina) modelait notre espace de vie (habitat domestique, églises...), ces époques voient le maçon (hargina) étendre de plus en plus son influence dans ce domaine. Ceci est tout à fait net dans l'histoire de nos maisons (un travail est en cours de réalisation: il subsiste encore un très grand nombre de maisons à charpente de bois, en Basse-Navarre en particulier, vraisemblablement antérieures au XVe siècle, quelques-unes montrent comment on est progressivement passé à des maisons essentiellement de pierres). Or, c'est justement à ces époques que fleurissent les stèles discoïdales. Dès lors une question se pose: qu'elle a été l'emprise des charpentiers, dans le domaine de la mort, avant les XVe-XVIe siècles? Confectionnaient-ils des monuments funéraires en bois? avec quelles imageries? etc. On peut penser en effet que les charpentiers avaient une réelle importance, si l'on tient compte de données ethnographiques (a). Par exemple, c'est lui qui met le mort en bière, c'est lui qui décore l'ezkaratze où le cercueil sera exposé (en Basse-Navarre surtout), en Garazi il règle l'ordre du cortège funéraire et désigne les porteurs de cercueil, il prend part au feu rituel allumé devant la cour de la ferme au retour de la cérémonie, etc. Dans quelles conditions s'est opéré le «passage de pouvoir» zurgin-hargin? et donc d'où sort le monde de la discoïdale qui connaît ce grand essor à ces époques? Quel Pays Basque ces œuvres mettent-elles en scène? Nous l'ignorons en grande partie.
3. La taille de la pierre est issue d'une longue tradition, très ancienne. Dès l'époque romaine de puissants ateliers sont repérés dans l'Euskadi actuelle (à la limite de la Navarre et de l'Alava en particulier) mais aussi le long des Pyrénées basques de ces époques. La chute de l'empire romain ne met pas un terme à leur activité: «Les sculpteurs aquitains ont témoigné d'une science plus subtile: le décor des chapiteaux de marbre du VIIe siècle est souvent tracé d'après un dessin établi sur une trame de triangles équilatéraux et le décor des tombes est souvent issu d'un quadrillage [...]. Les ateliers de marbriers de l'Aquitaine sculptèrent des chapiteaux ouvragés et les exportèrent dans toute la Gaule aux VIe et VIIe siècles. Dans cette grande nuit qui entoure la civilisation matérielle de l'époque mérovingienne, un repère de ce genre est d'un grand prix. Il ne nous permet pas de reconstituer entièrement les principes d'une architecture, mais il atteste une fidélité aux anciennes pratiques qui ne peut s'expliquer que par une succession ininterrompue de chantiers de constructeurs depuis l'antiquité. Une autre preuve est donnée par la continuité de l'emploi de la géométrie pour le calcul des proportions» (31).
Plus tard, on trouve des équipes de maçons basques sur les principaux chantiers de constructions de cathédrales dans la péninsule ibérique : Juan de Olotzaga travaille de 1400 à 1415 à la construction de la nef de la cathédrale de Huesca, Martin de Gainza et Miguel de Zumarraga sont sur le chantier de la cathédrale de Séville, le premier construit la chapelle royale de l'abside; Juan de Alava travaille jusqu'en 1537 à la cathédrale de Plasencia, puis de Salamanque; sur quatorze tailleurs de pierre employés à la construction de l'Escorial, plus de la moitié sont Basques, etc. En Euskadi sud, au XVIe siècle, les tailleurs de pierre et architectes basques définissent un gothique basque tardif (12, 13).
Il est donc évident que la discoïdale et l'art de la taille de la pierre ne constituent pas des nouveautés dans l'Euskadi des XVe-XVIe siècles ni dans l'aire basque des époques antérieures.

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Mais qui sont ces maîtres? Dans sa thèse portant sur l'étude du Pays Basque nord à la veille de la révolution française (qui verra la fin de nos institutions et de notre autonomie), Maïté Lafourcade (32) découvre de nombreux tailleurs de pierre dans des archives notariales. Tous sont agriculteurs et se transmettent (le plus souvent) le métier de père en fils (b). Ces œuvres sont donc des créations de paysans (au moins au XVIIe siècle). Plus encore, lorsque l'on arrive à repérer sans ambiguïté l'un de ces vieux maîtres (18, 19, 20, 21, 24, 26) on ne trouve, tout au plus, que trois ou quatre productions de sa main et ce, dans un espace très réduit (un à deux villages en général). Nous sommes en droit de penser que la confection d'une stèle discoïdale n'est en aucun cas un acte «gratuit» qui ne répond qu'à un besoin «utilitaire» (d'autres arguments vont dans ce sens, nous les verrons plus loin). Il s'inscrit dans une longue tradition, une longue pratique. Ceci est très important.
Le Pays Basque a toujours été largement pénétré par les idées et les modes circulant en Europe, en particulier en matière d'art funéraire. Toutes les formes connues se retrouvent chez nous (enfeux, tombeaux richement sculptés, plate tombes, etc.).
En Euskadi nord, des modes pénètrent par des voies qui restent encore inconnues. Ainsi, le XVIIe siècle en Labourd, voit la discoïdale laisser place à une forme étrange, la stèle tabulaire (15, 19). Cette dernière est diversifiée selon les régions et n'est massivement présente qu'à l'ouest de la province. Pourquoi ce type de monument très particulier, présentant une imagerie originale par rapport à celle des discoïdales ? Comment et par qui a-t-il été introduit dans la zone occidentale du Labourd ? Pourquoi présente-t-il quelque ressemblance avec des monuments trouvés en particulier en Basse Saxe (6) ? Nous ne savons pas. Ce type de monument avait pourtant été adopté au point que les marins labourdins en emportèrent des exemplaires pour les mettre sur les tombes de marins morts au Canada, au XVIIe siècle (15, 40).
Les croix de pierre firent leur apparition, chez nous, vers le XVIIe siècle. Peu à peu, ce monument remplaça la discoïdale. Dans un premier temps il fut lui aussi dialectisé, mais très vite ce caractère disparut au point que des productions bas-navarraises pénètrent jusque dans le Labourd occidental. Seule la Soule résista à cette vague et continua à faire des croix très particulières (c).
A la fin du XIXe siècle les caveaux en relief (alors que les rares existant auparavant étaient totalement enterrés et surmontés d'une plate-tombe à ras du sol) chassèrent à leur tour les croix.
Peu à peu le cimetière basque se dépersonnalisa, il devint chaos, addition d'égoïsmes. La culture basque ne maîtrisait plus ce domaine. Parallèlement les tailleurs de pierre se convertirent en marbriers, en techniciens ; les catalogues .et la routine remplacèrent la tradition. La décadence amorcée à la fin du XIXe siècle s'amplifia considérablement dès les années 1920.
Le marquis Pierre d'Arcangues réagit contre cet état de fait. Le cimetière actuel d'Arcangues est là pour en témoigner. De son côté l'association Lauburu amorça une réflexion sur le cimetière basque moderne ; de nouvelles réalisations voient le jour. Des sépultures modernes sont réalisées dans un espace de verdure et de fleurs ; cette démarche prolonge la tradition. Municipalités et marbriers sont associés à cette entreprise, ainsi que les particuliers. La création s'installe à nouveau, après une longue éclipse, dans un espace qui est le sien et qu'elle n'aurait jamais dû quitter.

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Enfin, et c'est un problème majeur, nous ne savons pas quand se sont constituées les paroisses dans notre pays. De telle sorte que nous ne savons pas de quand date ce paysage familier : le cimetière groupé autour de l'église. Signalons simplement que ce problème est difficile : en effet, en Guipuzcoa des discoïdales semblent bien en rapport avec la route et non avec le cimetière (1), d'autres sont bien liées au cimetière (voir le travail récent de J. M. Jimenio Jurio (d)). Des situations analogues peuvent se rencontrer également en Euskadi nord ; mais il ne semble pas, chez nous, que la discoïdale soit liée par exemple au chemin de Saint-Jacques de Compostelle (22). Je ne parlerai pas de cet aspect. L'archéologie et l'histoire nous livrent des données fragmentaires et complexes. Force est de constater que nos lacunes sont grandes. Avant d'interroger l'ethnographie faisons un détour vers la langue basque qui reste la plus forte création de notre culture.

L'EUSKARA

Le cimetière entourant l'église, comme celui qui appartient à une maison, s'appelle hil-harriak (et par là hil-herriak, hil herria, ilargia... formes qui en dérivent et qui ont des sens très différents). Hil-harriak signifie littéralement «les pierres des morts » et ces deux mots méritent que l'on s'arrête ici quelques instants.

I. Hil: c'est l'une des grandes divinités cosmiques (avec Egu et Urtzi, etc.) définies avant le troisième millénaire de notre ère et modelées par la suite, par le monde indo européen. Hil est opposé à Egu, c'est le monde «lunaire» (la lune ou ilargi est «lumière de hil»), le monde de l'obscurité (Ilun, qui est aussi le nom d'une divinité aquitaine connue à l'époque romaine; un autel lui est dédié... il fut trouvé à Narbonne), le monde de l'éphémère, de la cendre, de chose sans consistance, faible... (ilhaun). Par ilargi, hil nous sert à mesurer le temps (ilabethe, etc.) et cette lune est parfois le séjour des morts.
En d'autres termes, à travers «hil», la sépulture est intégrée dans une vision cosmique du monde. Cela ne sera pas sans conséquence, nous le verrons, pour les monuments funéraires. Poursuivons cette idée : dans un cimetière traditionnel basque les tombes sont strictement orientées est-ouest. Les morts ont la tête vers l'ouest, contre le monument funéraire. De telle sorte que tous les jours ils voient le soleil qui se lève exactement face à eux, soleil que le christianisme assimilera au Christ; chaque jour, cycliquement, le mort est face au soleil levant, au Christ de la résurrection. C'est un symbole très fort.
Mais il y a plus. Du fait de la stricte orientation est-ouest, des deux faces du monument funéraire: le matin, la face qui surmonte la tombe est écrasée de lumière. Puis, au fur et à mesure que le soleil monte, elle se creuse d'ombre et de lumière; vers midi («egu-erdi») cette face est au maximum de son éclat. Brutalement, elle plonge dans l'ombre, en début d'après-midi, alors que l'autre face se pare de tous les éclats. Mais à son tour, avec la fin de la journée, le soleil viendra éclairer de plus en plus de face ce côté du monument, écrasant son relief, ternissant son éclat. Avec le coucher du soleil c'est tout le monument qui bascule du temps du soleil à celui de la lune (en fait du temps de Egu à celui de Hil). Le monument a donc une vie propre, cyclique ; il vit une aventure cosmique, immergé dans des domaines où règnent des astres, qui, par un tabou de vocabulaire, signifient hil et egu (eguzki est parallèle à ilazki : -zki est une très vieille racine qui pourrait signifier un contenant, un récipient; elle fut remplacée tardivement par la racine -arg: dans ilargi, par exemple, -arg étant lié à ce qui brille dans les langues européennes: argent, etc. Ilazki ou ilargi et eguzki sont donc, littéralement, les «contenants» de hil et egu), il est également immergé dans des temps de valeur différente («gaua gauezko-arentzat, eguna egunazko-arentzat » selon le dicton). C'est un point capital pour qui veut faire une approche de notre art funéraire.

II. Harri: ce mot, qui désigne la pierre, est étroitement lié au monument funéraire dès les époques protohistoriques. Ainsi des dolmens d'Aralar (Navarre) sont appelés jentillarri (ou sépulture des gentils), des cromlechs, ou baratz, sont appelés ilarrita, les pierres les composant sont appelées ilarriak, etc. Lorsque, de nos jours, nous désignons sépulture et cimetière par hil-harriak (hilen-harriak) nous continuons à mettre l'accent sur le concept de «pierre».

III. Anthropomorphisme : la stèle discoïdale est également connue sous le nom de gizon, harri-gizon, gizon burubeltza. Ces termes désignent l'homme, sans équivoque possible. Mais rien ne nous dit que ce nom soit d'origine. A mon avis, il est secondaire; la stèle est fondamentalement autre chose que la représentation du défunt (17). En outre, cette allusion à l'homme n'est pas la règle, un témoin de Lantabat appelle la discoïdale « kalistra kurutzia »…

IV. Baratze: jentilbaratz désigne des cromlechs (baratz) de même Mairu baratz….. Baratz est lié au cromlech. Arrêtons-nous un instant ici. Jacques Blot a découvert et fouillé des baratz qui datent du Moyen Age, dans la montagne basque (et ceci est en harmonie avec ce que nous disent les textes de ces époques à propos de l'état de christianisation de notre pays. Soulignons qu'au XIIe siècle on continue à désigner Dieu par le nom d'Urtzia…..). Ces baratz sont des sépultures symboliques, de véritables cénotaphes (Blot).
Telesforo Aranzadi et J.-M. De Barandiaran, à l'entrée du XXe siècle, ont été les témoins de la pratique suivante : des pasteurs se signaient et récitaient des prières devant les cromlechs de la montagne. «Demandez à un citadin la signification de ces tumulus et de ces cromlechs. Il n'en saura rien. Un tas de terre et quelques grosses pierres. Demandez à un berger basque. Les termes de tumulus et de cromlechs lui seront peut-être étrangers, mais il en connaît la destination, par ses légendes orales issues du fond des âges. A ces sites, il accroche l’idée de la mort et l’idée de sépulture » (36).
A St-Jean-le-Vieux (Imus Pyrenaeus), seule station romaine bien connue en Pays Basque nord), Jean-Luc Tobie a découvert, dans un environnement «urbanisé», six petits cercles de pierre (de moins de 90 cm. de diamètre) délimités par des galets et recouverts de disques d'argile, parfois décorés. Pour certains d'entre eux, la signification funéraire a été établie (37), ils sont postérieurs au IIIe siècle (IVe-Ve siècles ?).
Ces trois jalons nous montrent des structures circulaires dès lors, on peut se demander si la discoïdale n'est pas un cercle cosmique, dressé. Cette conception est bien plus féconde que la thèse « anthropomorphe » ; elle a beaucoup plus de résonance dans notre tradition. Ceci dit, cette forme, cet aspect de disque dressé sur un socle, a pu faire naître, mais secondairement, l'idée de l'anthropomorphisme.
Mais il y a plus. En effet, on a enterré récemment encore, dans les maisons et, en Euskadi nord, dans une bande de terre située sous l'avant-toit des maisons : en façade ou le long de l'un des flancs nord ou sud. Cette bande de terre reçoit chez nous le nom de «baratz» ou d'«andereen baratzia» (voir les travaux de Pierre Lafitte), en d'autres termes, le même mot qui, dans la montagne, désigne le cromlech (des premiers siècles avant notre ère), désigne également la sépulture domestique liée à la maison. Par extension, baratzia est devenu, de nos jours, le jardin, mais comme me le fait remarquer un témoin de Garris (qui savait que l'on enterrait les enfants morts sans baptême «baratzian», son amaño le lui avait dit), «baratz c'est le devant même de la maison, alors que le jardin est partout». C'est donc tout récemment que nous avons perdu le sens traditionnel de ce mot.
En résumé, la langue basque nous apprend que des termes liés au concept de sépulture sont très anciens et qu'ils ont un sens cosmique évident. Attendons-nous à trouver dans le monument funéraire autre chose qu'un support illustré, qu'un livre d'images, qu'une surface décorée…
Enfin, l'identité de terme et de fonction entre des sépultures protohistoriques et contemporaines (baratz) est une piste très intéressante. Un conte basque affirme même ce lien: le héros est enterré dans le baratz de sa maison… et là, il ressuscite ! Cependant, pas plus le baratz domestique que celui de la montagne ne contiennent de stèles discoïdales…
Je signale, pour terminer, que le baratz qui apparaît chez nous vers la fin de l'âge du bronze (vers le premier millénaire avant Jésus-Christ), est, selon le préhistorien J. C. Apellaniz, «le premier des monuments interprété d'une manière personnelle en Pays Basque». En effet, bien qu'on l'appelle cromlech («cercle limité par des pierres»), il n'a pas les traits caractéristiques du cromlech celte. Et ces baratz s'étendent le long des Pyrénées... Autant dire qu'en matière de monument funéraire il y a eu plusieurs créations dans notre pays, seule la discoïdale a traversé les temps, c'est dire si son passé est riche et complexe.

DONNEES ETHNOGRAPHIQUES

Je ne retiendrai ici que celles qui ont un rapport très direct avec le thème qui nous occupe; en fait, je n'exposerai que quelques éléments destinés à nous faire comprendre certains aspects de la «réalité» de nos monuments funéraires.
I. Y a-t-il vraiment un mort enterré sous un monument funéraire basque? Cette question peut surprendre quelqu'un qui n'est pas au fait de l'histoire des mentalités. Les enquêtes ethnographiques menées sur le terrain font prendre conscience que l'espace de la mort n'est pas la sépulture. Un exemple extrême est illustré à Ordiarp (Soule), à l'entrée du siècle. Lorsque le cercueil devait quitter la maison, le jour des obsèques, les hommes du cortège se mettaient tout autour de lui, dans la maison; un homme de la maison posait alors des verres à même le cercueil et servait du vin. Tous buvaient (je traduis) «en trinquant à la santé du mort». En revenant de la messe des obsèques, la première voisine ramenait l'ezku à la maison mortuaire, elle la posait sur la table et l'allumait. Là, durant tout le repas funéraire, elle brûlait. Avait-on vraiment porté en terre un mort ?
La mentalité populaire connaît des chemins souterrains par où transitent les morts (monde souterrain qui est celui de notre mythologie; là on peut trouver Mari, divers génies comme Lamiñak etc., mais aussi eguzki et ilargi qui transitent ici, comme Herensuge et tout un « bestiaire » (7, 8, 9)). Ces chemins débouchent en surface du sol et là, les morts nous visitent. Beaucoup d'entre nous connaissent des pratiques pour «se débarrasser» d'arima erratiak, les âmes errantes…
Sur une plate-bande bas-navarraise, du XVIIe siècle, il y a une ouverture fermée par une petite grille en fer forgé (12x12 cm.). Cette ouverture fait directement communiquer l'intérieur de la tombe et le monde des vivants.
Où sont les morts en Pays Basque et qu'elle est la fonction exacte de nos monuments «funéraires»? Allez vous étonner après cela de ne pas y voir les imageries classiques de la mort: sabliers, faux, larmes, anges pleureurs, crânes, os, etc. Rien de cela sur nos monuments. Ils parlent d'autre chose. De même la majeure partie des discoïdales européennes ne mettent guère en scène ces fantasmes macabres qui ressemblent aux songes de la raison... elles relèvent d'autres «pratiques».
II. Examinons maintenant le lien actuel existant entre le lieu de sépulture, le type de monument funéraire et la catégorie sociale du mort.
En premier, nous l'avons vu, la maison fut un lieu de sépulture. Il n'y a pas de monument funéraire dressé ici, ni d'image de mort.
Dans le cimetière, faisons abstraction des cagots et des bohémiens qui pouvaient avoir leur lieu de sépulture et probablement des monuments particuliers (au moins en ce qui concerne l'imagerie), ainsi que des communautés étrangères (cimetières juifs de Bayonne, Bidache, Labastide-Clairence). Dans un cimetière de type traditionnel on rencontre komunak ou lur benedikatu gabea, dans un lieu écarté ou contre le mur de l'église. On y met les enfants morts sans baptême (après une cérémonie spéciale). Ici il n'y a pas de monument funéraire, même pas un tumulus de terre.
Ailleurs se trouvent les sépultures de maisons (hilharriak) elles peuvent ne pas avoir une disposition quelconque. Cet espace renferme une à trois tombes surmontées d'un monument: les enfants n'ont pas droit à un monument de pierre mais le plus souvent en fer, voire en bois, et peints en blanc; les pauvres ont des croix en bois; 3) les autres ont des discoïdales, des croix ou des tabulaires; les plus aisés ont une plate-tombe ou une belle croix en fonte (souvent achetée en Navarre ?) ou des caveaux plus ou moins importants; quelques rares maisons ont une chapelle funéraire.
Dans l'église il y a au moins cinq espaces funéraires : 1) dans le chœur on a mis (encore récemment) des prêtres et même andere serora, la benoite, à Sare par exemple; 2) dans l'allée centrale de la nef sont des sépultures de prêtres ou de nobles ; 3) ailleurs, se trouvent les jarleku ou sépultures des maisons, les femmes y avaient leurs chaises, avec andere serora, elles présidaient ici au culte des morts (offrande de lumière et même de nourriture et d'argent, au XVIIe siècle, il y eut ainsi de sérieux incidents dans la cathédrale de Bayonne (16). Les femmes sont ici sur les tombes des maisons ; on enterrait encore dans nos églises au-delà de la Révolution française), tombes qui étaient surmontées de plate-tombes, comme on peut le voir encore à Ascain, Saint-Pée, etc. Ailleurs, ces plaques de pierre ont été dispersées (autour de l'église à Sare, etc.) ; 4) dans un mur, il pouvait y avoir un enfeu pour une famille noble, quand cette dernière ne possédait pas une chapelle latérale, près du chœur, côté Evangile (Arçangues); 5) sous le porche on trouve des tombes de prêtres ou de notabilités, parfois, le monument aux morts (Arçangues, etc.). C'est le seul endroit où l'on trouve des monuments dressés accompagnant la plate-tombe.
Ainsi, la stèle discoïdale et la croix de pierre ne sont qu'une catégorie de monument funéraire que l'on trouve dans un espace particulier, le cimetière, mais aussi le long des routes. De plus, les histoires de ces monuments ont dû nouer à plusieurs reprises des contacts: Toute une série de monuments sont hybrides (stèles discoidales/croix; stèles discoidales/stèles tabulaires) et présentent des imageries composites.
A nouveau l'ethnographie nous renvoie à nos questions. Elle nous montre en particulier combien il est illusoire d'étudier un monument funéraire en lui-même sans tenir compte des «circonstances», habitat, sociétés, mentalités, modes... que nous ne connaissons guère pour des époques anciennes.
III. - Dans ce pays chaque quartier ou groupe de maisons, voire chaque maison, possède son hil-bide; le chemin que l'on emprunte pour conduire le mort au cimetière. Ce chemin est le trait d'union entre la demeure des vivants et celle des morts. Or, les tailleurs de pierre ont particulièrement décoré, outre les plaques de cheminée, le linteau de la maison et le monument funéraire. Comme pour affirmer la personnalité de la maison, à chaque extrémité du hil-bide. C'est une image forte.
Le monument funéraire est indissociable de la maison, véritable création sur laquelle le temps n'a pas de prise. Qu'importe la mort puisque la maison continue et que les femmes continuent les cultes à la maison ET sur la tombe. La maison, qui donne au basque son vrai nom, s'inscrit dans la durée. La tombe, qui la prolonge par hil bidea, s'inscrit dans le même traitement des temps, elle ne parle pas de l'éphémère (pas de crâne, pas d'ossements, etc., sur ces tombes).
IV. Quel est l'aspect d'un cimetière basque traditionnel ? Ecoutons deux témoins du XIXe siècle: «Les Basques ont un grand respect pour les morts. Ce respect se révèle par les soins qu'ils prennent des cimetières. Ce petit coin de terre est tellement couvert d'arbrisseaux et de fleurs qu'on croirait voir plutôt un jardin qu'un lieu de sépulture». Un témoin décrit le cimetière d'Itxassou en 1878: «Il est plein de fleurs, en particulier d'iris et de scabieuses, au milieu desquelles disparaissent les tombes […]. Il est à remarquer que ces tombes n'ont au-dessus du sol que la stèle, une seule pierre et plantée à la tête, précisément à la place et dans le sentiment des tombes des cimetières orientaux de toute l'Asie. Le cercueil est mis dans la terre entre quatre murailles latérales ou, tout à fait par exception, dans un petit caveau qui n'est pas plus apparent». Couleurs, parfums, chants d'oiseaux, vision égalitaire, «horizontale», pas de caveaux en relief; le marquis Pierre d'Arcangues connaissait-il ce témoignage lorsqu'il conçut le cimetière actuel qui a tant de charme comparé aux chaos de marbre et de granité que l'on voit ailleurs? En tout cas, il savait ce qu'était un cimetière basque.
Dans de nombreux cimetières, les tombes étaient en effet fleuries et décorées (de dessins faits sur la terre avec des râteaux, etc.) et ce, tous les samedis, par les femmes et les jeunes filles. «Le cimetière est la propriété de la femme» me dit un témoin... «comme tout ce qui se rapporte en fait au rite funéraire! Le monument funéraire doit se comprendre dans cet ensemble coloré. Plus encore, au début du siècle, j'ai pu voir que des croix, en Basse-Navarre, étaient peintes, et de quelles couleurs! bleu clair, vert tendre, ocre rouge et noir sur fond blanc».
Comment étudier ces monuments en faisant abstraction d'un tel contexte? Quelle(s) réalité(s| recouvrent-ils?
V. Il nous faut mettre un terme à ce type d'enquête dans le temps passé ou récent. Tout n'a pas été dit, loin de là ! on aurait pu signaler bien d'autres voies de réflexion; ce n'est pas le but de ce travail. Mais avant de quitter ce terrain il faut bien souligner un problème très embarrassant et qui, pour le moment, reste sans solution : sur quel type de tombe se trouvait la stèle discoïdale mais aussi la croix, la stèle tabulaire? qui enterrait-on hors de l'église? A coup sûr, des catégories spéciales de gens (voir les travaux de Maite Lafourcade et Jimeno Jurio), mais prenons un exemple, au XVIIIe siècle, et en considérant le « Rituel de la province ecclésiastique d'Auch à l'usage du diocèse de Bayonne», nous lisons page 211 : «Dans les endroits où l'ancien usage d'enterrer les morts au cimetière s'est conservé, on l'observera ponctuellement; et dans les lieux où il s'est insensiblement aboli, on tâchera de le rétablir: que si l'on permet d'enterrer quelqu'un dans l'église, ce ne doit jamais être dans des tombeaux relevés; mais à plate terre, et en des endroits éloignés de l'autel [...]. Un chrétien qui est décédé dans la Communion des Fidèles, ne doit pas être enterré ailleurs que dans l'église, ou dans le cimetière béni...». Ce texte date de 1751. Dans cet ouvrage on voit comment un cimetière doit être organisé, etc. mais surtout ce rituel permettra de rétablir des liaisons entre les données ethnographiques et historiques (ce travail est en cours de réalisation).
Retenons ceci: au XVIIIe siècle on enterre dans nos églises. Les femmes sont sur ces tombes, à genoux ou accroupies, sur la pierre tombale; les chaises feront leur entrée vers la fin du XIXe siècle environ, un observateur note leur apparition à Saint-Jean-de-Luz et de nombreuses gravures anciennes, je pense à celle de Corrèges par exemple, montrent effectivement une nef vide, sans chaise. Bien des gens s'imaginent que si, les hommes montent aux galeries c'est pour affirmer une sorte de «supériorité» par rapport aux femmes restées au sol. C'est une grossière erreur. Les hommes sont comme des spectateurs au balcon, le drame est joué dans la nef, par les femmes (maîtresses de maisons et andere serora) qui veillent sur les morts des maisons et offrent lumière, etc., sur la tombe même sur laquelle elles se trouvent. On comprend pourquoi chaque femme tenait à sa place (son jarleku) lorsque les chaises furent introduites, car la chaise était sur la tombe de la maison, tombe dont elle avait la garde.
Par la suite dans de nombreux endroits, les sols des églises furent refaits et les pierres dispersées car on n'enterrait plus dans l'église à partir de la fin du XVIIIe siècle). Puis les bancs remplacèrent les chaises... les maisons furent chassées du temple. Alors qu'autrefois, traverser la nef d'une église c'était traverser le village où les «maisons des morts» étaient gardées par les femmes, aujourd'hui il en va tout autrement... un symbole très fort est évacué, sauf dans certains villages retirés comme Mendive, Lecumberry....
Au même XVIIIe siècle on enterre dans le cimetière et on met là, maîtres et maîtresses de maisons, les inscriptions en témoignent. Deux espaces funéraires et deux grands types de monuments dressés au cimetière et la plate-tombe dans l'église coexistent; depuis quand? On consultera ici les beaux travaux de Philippe Ariès (3, 4, 5) qui n'a rien compris au Pays Basque, il pense que nous sommes une banlieue parisienne… La discoïdale apparaît alors comme étant un monument funéraire parmi d'autres qui lui sont contemporains, un monument qui, actuellement, est réservé à des adultes (hommes et femmes) et qui ne se trouve qu'à l'extérieur de l'église. Autant dire qu'elle nous «parle de la mort» en Pays Basque, mais « à sa façon »...
Résumé des principaux traits d'un monde traditionnel basque, recueillis à la fin du siècle dernier et de nos jours encore. On remarque l'interpénétration des mondes céleste et terrestre ; l'imbrication des chemins et des habitats avec le monde souterrain et ses cavités ; la maison qui se prolonge dans l'église et au niveau de la tombe.
Les forces cosmiques parcourent ces chemins céleste et souterrain. A noter que parmi elles se trouve eguzki (le soleil) et la lune (ilargi) qui sont des femmes et filles de la déesse Mari. Cette dernière personnifie la terre, elle commande aux divers génies et éléments.
Il n'est pas inutile de souligner que dans ce monde mythologique de femmes, ce sont des femmes qui ont en charge (encore de nos jours) l'intégralité du rituel funéraire (les hommes et les enfants sont écartés dès la venue des premiers signes annonciateurs de la mort, dès que l'on sent venir « herioa »). On peut logiquement s'attendre à ce que le monument funéraire nous restitue des éléments de ce contexte très fort.
A droite : des concepts du christianisme.
Pour clore ce vaste thème, et à titre purement indicatif, je signalerai deux travaux pour le lecteur qui voudrait en savoir plus: Creencias y ritos funerarios. Anuario de Eusko-Folklore 1923 n° 3 et les travaux de J.- M. de Barandiaran. Et de L. del Campo : Sobre sepulturas en el fuero general de Navarra. Cuadernos de etnologia y de etnografia de Navarra, 1985, n° 46, p. 109-122.

B - LE MONUMENT FUNERAIRE

I - LA CREATION

Tout visiteur est frappé par la très grande richesse et la variété de nos monuments funéraires rassemblés à Arcangues. C'est qu'il y a ici des pièces provenant des trois provinces d'Euskadi nord, à vrai dire nous ne connaissons pas leur origine précise, mais on peut en avoir une idée, compte tenu des monuments conservés sur place dans les différents villages). Ces pièces ont été choisies et représentent «ce qui se faisait de mieux», les œuvres plus quelconques et peu ou pas «typées» ne figurent guère.
Du fait de leur qualité de conception et de réalisation, les œuvres réunies ici par le marquis d'Arcangues sont très «typées», c'est-à-dire qu'en général elles reflètent bien soit une époque, soit des courants de création, soit des pays ou des ensembles de villages particuliers, soit des styles… Bien que le facteur temps ne puisse être pris en considération avec certitude (les Bas-Navarrais dataient bien plus leurs œuvres que Ies Souletins et les Labourdins) une typologie peut être fondée sur l'espace. Par ce moyen, on peut reconnaître des familles de discoïdales, établir une véritable dialectologie (19, 24). Ce serait un trop long travail que d'en jeter ici les bases. Une telle étude met en lumière des données essentielles: des types de stèles caractérisées par des imageries données (voire par des styles) sont propres à des zones bien précises de notre pays ; l'imagerie des stèles (les «symboles», la «décoration», qui figurent sur elles) est périodiquement renouvelée. Des rythmes de renouvellement ont pu être établis dans des lieux précis (20, 24). En d'autres termes, «l'imagerie de la mort» n'est pas stabilisée, elle fluctue. On peut s'interroger sur sa réalité... et se demander ce que «symbolisent» de telles images !
A l'opposé, de véritables académismes ont vu le jour et se sont maintenus parfois durant une centaine d'années, dans le Bas-Adour par exemple. Les modes circulaient librement dans cet espace de création ; on reconnaît ainsi des thèmes d'inspiration gothique, etc. Malgré cela, le monument basque a toujours conservé sa personnalité, au moins à partir du XVIe siècle. Les discoïdales des sept provinces, mais aussi certaines œuvres disséminées le long des Pyrénées, présentent une remarquable homogénéité dans la structuration de l'espace (30). Tout se passe comme si la stèle était un langage avec une syntaxe et un vocabulaire fluctuant où l'emprunt jouerait à fond (10, 11).
Concevoir et réaliser une discoïdale ne constituent pas une démarche gratuite, il y a là une trop grande cohérence. Plus encore, dans un remarquable travail, Etchezaharreta et Thevenon (26) ont étudié les discoïdales d'une petite vallée «fermée», le pays de Lantabat. Par une analyse multidimensionnelle et un appareil statistique, ils ont pu démontrer que chaque quartier de ce village a un art propre au niveau de l'imagerie, des proportions des pierres ; que les «symboles» (les images) présentaient des associations significatives ; qu'il y avait une corrélation entre les types d'images se rencontrant sur les deux faces d'une stèle donnée (182 faces ont été analysées).
Ce travail confirme bien le fait qu'une stèle n'est pas une création banale. Elle s'inscrit dans une cohérence. Elle nous transmet quelque chose, par-delà de la fluctuation des imageries et des modes.

II. - LES ŒUVRES
Quelle étrange langue parlent les discoïdales? Je ne parlerai pas des croix ici pour ne pas alourdir ce travail. Il y a une dizaine d'années j'ai proposé un canevas permettant de «lire» en grande majorité des discoïdales basques (17). Depuis, j'ai essayé de démontrer la validité de ma démarche à travers des études (19, 20, 21, 23, 24) et en concevant plusieurs dizaines d'œuvres contemporaines qui se réclament de la tradition. Dans ces travaux je suis resté le plus neutre possible au niveau du langage. Je propose ici deux versants complémentaires de ma démarche en considérant dans un premier temps la structure de la discoïdale et, dans un second temps, sa physiologie, son «mode de fonctionnement». A aucun moment, j'affirme que la discoïdale est, et est seulement, ce que j'en dis. Je propose seulement un canevas qui rend compte de la cohérence de plusieurs centaines d'œuvres (et pas seulement postérieures au XVIe siècle) dispersées actuellement dans nos sept provinces. Les lignes qui suivent constituent un guide provisoire, en attendant, comme le disait Colas, que d'autres voient mieux et plus loin.

a) Structure
Les faits qui seront présentés sont fondés sur une analyse, détaillée et argumentée, d'un très vaste échantillonnage (17). Or à Arcangues, il y a peu de discoïdales, compte tenu du nombre existant dans les autres cimetières. En d'autres termes, les faits que je présente ne trouvent pas toujours une illustration ici, à plus forte raison une illustration adéquate.
L'idée centrale de la thèse que je défends est la suivante: la discoïdale est un espace structuré, hiérarchisé. Elle est avant tout cela. A mon sens, l'imagerie qui y figure n'a qu'une importance seconde et, le plus souvent, aucune importance du tout, nous l'avons vu plus haut, cette imagerie est périodiquement régénérée. Ce point de vue est à peine exagéré et selon moi, les «symboles basques» ne sont pas dans l'imagerie, mais dans la structure qui les sous-tend. L'imagerie est ordinaire, le monde qu'elle anime et qu'elle révèle est, lui, extraordinaire. Dans l'état actuel de nos connaissances, il semble caractéristique du basque, c'est une sorte d'euskara de la pierre.
La stèle discoïdale basque, telle que nous la connaissons à partir du XVIe siècle, et nous disposons de plusieurs centaines d'œuvres pour nous faite une opinion, est un espace où s'affirment un certain nombre de repères (je reviendrai plus loin sur cette notion). Dans la discoïdale, il y a (Fig. B) un disque qui a une valeur, un socle qui a une autre valeur. Disque et socle sont parcourus par l'axe vertical V qui peut jouer le rôle d'axe de symétrie, mais qui est avant tout un repère destiné à ordonner l'espace qu'il polarise.
Avec le diamètre horizontal du disque (axe H), il constitue un couple d'axes primaires. Dans ce couple, l'axe V est majeur il joue un rôle plus important que l'axe H qui est mineur. Peu d'œuvres sont structurées en fonction de l'axe H. Ces deux axes se recoupent au centre du disque. Le disque est limité par une bordure, parfois c'est une véritable couronne qui envahit, en Labourd par exemple, toute la périphérie du monument. Dans cette bordure, indépendamment des axes V et H, les Labourdins (surtout) indiquent quatre directions qui sont comme le prolongement des axes V et H.
Le couple d'axes primaires permet de fixer des régions. Assimilons le disque à une montre: la région sommitale, au sommet de l'axe V, s'appelle région 12, à l'opposé, contre le socle, est la région 6. L'axe H porte les régions 3 et 9. Alors qu'il y a une stricte identité de 9 et de 3, 12 et 6 sont différents en règle générale. 6 a une personnalité propre, cette région est à la limite de deux mondes de valeur différente, celui du disque et celui du socle. 12 est la région sommitale, le symbole chrétien cherche à l'occuper, elle joue un rôle d'attracteur sur les régions 9 et 12 qui tendent à la mimer.
La région O est un centre rayonnant, c'est une source d'énergie. Avec l'axe V, elle constitue des repères majeurs qui s'expriment dans les plus vieilles stèles connues, à Argineta en Biscaye, par exemple. Elle livrera un véritable combat avec «le symbole chrétien» (l'imagerie chrétienne) qui cherche à occuper cet emplacement, voir en particulier 17 et 19. Ce dernier peut être chassé sur le socle et vice versa, relégué dans la bordure, être constitutif du rayonnement ou confondu avec ce dernier.
Les axes primaires, principaux, délimitent quatre secteurs dans le disque. Là se trouvent quatre éléments, le plus souvent circulaires, ils constituent un repère fondamental que j'appelle base de quatre. La base de 4 est liée à un couple d'axes secondaires qui forment un ensemble homogène.
Cet ensemble de repères où s'expriment tour à tour un monde rayonnant, une bipartition, des systèmes trinitaires, des systèmes basés sur le chiffre 4, etc., offre une combinatoire. En reliant ces valeurs entre elles, en les faisant correspondre et dialoguer (grâce à l'imagerie), les maîtres structurent des œuvres cohérentes (en dépit des imageries fluctuantes).
La stèle est le monde du possible, mais du cohérent car il est jalonné de repères. Exprimer un monde construit sur un cercle, un carré, un axe, jouer avec des systèmes trinitaires, exprimer des dualités, etc., tout ceci se retrouve dans de nombreuses civilisations (14). Je ne vois pas d'inconvénient à assimiler ces repères à des archétypes, tels que Jung les concevait, mais je n'entre pas dans ce débat, ou aux «segments de base» des contes et récits populaires.

b) Le fonctionnement
A partir du XVIe siècle on voit les vieux maîtres contraindre l'imagerie chrétienne à se plier aux lois de la stèle. Cette imagerie joue le rôle d'un véritable révélateur qui nous permet de soupçonner l'existence et de dévoiler des repères vus plus haut. La discoïdale est donc un véritable laboratoire où la réalité des imageries est testée; c'est un espace où «la réalité» (ce que l'on retient) est mise en scène.
La stèle se nourrit de véritables boucles de rétroaction en ce sens que les expériences faites (les œuvres produites) sont injectées à nouveau dans cet espace. Des évolutions se produisent avec cohérence, voir les «déformations» subies par le monogramme IHS, abréviation de Jésus en grec, dans la vallée de la Nive. Elles sont conduites avec une logique résolue jusqu'à des situations étranges, mais «prévisibles» : le monogramme IHS construit en fonction de l'axe V, dans la vallée de la Nive, aboutit à des imageries tout à fait originales) (23).
La discoïdale est donc une sorte de canevas d'une grande richesse. Elle est fondamentalement une structure forte qui déstabilise et recompose le réel Elle s'inscrit dans un traitement du devenir, mais c'est un futur qu'elle accompagne dans son évolution. Il faut voir comment, à partir du XVIe siècle, évolue le monogramme IHS. Les Basques ont aimé ce symbole, ils ont pu choisir dans le monde extérieur les imageries qui convenaient le mieux pour faire vivre l'espace de la stèle; ils l'ont transformé selon des directions diverses en fonction de repères donnés: en favorisant la lettre H et la croix qui la surmonte (que l'on plaçait en 12, dans la région sommitale) et en éliminant, ou en « relisant », les lettres I et S ; en amplifiant ce phénomène en posant I et S en 9 et 3 et en faisant en sorte qu'il y ait identité de ces deux éléments ; en accrochant IHS sur la base de 4 et en n'exprimant fondamentalement qu'un carré traversé par les axes majeurs ; etc.
La stèle permet d'abstraire des valeurs, on cherche en vain des représentations naturalistes sur ces monuments. elle recompose le monde sur la base de repères coordonnés, de telle sorte que l'aspect qualificatif de l'imagerie n'est plus la seule propriété de cette dernière (voir Fig. C).
La stèle permet d'intégrer du vécu, de lui donner sens et réalité, de le mettre en ordre, de le rendre intelligible et communicable, c'est une œuvre, une création populaire. Ce monde solidaire et cohérent offre des niveaux de lecture. Cette conception du monde devait nécessairement s'accompagner de principes de vie, de codes que nous commençons peut-être à discerner.
Mais il y a plus encore. La stèle est un monde harmonieux construit sur des proportions, sur une géométrie. Souvent les éléments de l'imagerie n'ont pas une dimension quelconque et n'occupent pas une position quelconque. Il y a des modules. Un exemple évident : le col de la stèle (le contact entre le socle et le disque) est le plus souvent égal au rayon du disque, on conserve la même ouverture de compas... (voir Fig. D).
Un autre élément d'importance est le rapport entre les pleins et les vides, ce qui est en relief et le fond de la sculpture, à tel point que parfois les lectures de l'imagerie sont ambiguës. Ajoutez à cela que certains éléments de l'imagerie forment un continuum, ou sont continus avec la bordure, alors que d'autres sont isolés (e).
La discoïdale offre les interprétations les plus nuancées pour celui qui ne s'arrête pas à la lecture de l'imagerie, c'est-à-dire aux apparences. Car elle est dans l'être (avec toute sa complexité) et non dans le paraître. C'est une conquête majeure de la civilisation basque que cet espace structuré et hiérarchisé!

QUELQUES CLEFS

Je vais laisser ici le lecteur sur sa faim, c'est à lui de faire le voyage, les vieux maîtres ont jalonné le parcours. Je voudrais simplement donner deux ou trois indications basées sur des convictions du moment.
Nous avons des arguments qui permettent de penser que le disque de la stèle est le cercle cosmique dressé. C'est une idée qui est chère au père Marcel Etchehandy et que je partage entièrement. Non seulement on peut penser que ce disque est un cosmos, mais la bordure même de la stèle, qui est bordure du rayonnement, a une valeur de limite cosmique. Cela est clairement affirmé sur certaines œuvres.
Le disque est urtzia, nom donné par nos compatriotes, à Dieu, au XIIe siècle, qui prend vie sous la puissance de egu et se fond, cycliquement, dans le monde de hil (lumière, obscurité, mort). J'ai toujours défendu que le point central avait des vertus de la déesse Mari (17, 19), c'est une possibilité intéressante. Ce point central rayonnant est le siège d'indarra, il est point et centre ou erdi. Joseba Zulaika, dont les travaux essentiels sur «l'espace esthético-rituel basque» s'appuient sur des données anthropologiques (linguistiques, sociologiques, ethnographiques, esthétiques...) et aboutissent à une série de propositions visant à «exposer la structure commune sous-jacente à divers codes expressifs de la culture» basque. Cet auteur (39) souligne que l'acte culturel premier est de tracer une limite, entre un monde que l'on contrôle et un monde «autre», qui englobe (cercle) le défini, ce qui est inclus par rapport à ce qui est dehors. Ce type de limite est ertsi. Il dit: «Un espace limité par ertsi fonde la relation d'inclusion et rend possible la création d'un espace logique-géométrique qui distingue entre membre et classe, établissant ainsi une hiérarchie de types logiques». Il est curieux de constater que le parcours (initiatique) de erdi vers ertsi peut se traduire par erdietsi qui signifie obtenir, atteindre (à vrai dire, c'est la véritable fonction de la stèle...) (39).
Dans la ligne de Barandiaran, on peut assimiler la stèle, et plus particulièrement le socle, à la pierre du foyer où parmi les cendres, on célèbre le culte des morts. Cette pierre «hautsarri», assimilée au socle, prendrait racine dans les cendres du mort, dans l'évanescent, «ilhaun» qui est relié à «hil» et à la mort. C'est sur le socle de la stèle que l'on fait avant tout allusion au monde terrestre: nom du défunt, une date, des outils... Si le socle a une valeur terrestre, et le disque une valeur «céleste», s'il sert effectivement de trait d’union entre le mort et le cosmos, on comprend pourquoi les vieux maîtres ont tant travaillé la région 6. Cette dernière est une porte entre deux mondes. En passant par cette porte, en sortant de terre, on gagne, par l'axe V, la région centrale (indarra) et la région sommitale... (voir Fig. E). Ce schéma est bien plus riche encore. En assimilant le monde souterrain au socle, la région 6 à l'ouverture de ce monde et le disque au domaine céleste, nous avons là les trois temps majeurs de notre mythologie. Tant que Mari est sous terre personne ne sait comment elle est, il y a une présence, des bruits... Quand elle est à l'entrée de la grotte, on la voit, c'est une femme qui, avec un peigne d'or, démêle sa longue chevelure, alors on peut lui parler facilement, d'une certaine façon (8). Dans le ciel, elle est toute autre: bruit, flammes, énergie, mais toujours femme, dit-on. Ces trois temps s'appliquent à bien d'autres mythes: heren suge, lamiña, behi gorri, zezen gorri, zaldi gorri, etc.

Remarque

Ces quelques propositions de lecture sont doublement hypothétiques. Je prends un dernier exemple. Dans la vallée de la Nive, à Jatxou par exemple, les maîtres ont cherché à construire leur imagerie autour de l'axe V. On voit alors le monogramme IHS subir de profondes transformations. Or, on remarque que les vieux maîtres ont le souci de développer une sorte de réseau de racines qui accrochent fermement les éléments IHS transformés à la région 6 (cette zone limite interposée entre «ciel et terre»). Dans d'autres œuvres, d'autres «expériences», ils posent un arbre sur l'axe V, dont les racines se déploient justement dans cette région (15). Il est donc probable que cet axe V a eu une valeur de trait d'union entre deux mondes, ciel-terre. L'arbre cosmique est souvent mis en scène dans plusieurs cultures, il relie par ses racines le monde souterrain et le ciel où il déploie ses branches. Cet arbre cosmique se nourrit tant dans le ciel que dans la terre. Son tronc est un véritable trait d'union. Il n'est peut-être pas banal de relever cet étrange dicton rapporté par Vinson, à la fin du XIXe siècle: «Maita zazu trunkoa, iduriko zaitzu Jainkoa», aime le tronc, il te paraîtra Dieu... Ce n'est pas nécessairement une boutade !
Mais l'axe V est aussi utilisé comme organisateur de l'espace, en définissant un monde en deux parties, droite et gauche. En relation avec l'axe H, il sert aussi à d'autres expériences où la base de 4 est impliquée. En d'autres termes, l'axe V est un repère fondamental, une donnée forte, essentielle, qui a pu avoir et qui autorise des lectures.
On pourrait continuer ce type d'approche. La stèle nous parle, elle nous conforte à aller plus loin et ce, au-delà de l'imagerie qui, à partir du XVIe siècle, a beaucoup de mal à contenir la puissance de ce vieux monde.
La culture basque est faite pour la vie. Elle vivra !

Planche C
Voici quelques exemples de combinaisons fréquentes dans les discoïdales postérieures au XVIe siècle :
Fig. 1: vision binaire, deux mondes s'affrontent (a et b).
Fig. 2: par la bordure, le monde a se répand en périphérie du socle (flèches 1). Exemple, le style Bas-Adour : en un mouvement opposé, le monde terrestre du socle, ce monde où se trouve le nom du défunt, des outils, des dates, envahit la bordure du disque, en respectant la région 6, ce qui n'était pas toujours le cas précédemment (flèches 2).
Fig. 3: une vision binaire grâce à l'axe V et un principe trinitaire, toujours sur cet axe, les régions 6, 0 et 12 ayant leur propre individualité.
Fig. 4: nouvelle vision binaire (d et d') limitée au disque et rôle attracteur de la région 12. Les régions 12, 9 et 3 vont alors former une trinité homogène. Il sera facile de poser sur ce canevas une croix à condition que le pied, en 6, ait une structure particulière, différente des trois autres. Si ce pied fait une allusion à la terre (le domaine du socle) ce ne sera que «meilleur». Effectivement, cette imagerie est massivement présente, chez les Bas-Navarrais surtout, tout au long des XVIe-XVIIe siècles.
Fig. 5: 9 et 3 jouent un rôle d'attracteur en direction de 12 et 6. Ils leur imposent leur uniformité : voir le style Bas-Adour.
Fig. 6: une vision binaire (c, c') et trinitaire semblable à celle mise en œuvre fig. 3, mais avec une nette polarité de région sommitale (12) —la croix se place ici —, un travail poussé dans la région 6 et une bordure où se voient parfois les quatre directions. Ce monde est celui qui s'exprime dans la vallée de la Nive labourdine, le symbole IHS devra s'y conformer.
Voyons maintenant un monde construit autour de la valeur 4. Joseba Zulaika note que lau est quatre et qu'il se rattache à ce qui est plat, égal... En construisant un monde articulé autour de la valeur 4, les maîtres pourront faire dialoguer des carrés dans le cercle, mais en plus, ils nous montreront des oppositions de valeur. Ils ouvrent de nouvelles pistes de méditation.
Fig.7: le couple d'axes principaux sur lequel on posera sans peine la croix embrassant les 4 directions de l'espace.
Fig. 8: base de 4 et paire d'axes primaires. La valeur 4 est doublée.
Fig. 9: la valeur 4 est triplée (système trinitaire), à savoir les axes principaux, la base de 4 et le carré qu'elle permet de construire, les 4 carrés qui y sont contenus.
Fig. 10: combinaison du type illustré en 6 et du type précédent (mais où l’axe H n'est pas exprimé). Ce riche monde est mis en œuvre en Soule.
Fig. 11: combinaison complexe, majeure dans les œuvres bas-navarraises des XVIe-XVIIe siècles, surtout en Amikuze.
Fig. 12: expérience mise en œuvre dans quelques œuvres des trois provinces.
Cette riche combinatoire de repères et de chiffres (2, 3, 4 et leurs combinaisons) est encore plus complexe. Le zéro (hutsa, voir les travaux de Joseba Zulaika) est aussi mis en œuvre dans des discoïdales où des régions se signalent par l'absence de toute imagerie à leur niveau, alors que toutes les autres sont animées par des images. C'est un monde peu banal que manipulaient nos vieux maîtres ! Un contrat en date du 4 février 1727 nous dit qu'un apprenti maçon de 17 ans, Joannes de Hiriart, de Macaye, va apprendre le métier chez Domingo Heguy à Mendionde. Logé, nourri, payé, il y restera trois ans. A la suite de quoi, le maître lui donnera «une truelle, deux ciseaux et deux marteaux, l'un grand, l'autre petit». Trois ans... et lorsque l'on repère un de ces maîtres, on voit qu'ils n'ont laissé guère que deux à cinq œuvres...
Ces maîtres ne se transmettaient pas qu'un savoir technique. Réaliser une discoïdale n'est pas une démarche ordinaire pour beaucoup d'entre eux !

Planche D
Regardons le maçon (hargina, harri egina, le faiseur de pierre) qui donne naissance à une discoïdale. Au commencement était le point central (0) du disque. Le maître pose la pointe du compas et trace une limite circulaire ou etsi. Geste capital, il se donne un espace dans lequel il va œuvrer. Hors de cet espace c'est un monde autre. Joseba Zulaika fait remarquer que cette limite est soigneusement repérée; à partir de etsi, nous avons etsai (l'ennemi), mais aussi onetsi, gaitzetsi, ederretsi... (tenir pour bon, pour mauvais, pour joli). Nous avons aussi itxi et itxu (aveugle), etc.
Puis, toujours avec la même ouverture du compas, le maître définit la dimension du col. Du coup, il fait naître l'axe V. Région O et axe V sont les repères essentiels de nos discoïdales, y compris des plus anciennes connues.
Il ne reste plus qu'à mettre au monde cet espace riche de promesses. Il dégage la stèle de sa gangue de pierre.
A ce stade tout est joué. Si on tient le point central et/ou l'axe V, l'essentiel est là. Le reste est anecdote pour ainsi dire, en ce sens que la base de 4 (qui a dû se stabiliser tardivement, je pense, sous l'influence des monnaies ?), les régions et les axes secondaires viennent enrichir ce fond sur lequel il n'y aurait pas de discoïdale basque, à mon avis.
Un dernier point, le maître définit des modules qui régleront un type d'harmonie. C'est la quête éperdue, mais aveugle, d'harmonie qui a conduit les maîtres du Bas-Adour à un académisme stérile, bavard et plaisant.

Planche E
Fig. 1 directement inspirée des travaux de Joseba Zulaika. Le socle serait du monde terrestre. Il serait relié à la pierre du foyer où parmi les cendres se déroulait, il y a peu, le culte des morts, voir les travaux de J.-M. de Barandiaran. Le disque serait lié à un système de valeurs et de concepts qui peuvent s'animer, se colorer selon les situations. Du centre (erdi) à la limite (etsi) on obtient, on atteint (erdietsi), après un parcours initiatique, en traversant des champs de valeur inégale. Mais ce parcours est jalonné de repères (fig. B), de telle sorte qu'il n'est pas aléatoire. Par exemple, dans cet espace, erdi est en correspondance avec berebil, selon Joseba Zulaika. Lau (4, plat, «la terre», le plan) est traversé avant d'atteindre berebil qui serait du domaine circulaire-sphérique de ortzi, etc.
Fig. 2, trois temps majeurs de notre mythologie : 1, sous terre, équivalence dans le socle, austarri; 2, à l'entrée du gouffre ou de la caverne, la région 6; 3, dans le monde céleste.
Voici un récit sur Mari mettant en scène ces trois temps: «Un pasteur s'approcha un jour de l'ouverture de l'effrayante caverne qui s'ouvre dans la partie orientale de la crête d'Aketegi. Il avait entendu dire que Mari habitait cette caverne obscure et qu'on ne pouvait la voir (1), seulement que lorsqu'elle allait à l'entrée (2) pour peigner sa belle chevelure ou quand elle se convertissait en feu pour traverser les cieux (3)».
En remontant l'axe V, le mort peut lui aussi franchir cette entrée (la région 6) et avoir accès au monde du disque. L'axe V est la seule voie «fléchée», polarisée, dans ce système (12 et 6 ont en règle générale des structures différentes), il conduit à la région sommitale (12), où la croix cherche souvent à s'imposer quand ce n'est pas tout le long de V. Il conduit aussi dans la région O où l'imagerie chrétienne cherche à s'imposer.
Ces deux lectures ne sont bien sûr que des propositions, je n'affirme rien.

ANALYSE DE QUELQUES ŒUVRES

La collection des œuvres d'Arcangues présentera pour nous un inconvénient majeur, à savoir que nous ignorons la provenance de toutes ces pièces. Elles constituent un échantillonnage fait sur des bases que nous ignorons. Cette collection offre cependant un avantage, celui de nous montrer combien est fluctuante et diversifiée l'imagerie de ces monuments «funéraires», en ce qui concerne au moins les discoïdales, c'est-à-dire pour des époques antérieures aux XVIIe-XVIIIe siècles). Je vais illustrer ici des principes exposés dans les planches B et C.

Le rayonnement
Le monde rayonnant, mis en scène dans certaines œuvres, est illustré dans les fig. 1, 2, 3. Ce rayonnement se déploie dans un cosmos comme l'indiquent clairement certaines œuvres, en particulier la fig. 4. On comparera les fig. 2 et 4 (la fig. 2 est vraisemblablement une œuvre souletine, ce type d'expérience étant fréquent en Soule). Voir également les fig. 46 à 48.
Fig. 5, 6, 7: ces thèmes sont au service du rayonnement. De même sur la fig. 8, on peut voir, en Soule comme ici en Labourd, un monde de cercles concentriques centrés sur la région centrale et soit envahissant tout le disque, soit se limitant à une bordure. Notez que sur les fig. 6, 7, 8, l'allusion à l'imagerie chrétienne est reléguée sur le socle.

La région centrale O
Cette région reçoit souvent un traitement original (fig. 4, 10 à 14, 15, 37, 38, 41, 43, 44, 48). Même dans les œuvres les plus achevées, il est fréquent de voir que les maîtres ont marqué d'un coup de ciseau le point central (fig. 13, 28, 31, 33 et 44). La région O est la première qui est définie lors de la construction d'une discoïdale (fig. D).

Rayonnement et imagerie chrétienne
Fig. 15: l'imagerie chrétienne s'affirme dans le disque, le rayonnement est relégué sur le socle. Avec la fig. 16, la situation est inverse.
Fig. 17, 18, l'imagerie chrétienne, transformée par l'axe V (voir fig. 25 à 32), s'impose dans le disque. Le rayonnement est relégué dans des régions de moindre valeur, hors de la région O et de l'axe V, dans les régions 9 et 3 (identiques, fig. 17, 18) et sur le socle (fig. 17).
Fig. 19: l'imagerie chrétienne se superpose au rayonnement, elle le chasse en bordure. Il y a de nombreux cas semblables, voir les fig. 22, 23, 27, 30 et leurs dérivés: fig. 25, 26, 28, etc.).

Les axes primaires
Fig. 20, mais aussi 8, 11, 12, etc. Sur la fig. 34, seul l'axe V reçoit un traitement particulier (en 6 et 12). Sur la fig. 40, il est seul à traverser intégralement le disque.

Les quatre directions
Fig. 21, 22, 23: dans la bordure, ces quatre directions reçoivent des traitements originaux. Voir aussi la fig. 27, toujours en Labourd, et la limite intérieure de la bordure, fig. 46.

Les axes secondaires
Avec les axes principaux, ils servent à articuler l'imagerie présentée, voir les fig. 23 et 24.

L'axe V
Le révélateur choisi est le symbole chrétien IHS (abréviation de Jésus en grec) qui prend place sur ces monuments. Comment va-t-il composer avec l'axe V qui est un organisateur majeur de l'espace?
Fig. 25: IHS et Marie (M et A fusionnés, dans la région 6) se disposent dans un ensemble où la symétrie est affirmée, tant dans le socle que dans le disque. Remarquez la construction autour de la région 12 (région sommitale) où la croix prend place.
Fig. 26: ensemble «symétrique» avec le redoublement du I, à la lettre S répondent deux courbes. Sur le socle, une imagerie typique du disque est reprise (comparer avec la fig. 42 par exemple).
Fig. 27: l'axe V s'impose, la croix y prend place. IHS n 'a guère d'importance.
Fig. 28: les lettres I et S sont évacuées, de même la barre horizontale de la lettre H. L'œuvre s'ordonne par rapport à l'axe V. Le couple des deux demi-cercles ne répond plus à la lettre S, l'imagerie vient de s'enrichir d'un élément nouveau.
Fig. 29: même situation et évolution vers un monde «autre». Remarquez comment la croix est accolée aux courbes continuées avec la bordure. Ce n'est pas l'imagerie chrétienne ici qui importe, mais son «devenir», sa relecture. Et ce devenir est conditionné par les propriétés mêmes de la stèle.
Fig. 30: même type d'expérience. En outre, cette face est le revers de la stèle illustrée figurée sur la fig. 35 où l'intention «d'exprimer» IHS est claire. C'est l'axe V qui ordonne l'espace.
Fig. 31, 32: recomposition de l'imagerie IHS. Il est difficile de croire que ces maîtres ne savaient pas ce qu'ils faisaient... Les œuvres 26 à 32 sont labourdines et l’on peut indiquer presque des villages derrière certaines d'entre elles. Les maîtres avaient sous les yeux ces expériences lorsqu'ils devaient à leur tour concevoir une discoïdale. Autant dire qu'ils pouvaient puiser dans ces témoignages qui constituaient ainsi une véritable mémoire. La discoïdale est expérience et enseignement, ainsi tous les maîtres n'avaient peut-être pas le même degré d'initiation, le même niveau de «conscience». Lorsque les œuvres d'un village n'ont pas été dispersées, détruites ou volées, on peut alors suivre presque pas à pas le déroulement des expériences. Il faut absolument que ces œuvres restent dans leur lieu d'origine ! C'est la politique suivie par l'association Lauburu.

La région 12
Nous avons vu plus haut que l'imagerie chrétienne, la croix, cherche à l'occuper, comme elle cherche à occuper l'axe V et la région O.
Fig. 33: le sommet de la croix, surmontant la lettre H, a une structure différente des extrémités du montant horizontal de la croix (voir les fig. 17, 18). De même la région 6 est originale.
Fig. 34: les régions 12 et 6 sont seules indiquées, en 12 se trouve l'imagerie chrétienne.
Fig. 35: IHS est transformé, la croix est reprise en 12, le crucifix occupant tout l'axe V. Ce type d'œuvre semble propre au Labourd occidental.

Rôle attracteur de la région 12
Il est clair dans la fig. 25, mais aussi sur la fig. 27, 33 et 35, là se trouvent des éléments originaux. Dans cette dernière œuvre, deux oiseaux encadrent la croix.

Région 6
On remarque le traitement spécial de cette région.
Fig. 36: cette région, déjà originale, est encadrée par deux demi-cercles.
Fig. 37, 38, 41: œuvres caractéristiques du sud de l’Amikuze, où ce type d'imagerie fut produit pendant environ trente ans. L'articulation disque-socle, à travers cette région, est nettement affirmée. Remarquez aussi l'originalité de la région O.
Fig. 39, 40: en Soule, également on montre bien l'individualité de cette région, voir également la fig. 4, toujours dans la même province. Voir également la fig. 48.

Base de 4 et chiffre 4
La base de 4 est exprimée simplement sur la fig. 21, 42, 46, 48, etc. Un mode carré apparaît, autour de la région O, sur les fig. 37, 38, 41, 48 et très nettement sur les fig. 43, 44. Cette dernière illustre également IHS, mais sous une forme condensée. La valeur 4 amplifiée et centrée sur la région O, se développe sur la fig. 45. Le disque de la fig. 42 (entre autres) joue largement sur la valeur 4. La base de 4, les quatre directions et le rayonnement sont intégrés sur la fig. 49.

Disque-socle
Fig. 46 à 48, la première est de maître Jean de Larre probablement natif de Masparraute. Il nous a laissé trois œuvres de très grande qualité. Le domaine du socle fait allusion au «mortel», à ce qui passe, un métier, une date, un nom. Le monde du disque est tout autre, même si sa bordure est envahie par un discours «terrestre» (fig. 46). Il apparaît évident que l'imagerie de ces œuvres est variée, fluctuante et renouvelée ; que cette imagerie, à partir du XVIe siècle, a du mal à contenir (à « réprimer ») un monde majeur, profondément cohérent, jalonné de repères.
Je suis convaincu que l'imagerie qui s'exprime sur ces stèles est «sans aucune importance». Là ne réside pas l'essentiel d'un art basque. Les archéologues devraient nous faire connaître des matériaux qui permettraient d'infirmer ou de nuancer ces vues. En attendant, nous pouvons nous servir de ces données pour articuler une expression moderne en matière de monument funéraire. Car les anciens nous ont laissé des trésors dans notre grenier, servons-nous-en, ne les laissons pas disparaître.

Les nombres
Je l'ai dit déjà (voir la planche D), beaucoup de ces œuvres sont bâties sur des modules, je ne parlerai pas de cela ici. Plus encore, elles expriment des rapports entre des nombres. En particulier les systèmes binaires et trinitaires sont largement utilisés, de même ceux qui expriment la valeur quatre et même le zéro (l'absence, le «vide»).
Prenons quelques exemples pour finir avec le dialogue de part et d'autre de l'axe V, de divers éléments sur la fig. 4. Autre exemple système binaire dans la région 12 sur les fig. 18, 27, 32, 38, 39, 41. Dans chaque cas, ces éléments sont originaux par rapport à l'imagerie utilisée. Enfin, nous avons un système trinitaire avec le rayonnement sur la fig. 17; les éléments non tourbillonnants de la fig. 18; le couple croix cerclées, motifs à quatre lobes de la fig. 33, qui sont structurés en fonction de l'axe V et selon qu'ils sont sur le disque ou sur le socle; dans le traitement des deux branches de la croix et seulement de la partie supérieure de l'axe V, fig. 37, 38 ; dans les trois cercles de la bordure, fig. 8

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Les modes marquent profondément notre art funéraire.
Fig. 50, 51: cette imagerie que l'on rencontre sur quelques discoïdales bas-navarraises (sud de l’Amikuze, Lantabat et nord Ostabarret), de 1630 à 1651, est reprise sur la croix, pratiquement sans modification essentielle.
Fig. 53: le Labourd connaît au XVIIe siècle une forme de monument, la stèle tabulaire. L'imagerie qui y figure et qui est assez uniforme, est reprise sur la croix (fig. 52), sur la discoïdale (fig. 54) et sur la plate-tombe. Sur aucun de ces monuments elle n'est différenciée. Il y a là un appauvrissement considérable.
Cette tabulaire est incluse dans une arrivée d'eau, au cimetière... Il faut dénoncer à ce propos une habitude détestable dans le village, elle consiste à traiter ces monuments comme des objets décoratifs, sans plus. On a fait des bancs, des linteaux de porte, etc. en sciant et en réutilisant les monuments funéraires. Toujours le pittoresque, le «tape-à-l'œil». Nous avons failli en mourir de cela dans nos trois provinces nord. Le marquis Pierre d'Arcangues a fabriqué ainsi un Pays Basque dans lequel, il faut bien le dire, nous ne nous reconnaissons guère... Mais sans lui, où seraient actuellement tous ces trésors ?
Fig. 55 : peu à peu, la croix devient support d'une simple imagerie à peine contrôlée.
Fig. 56, 57, 59 : en Labourd, nous nous étions enfermés dans un puissant académisme tout au long du XVIIe siècle, je pense au Bas-Adour dont aucune des productions majeures ne se rencontre ici. Nous avons accueilli la croix, comme ailleurs, et nous n'avons pas su quoi faire... si ce n'est de la décoration. Alors qu'ailleurs (fig. 58, 61 à 64) de fortes expériences étaient tentées avec succès.
Peu à peu la croix se transforma en simple surface décorée. Le XIXe siècle fut celui de la domination d'un médiocre mais spectaculaire art bas-navarrais (fig. 60), dont les débuts étaient pourtant riches d'espoirs. Les Garaztar imposent cet art faible, fait en série, dans la plus grande partie de la Basse-Navarre et jusqu'en Labourd. Cette forme d'expression s'épuisera très vite. Déjà, à la fin du XIXe siècle, apparaissent les caveaux en relief. Peu à peu le cimetière basque aboutit à cette incohérence que nous connaissons. Les tombes deviennent de plus en plus grandes, brillantes, luisantes. L'inégalité sociale s'affiche. La culture basque a laissé échapper un domaine essentiel de son expression. Nous voici livrés à nous-mêmes et aux marchands... beau résultat !
Pourtant, il y eut, tout au long du XVIIe siècle, de fortes écoles et de puissants créateurs. Mais ces derniers n'ont pas su franchir le pas. Ils ont reporté sur la croix le monde de la discoïdale. Alors qu'il fallait faire tout autre chose, qu'il fallait innover. Voyons quelques exemples.
Fig. 61: puissant rayonnement et indication bien nette de l'axe V.
Fig. 62: le rayonnement est mal contenu par la croix. L'axe V est bien indiqué.
Fig. 63: polarité de l'axe V (avec région 12 et 6) et traitement original, avec une nette indication de la région «centrale» où se recoupent V et H.
Fig. 64: originalité de l'élément placé aux intersections des bras de la croix; le motif chrétien se place aux deux extrémités de l'axe V, comme si la croix n'était qu'une forme et non un symbole en elle-même.
Ce mouvement de création cessa peu à peu. La croix devint de plus en plus bavarde. Elle se PERSONNALISA. Elle ne signalait plus la tombe d'une maison, mais celle d'un mort particulier. Plus le temps avance et plus ce caractère s'affirme exclusivement (fig. 65 à 68). A l'entrée du siècle, le processus est achevé avec les croix bas-navarraises. Nous avons perdu toute originalité, on est devenu «comme les autres», on ne parle même plus basque ou si peu, fig. 69.
Il est loin le temps des discoïdales, comparez avec la fig. 1. Elle est loin l'époque où nos alchimistes expérimentaient sur des formes de réels, accompagnant leurs interrogations, en jalonnant leurs démarches. Le XIXe siècle, sur les monuments funéraires au moins, mais pas forcément sur les linteaux, ne s'interroge plus sur le réel. Il admet l'imagerie tel quelle il fait de la décoration, de l'éphémère. Et cet éphémère est pris dans le monde extérieur à la culture basque, précipitant ainsi la décadence.

Epilogue
La culture basque est présente de part et d'autre des Pyrénées, pour le moins dès le troisième millénaire avant le Christ. Les données anthropologiques, archéologiques et linguistiques sont en faveur de cette hypothèse. L'accord semble général sur ce point. J.-M. de Barandiaran, ainsi que de nombreux autres archéologues, préhistoriens, pensent que notre peuple se constitue en fait à la fin des époques préhistoriques, par une évolution locale de l'homme de Cro-Magnon. Cette thèse qui constitue le cadre de bien des travaux, n'est pas admise par tous, en particulier par ceux qui manipulent, envers nous, le sarcasme et le mépris, pour ne pas dire la haine (Georges Viers, etc.). En ce qui me concerne, je la crois suffisamment fondée et assez solide pour résister aux tentatives faites pour la réfuter. Mais ce n'est pas le problème ici. Ce qu'il est important de prendre en compte, est ceci : de la fig. 1 à la fig. 69 il s'écoule trois cents ans environ. Les Basques qui ont fait ces œuvres ont plus de 5000 ans d'histoire derrière eux. En trois siècles, les changements sont considérables. Dès lors, peut-on espérer restituer près de 3000 ans d'histoire de ces monuments ? Il est évident que ce sera très difficile, beaucoup trop difficile… L'incohérence des amas de marbre et de granit qui envahissent plus ou moins nos cimetières, ne représentent, après tout, qu'une erreur de parcours. Erreur salutaire dans le sens où elle nous montre le néant qui nous guette hors de notre basquitude. Gauden azkar !

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BIBLIOGRAPHIE CITEE DANS LE TEXTE

1 AGUIRRE SORONDO, A, Estelas discoidales de Guipuzcoa. Annuario de Eusko-Folklore, t. 31, 1982-83, p. 153-171.
2 ALLIÈRES, J, Les Basques. Que sais-je ? n° 1668, 1977, 128 p.
3 ARIÈS, P, Essais sur l'histoire de la mort en Occident du Moyen Age à nos jours. Ed. du Seuil, 1975, 242 p.
4 ARIÈS, P, L'homme devant la mort. Ed. du Seuil, 1977, 642 p.
5 ARIÈS, P, Images de l'homme devant la mort. Ed. du Seuil, 1983, 278 p.
6 AZZOLA, F.K., Frühe mittelalterliche stein bildwerke im Werra - Meissner. Keis - Jahrgang 9. N° 11, 1985.
7 BARANDIARAN, J.M. de, Stèles et rites funéraires au Pays Basque. Ed. Ekaina, 1984, 132 p.
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9 BARANDIARAN, J.M. de, Obras Completas. Ed. La gran enciclopedia vasca. En particulier les tomes I et II, 1976.
10 BARBÉ, L, Sur l'interprétation matérialiste ou spiritualiste de l'iconographie des monuments funéraires. Cuadernos de etnología y etnografía de Navarra. N° 41-42, 1984, p. 185-221.
11 BARBÉ, L, Voir « Hil Harriak ».
12 BARRIO LOZA, J.A., et MOYA VALGANON, J.G., El modo vasco de producción arquitectónica en los siglos XVI-XVIII. Kobie N° 10, 1980, p. 283-369.
13 BARRIO LOZA, J.A., et MOYA VALGANON, J.G., Los canteros Vizcainos (1500-1800) : diccionario biográfico. Kobie. N° 11, 1981, p. 173-282.
14 CHEVALIER, J, et GHEERBRANT, A, Dictionnaire des symboles. Ed. Laffont-Jupiter, 1982, 1.062 p.
15 COLAS, L, La tombe basque. Recueil d'inscriptions funéraires et domestiques du Pays Basque français 1906-1924. Bayonne et Paris, Foltzer et Champion. 404 p.
16 DUBARAT, A, Le missel de Bayonne de 1543. Ed. L. Ribaut, A. Picard et fils, E. Privat. 1901. p. CCXIX - CCXCI.
17 DUVERT, M, Contribution à l'étude de la stèle discoïdale basque. Bulletin du Musée Basque. N° 71, 1976, p. 5-48 et N° 72, 31 pl.
18 DUVERT, M, Contribution à l'étude des monuments funéraires basques. Un maître labourdin de la fin du XVIe siècle. Pyrénées N° 121-122, 1980, p. 91-99.
19 DUVERT, M, Contribution à l'étude de l'art funéraire labourdin. Kobie. N° 11, 1981, p. 389-417.
20 DUVERT, M, Etude d'un groupe de stèles discoïdales du XVIIe siècle en Amïkuze (Basse-Navarre). Cuadernos de etnologia y etnografía de Navarra. N° 37, 1981, p. 183-212.
21 DUVERT, M, Jean de Larre, hargina. Bulletin du Musée Basque. N° 98, 1982, p. 193-200.
22 DUVERT, M, Monuments funéraires de pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle. Ekaina. N° 8, 1983, p. 228-230.
23 DUVERT, M, 1984. Voir « Hil Harriak ».
24 DUVERT, M, Contribution à l'étude des stèles discoïdales basques dans la Navarre d'ultra-puertos. Cuadernos de etnologia y etnografía de Navarra. N° 46, 1985, p. 145-200.
25 ETCHEVERRY-AINCHART, J, 1984. Voir « Hil-Harriak ».
26 ETXEZAH ARRETA, L, et THEVENON, I, 1980. Voir « Les stèles discoïdales ».
27 FRANKOWSKI, E, Estelas discoideas de la península ibérica. Comisión de investigaciones paleontológicas y prehistóricas. Madrid. N° 25, 1920.
28 GOICOETXEA MARCAIDA, A, Telesforo de Aranzadi, vida y obra. Sociedad de Ciencias Aranzadi. 1985, 231 p.
29 GONZALEZ, J.M., et FERNANDEZ VALLES, Estelas dolmenicas asturianas. Zephyrus. XXVI-XXVII, 1976, p. 291-297.
30 HERBER, J, La stèle discoïdale de Nebian (Hérault). Cahier d'histoire et d'archéologie. T. XI, 1936, p. 636-638.
31 HUBERT, J., PORCHER, J., et VOLBACH, W.-F., L'Empire carolingien, Gallimard. 1968.
32 LAFOURCADE, M, Les contrats de mariage du Pays de Labourd sous le règne de Louis XVI. Etude juridique et sociologique. Thèse d'Etat. Université de Pau, 1978.
33 LLANOS, A, 1984. Voir « Hïl-Harriak ».
34 MARCO SIMON, F, Las estelas decoradas de los convenios caesaraugustano y cluniense. Institucion « Fernando el Catolico » (C.S.I.C.) Excma - diputación provincial de Zaragoza. 1978, 259 p.
35 MARCO SIMON, F, Las estelas decoradas de época romana en Navarra. Trabajos de arqueología Navarra. N° 1, 1979, 250 p.
36 NOUGIER, L.R., Guide de la préhistoire. Hachette Ed., 1977, 189 p.
37 TOBIE, J.L., La « mansio » d'Imus Pyrenaeus (Saint-Jean-le-Vieux - Pyr.-Atl.). Apport à l'étude des relations transpyrénéennes sous l'empire romain. Il semana internacional de antropologia Vasca. Ed. La gran enciclopedia vasca, 1973, p. 421-434.
38 VEYRIN, P, L'art au Pays Basque. Horizon de France, 1964, p. 81-137. Voir aussi de nombreux autres travaux de ce chercheur.
39 ZULAIKA, J, Travaux manuscrits dont : « Un espacio estetico-ritual vasco » inédits.
40 ZUMALDE, I, Tras las huellas de los balleneros vascos en Terranova (III) las tumbas vascas de Placentia. Deia. 2 mars 1980, p. 4.
41 L'auteur de « Sœur Eugénie ». Un coup d'œil sur le Pays Basque. Revue de Gascogne, tome XV, 1874, p. 245-267.
42 «Les stèles discoïdales». Journée d'étude de Lodève. Archéologie en Languedoc, numéro spécial, 1980. Revue de la fédération archéologique de l'Hérault, 180 p.
43 «Hil Harriak». Actes du colloque international sur la stèle discoïdale. Musée Basque, Bayonne (8, 9, 10 juillet 1982), 386 p.

Il serait trop long de citer ici les travaux d'auteurs qui ont accompagné mon texte.
BLOT, J, : on consultera avec profit les travaux parus en particulier dans plusieurs « Bulletin du Musée Basque ».
CARO BAROJA, J, : on consultera en particulier ses travaux réédités par la maison Txertoa de Saint-Sébastien.
GOYHENECHE, E, : je citerai surtout deux ouvrages: «Notre terre basque», Société nouvelle d'éditions régionales et de diffusion, Pau, 1979, 160 p. «Le Pays Basque, Soule, Labourd, Basse-Navarre», Société Nouvelle d'éditions régionales et de diffusion, Pau, 1979, 680 p. et cartes. UGALDE, M. de, «Sintesis de la Historia del País Vasco», Ediciones vascas, 1977 (quatrième édition), 242 p. PRIGOGINE, I, et STENGERS, I, : «La nouvelle alliance ». Gallimard Ed. Folio Essais 1979, 443 p.

Je remercie tous mes amis de l'association Lauburu sans lesquels ce travail n'aurait pu se faire. Je suis également redevable envers Monsieur Eugène Goyheneche qui s'est toujours intéressé à ces travaux et m'a conseillé plus d'une fois, de même Monsieur le chanoine Lafitte. Bien des idées exprimées ici voient le jour au cours de discussions passionnées avec Père Marcel Etchehandy ! Comme on le voit dans ce texte, je suis aussi redevable envers Joseba Zulaika pour l'intérêt qu'il porte à ma recherche et pour m'avoir fait parvenir ses travaux. Enfin, je remercie profondément notre maître J.-M. de Barandiaran pour ses encouragements et ses conseils. Les relevés des monuments sont dus à J. Etxeverry-Ainchart.

(a) Travail en cours.
(b) En 1788 on connaît, à Arcangues, Joannes Malussar, cadet de la maison Joangochenea. Comme bien de ses confrères, il ne doit pas savoir écrire, le contrat n'est pas signé. Son père n'est pas maçon, il est laboureur.
c) Cette décadence de notre art funéraire a été étudiée dans un village : M. DUVERT. Etude des croix du cimetière de Masparraute. Aingeru Irigarayri omenaldia. Eusko Ikaskuntza - 1985 - p. 639-661.
(d) Hallazgo de «cabeceras de sepulturas al modo antiguo » en Tolosa (1589). Cuadernos de etnologìa y etnografia de Navarra. 1985 n° 46, p. 131 -134.
e) Il s'agit là d'un aspect fondamental qui touche à l'expression même de l'imagerie, à sa conception. J'ai abordé cet aspect dans un ouvrage dédié au chanoine Pierre Lafitte : M. DUVERT 1983. «Remarques sur la structure de l'art plastique basque», Iker n° 2. p. 751-767.



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