Michel Duvert: Stèles en Navarre de ultra puertos, Irulegiko hilarriak (filma)
Contribution
à l'étude des stèles discoïdales basques dans la Navarre
d'ultra-puertos
Michel
Duvert
Cuardernos
de etnografia y etnologia de Navarra, 17e année, n°16,
1985, pp. 145-200.
Irulegiko hilarriak
Dans
un travail précédent (Duvert, 1981), nous avons étudié un groupe
homogène de discoïdales en Basse-Navarre. Cette étude nous avait
permis de constater l'existence de particularismes, et de leur
maintien au cours du temps, dans une aire donnée et plus précisément
dans un village donné. Nous allons élargir ce travail à la
Basse-Navarre en tenant compte de deux données que nous illustrons
par deux citations.
1-
«Si le relief dessine des vallées naturelles, les collines basques
esquissent elles aussi des ensembles géographiques plus ou moins
vastes où le peuplement s'est, comme dans les vallées
montagnardes, spontanément différencié, tandis que des tribus
primitivement distinctes garantissaient dès l'origine
l'individualité respective de chaque «province», à son tour
chacun de ces ensembles naturels a suscité une sorte de conscience
collective par laquelle ses habitants, se sentant solidaires, se
sont démarqués de leurs voisins, phénomène banal et cependant
rarement exploité par les ethnographes et les linguistes, qui
devraient y chercher une clé essentielle du «fait dialectal» —au
sens le plus large du terme. Ainsi se sont constitués les «pays»,
unités plus ethnographiques que strictement géographiques, que
définissent certains usages collectifs en matière de comportement
et de langage : citons en deçà de la frontière les «pays» de
Baigorry (en l'occurrence une vallée !), de Cize, d'Arberoue,
d'Ostabarret, de Mixe, au delà, outre les vallées proprement dites
de Roncal, d'Aezcoa ou de Baztan (cf. le Val d'Aran aujourd'hui
gascon et sa personnalité ethnographique si affirmée), des unités
comme les «Cinco-Villas» ou la Burunda. Ces communautés ont
souvent servi jadis de cadre naturel aux découpages politiques, et
leur réalité reste bien vivante dans la conscience populaire».
(Allières, 1977).
Dans
la même perspective: «Ainsi, des vallées du Pays Basque Jusqu'à
celles d'Andorre, chacune avait ses associations, chaque village ses
assemblées particulières où l'autorité suprême appartenait à
une aristocratie rurale, la classe privilégiée des voisins, seuls
propriétaires des montagnes. Liés par un collectivisme rigide
souvent fort contraignant mais qui servait leurs intérêts, leur
esprit de quartier y fut très puissant et, par un enchaînement
logique, “l'esprit de clocher” en fut renforcé. Malgré les
désaccords qui ne manquaient pas d'exister entre les villages d'une
même vallée, les habitants, liés par des intérêts communs
formaient des entités sociales fermées à l'étranger au point
d'en être agressives (Toulgouat, 1981).
Les
discoïdales que nous allons étudier datent des XVIe et
XVIIe siècles. A ces époques l'organisation du pays, par
les associations de voisins, n'a cessé de prendre de l'importance
face aux lignages; jusqu'à la fin du Moyen Age ces derniers
s'étaient appropriés de moyens de productions et avaient largement
modelé l'espace. On peut imaginer ces communautés liées par des
accords non écrits, affirmant leur personnalité mais aussi
conscientes de leur force face aux lignages et aux bandes organisées.
Elles devaient se réunir pour organiser leur vie et délibérer,
sous les vastes porches des sanctuaires (qui devaient être plus des
espaces sacrés que des églises chrétiennes?), parmi les morts
(dont les stèles étaient plus des signes que des symboles
chrétiens?). Ces assemblées (anteiglesias, assemblées
paroissiales...) devaient concerner de petits territoires, autorisant
l'apparition ou le maintien et le développement de particularismes
qui pourraient se traduire dans l'art populaire.
2-
Durant le Moyen Age, les Basques s'affirment comme étant un peuple
à la personnalité bien marquée. Leur importance ne cessera de
croître en Espagne durant les XVIe, XVIIe et
XVIIIe siècles (Baroja, 1974). Au nord le Pays Basque
qui fabrique les stèles que nous allons étudier, est un pays
dynamique et entreprenant (Goyheneche, 1979). On y édifie, ou on y
rebâtit, de nombreuses maisons (3500 in 1608, pour le seul Labourd,
en l'espace de trente ans); un art religieux rural voit le jour
(c'est un art profondément original dont l'archétype est
labourdin, ses antécédents son inconnus); l'art funéraire,
notamment les stèles discoïdales, est un art populaire d'une
qualité rare, les Labourdins adoptent des stèles tabulaires
inconnues dans les autres provinces (et surtout en Basse-Navarre où
se définissent des types de stèles tout à fait originaux, et ce,
à la même époque); les basques sont des bâtisseurs, ils
connaissent la science de la taille de la pierre, ils exportent leur
savoir dans toute la péninsule ibérique où ils construisent
châteaux, églises... (ils ont façonné un gothique basque bien
connu), durant les XVe, XVIe, XVIIe
et jusqu'au XVIIIe siècles. Ces activités trouvent leur
prolongement dans la vie de tous les jours. La chasse à la baleine
Jusqu'au XVe siècle (le pays en avait le monopole en
Europe), puis la pêche à la morue, apportent de solides revenus;
les chantiers navals sont en pleine activité, Jusqu'au au delà du
XVIIe siècle, leurs productions comptent parmi les
meiIleures d'Europe, le pays fournit de grands géographes, marins,
explorateurs... (qui ne sont pas tous nés sur la côte, Renaud
d'Elissagaray est né à Armendaritz). Au début du XVIe
siècle le maïs est introduit, il bouleverse l'économie
traditionnelle, cette introduction n'est pas un cas isolé, le
milieu rural n'a jamais cessé d'expérimenter des techniques
nouvelles et des moyens de production orlginaux (voir Baroja, 1974;
Goyheneche, 1979); vers ces époques l'élevage tend à se
développer. La population augmente, surtout à partir des
XVIIe-XVIIIe siècles (phénomène de
bordiers) oú des conflits éclatent entre pasteurs et
agriculteurs-éleveurs maîtres de maisons anciennes ou de bordes.
Ce pays vit largement ouvert sur l'Europe et plus particulièrement
tourné vers l'Europe du Nord (mais aussi le bassin méditerranéen);
il exporte ses productions (fer, ancres, outils, armes; ainsi, à
titre d'exemple, quand on consulte les listes des armuriers
fabriquant les fameuses épées de Tolède, on voit que les noms
basques abondent (Caro Baroja, 1974), il diffuse son savoir (art de
la navigation, chasse à la baleine…), il modernise ses moyens de
production en fonction des innovations de son époque (ce fut le cas
pour les forges au Moyen-Age; puis pour les productions d'armes de
toute sorte...). Dans notre pays, circulent non seulement les idées,
parfois les plus avancées (à travers la «Sociedad Vascongada de
los Amigos del Pais» au XVIIIe siècle), mais aussi les
produits les plus en vogue et les modes européennes.
Le
tableau que nous venons de brosser à grands traits n'est pas destiné
à donner une image «objective» de notre pays; il a uniquement pour
but de montrer qu'aux XVII-XVIIIe siècles, le pays ne
donne pas l'impression d'un milieu archaïque, replié sur lui-même.
C'est au contraire un pays dynamique, qui échange, exporte ses idées
et ses hommes. Dès lors, il nous faut repenser complètement l'image
de l'art basque telle qu'elle nous a été hâtivement transmise par
de nombreux chercheurs et notamment Colas. A sa suite, ou par respect
pour son autorité (si ce n'est par conformisme intellectuel), il
était de bon ton de dire que l'art basque n'existait pas: «Although
“Basque art” has been so much discussed of late that the
expression has become a cliché, serious writers on the
subject such as Colas and Philippe Veyrin have raised the question
whether such a thing as Basque art can truly said to exist» (Gallop,
1970). Croire avec Phlippe Veyrin, par exemple, que l'art funéraire
basque est le fait d'hommes qui combinent astucieusement des motifs
géométriques, sans trop réaliser ce qu'ils font, est une erreur.
L'image du Pays Basque que nous venons d'esquisser, aux XVI-XVIIIe
siècles, même si elle est naïve (car simplifiée à outrance),
nous incite à voir dans les œuvres de cette époque autant
d'affirmations d'un pays ouvert, sûr de lui même, qui agit sur son
environnement et cherche, en le modelant, à se donner de lui même
une image forte, correspondant à sa vision du monde.
Méthode de travail
Nous
avons retenu un certain nombre d'ensembles d'œuvres, certains sont
cohérents d'autres sont purement artificiels, cela dépend des
faits que nous voulons mettre en évidence. Dans le premier cas, il
nous a été possible de définir des archétypes possédant les
caractéristiques de base de ces ensembles. Chaque ensemble étant
défini (à travers un archétype ou non), sa répartition actuelle
est donnée sur une carte. Nous avons utilisé la carte des communes
du Pays Basque publiée par Viers (1975); les délimitations des pays
on été faites conformément à Goyheneche (1979). Ces répartitions
tiennent compte des observations de Colas (1923), de Barandiarán
(1981), de l'association Lauburu (inventaires non publiés) et de
notre propre recherche. Dans les communes mentionnées nous n'avons
pas fait figurer le nombre d'exemplaires conservés, ainsi certaines
distributions peuvent être exagérées. Cependant, nous avons essayé
de donner un aspect semi-quantitatif sur la carte F uniquement, dans
ce cas la densité des pointillés «rend compte» de la densité
actuelle de l'archétype considéré, dans les communes indiquées
par : ?, les données sont insuffisantes ou absentes.
Ces
considérations nous amènent à poser les limites de ce travail.
L'absence de données quantitatives oriente la lecture des cartes en
exagérant les répartitions réelles (et donc les influences qui se
sont exercées au niveau de la création). Par exemple Macaye est le
seul village non navarrais qui figure sur la carte B, or l'archétype
étudié n'y a été rencontré qu'une fois, encore s'agit-il d'un
fragment en remploi dans le mur du cimetière.
Ces
cartes traduisent l'état actuel de la recherche et des connaissances
de l'auteur. D'une part, nous ignorons le contenu et la provenance de
collections particulières (parfois, comme à Arcangues, nous
ignorons la provenance exacte des nombreuses stèles qui ont été
transportées), d'autre part, il est fort probable que l'on
découvrira dans les villages des stèles ou des fragments qui nous
sont inconnus (combien de ces monuments ont servi à empierrer des
chemins ou à confectionner des murs). Des lors, les aires de
répartition devront être sensiblement augmentées mais nous ne
croyons pas que l'essentiel de ces carte soit remis en question; il
nous parait par exemple impossible que les stèles d'Amikuze, au
XVIIe siècle, aient massivement pénétré le Garazi, la
Soule, le Labourd, etc.
Ces
cartes peuvent être inexactes par excès. En effet, les stèles sont
des monuments transportables. Trois exemples: le premier est emprunté
à Colas (n°233, 234), il y a à Hélette une stèle qui provient
d'Itxassou (et qui est caractéristique de la production de ce
village), elle a été amenée ici il y a quelques années; enfin,
nous avons vu dans une ferme de Juxue, en Ostabarret, un banc de
pierre contre la façade d'une maison, il est confectionné avec un
linteau de porte provenant de Tardets, en Soule... Une aire de
répartition trop vaste pour un type de stèle ne signifie pas grand
chose à priori, d'autant plus que la densité réelle du type en
question est en principe inconnue.
Les
cartes que nous publions donnent une idée, il faut les accueillir
avec prudence, ce ne sont pas des «instruments de mesure». Afin de
ne pas alourdir le texte nous ne reviendrons pas sur ces réserves au
cours de notre exposé.
Afin
de rester dans des limites raisonnables, nous n'avons sélectionné
que certains ensembles de stèles discoïdales; la Basse-Navarre est
plus riche que ne le laisserait croire notre travail (nous ne parlons
pratiquement pas des ateliers du Pays d'Ossés, de ceux de
l'Ostabarret...).
Au
cours de ce travail, nous avons utilisé le mot «atelier», nous
voulons dire par là que certains créateurs partageaient une même
conception de l'espace parfois une même sensibilité quand ils
n'utilisaient pas un même type d'imagerie (et ceci est très
révélateur de la cohérence des ateliers, les éléments retenus
sont tout aussi significatifs que ceux qui sont exclus des
productions). Ces ateliers sont le fait de tailleurs de pierre
(harginak) ou de familles de tailleurs de pierre qui semblent tous
agriculteurs, au moins au Labourd (Lafourcade, 1978), dans les
époques qui nous occupent.
Terminologie
Dans
la description des discoïdales nous allons utiliser un certain
nombre de termes (voir Duvert, 1976) rappelés sur le schéma
suivant. La stèle est formée par un socle et un disque délimité
par une bordure. On y trouve deux axes principaux (V et H) et deux
axes secondaires portant la base de quatre. Les axes principaux
portent les régions 6, 9, 12 et 3, à leur intersection se trouve la
région O. Axes et régions ont des valeurs particulières. Ces
valeurs impliquent autant de contraintes qui président au choix et à
l’évolution des éléments décoratifs chargés d’animer
l’espace. Enfin, le disque impose une loi de cadre, du fait de sa
structure circulaire.
Dimensions
des discoïdales étudiées dans ce travail. On notera le grande
taille CICS stèles de l'Amikuze (à Amorotz., Bizcay, Masparraute,
trois villages voisins). La forme des stèles n'est pas quelconque,
les rapports diamètre/col sont voisins de 2.
G:
Garazi; AIM: Amikuze; AR: Arbéroue; S: Soule, B pays de Baigorry;
L: Lantabat, LA: Labourd; O: pays d'Ossés.
Aire
de distribution
Sur
la carte A, nous avons indiqué, en rétablissant les noms basques,
les villages où se trouvent les monuments que nous allons étudier.
Certains
villages labourdins sont soulignés car on y trouve des formes d'art
très influencées par l'art navarrais, inversement dans les villages
de l'Arberoue qui sont soulignés on trouve quelques formes
typiquement labourdines. L'art funéraire au nord de la province est
peu ou mal connu. Bardos et Guiche semblent avoir été sous
l'influence des ateliers «Bas-Adour». Ce dernier village semble
avoir eu une production diversifiée, sur les huit pierres connues
actuellement, deux sont de type Bas-Adour et trois ont une forme
unique au Pays Basque (Colas, n°243, 244, 245). Nous ne connaissons
pas l'art funéraire à Bidache et c'est bien regrettable car ce
village fut de tout temps un centre créateur de première
importance en Pays Basque Nord. Enfin, au sud de la Gascogne, au
nord de Bidache, il reste peu de discoïdales; Colas en rapporte
quelques unes (n°232 à 240). On remarquera que ces dernières
œuvres sont surtout gravées et tardives (fin XVIIe,
XVIIIe et XIXe siècles). A Bergouey par
exemple, les stèles et les plate-tombes qui les accompagnent, et
qui sont de la même époque, sont gravées. Cette façon de faire
se retrouve à Charritte sur deux stèles (parmi les neuf connues)
datées de 1784, où ne figure que le nom des défunts. On retrouve
également des stèles gravées plus en avant dans l'Amikuze, à
Masparraute par exemple, où l'une est datée en fonction du
calendrier révolutionnaire (et donc de la fin du XVIIIe
siècle). Nous n'avons pas pris ces œuvres en considération,
compte tenu de leur facture mais surtout de leur caractère récent
et par là de leur intérêt moindre comparé aux pièces du XVIIe
siècle. De même nous ne parlons pas des croix pour ne pas alourdir
ce travail. Beaucoup sont du début du XVIIIe siècle et
présentent, surtout en Amikuze, dans le pays d'Ossés et dans
l'Ostabarret, un très grand intérêt. A partir de cette époque
jusqu'au début du XXe siècle, la Basse-Navarre fera des
croix de grande taille (deux mètres et plus de haut, pour
certaines) qui marquent encore bien de nos cimetières nous ne les
étudierons pas.
L'art
bas-navarrais ne pénètre que sporadiquement en Soule, dans la
dégairie de Domezain et à l'ouest de celle d'Aroue, ainsi qu'a
Pagolle. Il est inconnu aiIleurs.
Nous
ne connaissons pas l'art funéraire à Hasparren ni à Labastide où
il ne reste plus rien. Cambo et Itxassou représentent l'avancée
extrême de l'art navarrais en Labourd, hormis de rares productions
isolées comme à Larressore et Arbonne.
Ensembles d'oeuvres et leur répartition
Nous
présentons dix ensembles d'œuvres de ta province, un ensemble
propre au village d'Iroulégui et, pour finir, le maître de Saint
Michel en Cize.
Premier
ensemble, n° 1 à 4 et carte B
L'archétype
est illustré en n° 4. Il est caractérisé par l'identité des
régions, 9, 12, 3 et 6 et par un traitement identique des quatre
secteurs; ces derniers sont formés par une série concentrique de
structures parallèles aux axes V et H, séries qui se referment sur
la base de quatre. Il ne s'agit donc pas de quatre structures
rayonnantes issues de la base de quatre mais bien de structures
centripètes. Le socle n'est pas décoré et ces stèles ne sont
jamais datées.
L'archétype
est en fait un modèle stéréotypé reproduit largement en
Baigorri, Ossés mais surtout en Garazi (carte B); au contact de
l'Arberoue et de l'Amikuze il se transforme sensiblement. Ainsi à
Lantabat (n°57) et à Suhescun (n°1 à 3), le même thème
n'occupe pas obligatoirement les deux faces. La région 6 affirme
une individualité par rapport à 9, 12 et 3; les structures
concentriques sont beaucoup moins compactes; ces structures
n'occupent plus obligatoirement les quatre secteurs.
Cet
archétype est inconnu en Ostabarret, Amikuze et Arberoue, il est
inconnu en Soule et en Labourd semble-t-il (sur la carte figure
Macaye, où nous avons trouvé un fragment de discoïdale de ce
type, dont une face figurait une arbalète, inclus dans le mur du
cimetière). A notre avis nous sommes là en présence d'un art
navarrais «de la montagne».
Cette
fois-ci nous nous déplaçons vers le nord de la province, dans
l'angle sud-est de l'Amikuze; une région que nous citerons
plusieurs fois tant les discoïdales y sont exceptionnelles.
Quelques unes de ces stèles furent transportées à Arcangues mais
on ignore leur origine. L'archétype peut être ainsi défini:
axes V et H soulignés par des structures parallèles; les
plus externes portent des éléments en demi-cercle sauf à la
rencontre des axes V et H, en O, où les éléments sont carrés;
région O bien individualisée;
région 6 bien marquée, différente de 9, 12 et 3. L'axe V se
prolonge dans le socle à travers cette région; le socle est décoré
par des structures qui tendent à se déployer à partir de la
région 6; le vocabulaire décoratif est caractéristique,
dans les quatre secteurs se trouvent quatre cartouches avec «INRI»,
une date, «IESUS» et «MARIA», accompagnés de structures
circulaires, en croissant de lune... et surtout de fleurs de lis au
dessin très particulier (n° 5), signant là un trait de style qui
nous semble propre au nord de la Basse-Navarre et plus
particulièrement à l'Amikuze.
Nous
avons relevé les dates suivantes: 1610, 1621, 1628, 1629, 1630,
1631, 1639, 1644, 1650, 1656, 1686 et 1687. Cet archétype et ses
variantes ont donc été fabriqués pendant près de 80 ans dans
cette région.
Inconnu
hors d'un petit périmètre dans l'Amikuze (carte C), rejeté du
Lantabat (qui a pourtant admis plusieurs types provenant de ce pays,
nous le verrons), son centre de diffusion pourrait être Beyrie.
L'oeuvre
n° 5 provient d'Orsanco, comme l'oeuvre n°6 qui est
analogue à celle rapportée à Uhart-Cize par Colas (n°744). A ce
propoos il nous faut faire une remarque, Colas dit «les évidements
de la croix sont probablement inspirés par de vieilles monnaies»…
ces vieilles monnaies ne circulaient alors que dans cette région de
l'Amikuze? Nous sommes convaincu que les monnaies ont servi de
source d'inspiration, quand elles n'ont pas été tout simplement
recopiées (Duvert, 1982), mais ici, une telle explication nous
parait difficilement soutenable, à moins d'évoquer un modèle
inspiré de monnaie et diffusé, pendant 80 ans environ, par un même
atelier ou une même famille de tailleurs de pierres, confinés dans
cette région. L'oeuvre n°7 provient de Larribar, on la comparera à
Colas n°670, 676... cette stèle a été rapportée par Colas (n°
736).
Cet
archétype a connu des variantes, on remarquera par exemple Colas
n°760 où seul le traitement des axes V et H est identique, de même
le répertoire (hache, cercle, et fleur de lis au dessin bien typé).
Il existe donc toute une série d'intermédiaires les archétypes
sont reliés les uns aux autres. Nous allons préciser cette donnée
par les exemples suivants.
Troisième
ensemble, n° 8 et 9 et carte D
Cet
ensemble est tout à fait artificiel, c'est une sorte de «groupe
charnière» entre l'ensemble précédent et les grands modèles du
Labourd et de l'Arberoue.
L'oeuvre
n° 8 rappelle l'ensemble précédent, pour une face. Il se produit
ici un phénomène curieux que nous avons déjà noté à propos du
premier ensemble (n° 1 à 4). Cette stèle est incontestablement
rattachée au second ensemble mais les deux faces ne sont pas
identiques (comme c'était le cas pour les stèles n° 2 et 3); sur
la face analogue au second ensemble, les secteurs III et IV (sous
l'axe H, c'est-à-dire sous la partie «sommitale» du disque) ont
un traitement particulier. Le même phénomène a lieu sur la stèle
n°1 (par rapport aux stèles n°2, 3 et 4).
Nous
assistons donc comme à une sorte de dilution de l'archétype
précédent qui dérive lentement vers d'autres formes. Sur la stèle
n°9 l'écart se creuse, le traitement des axes V et H et de la
région 6 nous amène de plus en plus vers l'Arberoue (voir quatrième
ensemble), par contre le répertoire décoratif («INRI», la date
dans un cartouche et le dessin des deux fleurs de lys), est celui de
l'ensemble précédent.
Ces
deux stèles sont donc des formes de transition typiques; elles font
le lien entre plusieurs archétypes, elles sont au carrefour
d'influences, à l'articulation de types d'imagerie.
Sur
ce type d'oeuvre on note les dates suivantes: 1602, 1607, 1608, 1610,
1611, 1612, 1615, 1616, 1617, 1618, 1619, 1620, 1622, 1624, 1625,
1626, 1627, 1628, 1629. Cette production s'étale sur 30 ans (alors
que la précédente dure 80 ans) et débute huit ans avant celle de
l'ensemble précédente. C'est trop peu pour penser qu'elle a pu lui
donner naissance.
Cet
ensemble est propre à l'Amikuze (carte D) où i] a du avoir
plusieurs centres de diffusion, l'un à Orsanco et l'autre à Gabat
au moins. La n°
8, probablement Colas n° 686, provient d'Orsanco.
La n° 9, provient de Gabat où existent des stèles avec
ces types de répertoire sur les deux faces (Colas, n° 703, 705,
706). Il y a là un atelier avec un maître identifiable qui a fait
l'oeuvre n° 8 et la 706 de Colas.
Ces
formes hybrides ont été exportées en Soule, à Ainharp (Colas, n°
1008 dont le revers, n° 1009, appartient incontestablement à
l'Amikuze).
Le caractère hybride de cet ensemble d'œuvres va nous permettre d'élargir le problème. La stèle n°9 est au carrefour entre Amikuze et Arberoue, mais il y a plus. Examinons la stèle n°11 (qui est plus à «tendance Amikuze» qu'à «tendance Arberoue», voir n° 8), nous l'avons placée entre deux œuvres: la n°10 provient du Lauragais (Occitanie, à l'est du pays de Comminges), la n°12 provient de Sos (Huesca). On ne peut qu'être frappé par la ressemblance de structure entre ces œuvres, importance de l'axe V et traitement particulier de la région 6 (comparer n° 8 et 12 par exemple et 10 et 11). Ce n'est pas la première fois que des ressemblances entre stèles basques et pyrénéennes sont notées (Herber, 1936, Marco Simon, 1975, 1980); bien d'autres modèles pourraient être évoqués, nous ne le ferons pas, afin de rester dans le cadre que nous sommes fixé.
Le caractère hybride de cet ensemble d'œuvres va nous permettre d'élargir le problème. La stèle n°9 est au carrefour entre Amikuze et Arberoue, mais il y a plus. Examinons la stèle n°11 (qui est plus à «tendance Amikuze» qu'à «tendance Arberoue», voir n° 8), nous l'avons placée entre deux œuvres: la n°10 provient du Lauragais (Occitanie, à l'est du pays de Comminges), la n°12 provient de Sos (Huesca). On ne peut qu'être frappé par la ressemblance de structure entre ces œuvres, importance de l'axe V et traitement particulier de la région 6 (comparer n° 8 et 12 par exemple et 10 et 11). Ce n'est pas la première fois que des ressemblances entre stèles basques et pyrénéennes sont notées (Herber, 1936, Marco Simon, 1975, 1980); bien d'autres modèles pourraient être évoqués, nous ne le ferons pas, afin de rester dans le cadre que nous sommes fixé.
Il
est évident que la stèle que nous appelons «basque», parce
qu'elle est située de nos jours dans le cadre des sept provinces,
est liée aux productions analogues abondantes le long de la chaîne
pyrénéenne et de ses abords (où la présence basque est attestée
avant l'époque historique, au haut Moyen,Age et au delà (Narbaitz,
1975, Goyheneche, 1979, Riquet, 1981), ainsi qu'au Portugal. Sans
entrer dans de longs débats il nous paraît évident que la stèle
discoïdale des sept provinces est liée non seulement au monde
pyrénéen (à des espaces, des modes de subsistance et de pensée)
mais aussi à la culture basque (à toutes ses nuances) qui a occupé
des espaces se réduisant au cours des temps. Dans cette optique, le
terme «stèle basque» reste entièrement à définir, le réduire
au cadre géographique des sept provinces actuelles est très
insuffisant.
C'est
un ensemble cohérent qui peut être défini: socle et disque sont
décorés; les régions sont bien indiquées et la région 6 peut
avoir une personnalité bien affirmée.
La région O a le plus souvent un
traitement original, quand le centre du disque n'est pas
intentionnellement marqué par un coup de ciseau laissant un léger
creux, même dans les œuvres les plus achevées sur le plan
technique. La base de quatre est
régulièrement présente à travers des élément construits au
compas. Le rayonnement est présent au moins sur une face, et dé
façon générale à travers le langage
décoratif retenu par les maîtres (dans cette série le choix des
éléments décoratifs, supports du langage esthétique, n'est jamais
quelconque, les éléments circulaires sont la règle, parmi eux,
ceux qui supportent le rayonnement sont préférés). Ce type
d'oeuvre montre souvent le nom du défunt, il indique aussi une date.
Ce
modèle est répandu tout au long du XVIIe siècle et
même au delà; à ce point de vue, rarement un type de discoïdale
aura connu un tel succès. Il a donné naissance à de très
nombreuses variantes au sein desquelles il faudrait faire des
sous-groupes (par exemple nous en présentons un: n°13 à 16, avec
«sceau de Salomon obligatoire»; sur les n°15 et 16, la région
centrale est exprimée de façon analogue).
èCe
modèle est pratiquement ignoré en Amikuze (carte E); il est clair
que là, il lui a fallu composer avec un pays doté d'une puissante
personnalité. Il n'a pu pénétrer dans ce pays que sous des formes
hybrides du genre de celle illustrée en n° 9. On comprend dans
cette optique comment la discoïdale traduit des rapports de force,
avec des sortes de dignes de front), de compromissions. Elle met en
scène de forts individualismes, voire des sortes de conflits.
Nous sommes en présence d'un type de stèle qui déborde
actuellement en Labourd, situation que nous n'avons pas rencontrée
jusqu'ici. A vrai dire, derrière cet ensemble (n°13 à 20) se
cache le véritable archétype commun aux labourdins et aux
navarrais, il est illustré par les œuvres n°17 et 20 et schéma
accompagnant la carte F. Il se démarque légèrement du modèle que
nous venons d'évoquer plus haut par un caractère: les régions 6,
9, 12 et 3 sont réunies par des arcs de cercle dont la courbure est
dirigée vers O. Si l'on regarde maintenant la carte F on voit que
cet archétype est beaucoup plus diffusé que le modèle précédent.
Comparons des productions «Bas-Adour» (n° 21) et typiquement
navarraises (n° 22), elles montrent une même structure à ceci
près: en Labourd on différencie peu la région 6.
A vrai dire, la comparaison des œuvres 21 et 22 est très intéressante, on se rend bien compte que l'esprit labourdin (fin et gracieux) est assez éloigné de la belle assurance (un peu lourde...) des Bas-Navarrais. Il ne faudrait jamais parler de la stèle basque, comme il ne faut pas parler de la maison basque, de la danse basque, etc. Ce dernier archétype ne pénètre pas en Ostabarret, peu en Amikuze, encore moins en Soule. En Pays Basque sudon le trouve à Valcarlos (Frankowski, n°33-16 ),
vraisemblablement à Goñi, à l'ouest de Pampelune (Caro Baroja,
1969) et peut être une forme dérivée à Soracoiz (Urrutia et
Fernandez Garcia, 1973, stèle n°7, face E), au Musée archéologique provincial d'Alava (mais les axes V et H ne sont pas
indiqués), à Zamarze en Navarre (Leizaola, 1980), etc. Comme nous
le voyons, l'archétype semble connu en Navarre (voir également au
Musée San Telmo); comment se prononcer pour Alava, Biscaye et
Guipuzcoa? il y a si peu de discoïdales ici.
A vrai dire, la comparaison des œuvres 21 et 22 est très intéressante, on se rend bien compte que l'esprit labourdin (fin et gracieux) est assez éloigné de la belle assurance (un peu lourde...) des Bas-Navarrais. Il ne faudrait jamais parler de la stèle basque, comme il ne faut pas parler de la maison basque, de la danse basque, etc. Ce dernier archétype ne pénètre pas en Ostabarret, peu en Amikuze, encore moins en Soule. En Pays Basque sud
L'archétype
déborde largement en Labourd oriental, de Gréciette à Louhossoa.
Itxassou ne l'apprécie guère, à peine quelques stèles sur les
dizaines conservées ici. Il faut dire qu'il y a dans ce village une
forme d'art particulière (un «foyer de résistance») et un art
largement tourné vers la vallée de la Nive (c'est le village le
plus oriental oú il y a des ateliers ayant fabriqué des stèles
tabulaires).
L'étude
des trois premiers ensembles nous a permis de mettre en évidence
l'extrême localisation de certains types de stèles, nous allons
continuer à vérifier cette donnée. Pourquoi alors une aussi vaste
répartition pour le dernier archéty-
pe
(carte F)?
Tournons-nous vers l'histoire. Le Labourd fut érigé en
Vicomté par Sancho Handia, en 1023. Ses limites étaient alors
différentes des limites actuelles. A l'origine, seules Amikuze et
Ostabarret relevaient de l'évêché de Dax, Garazi et Arberoue
étaient labourdins, ce dernier pays ne deviendra navarrais qu'en
1245. Garazi, Arberoue mais aussi Baztan, et pays de la Bidassoa
jusqu'à une partie du Guipuzcoa, étaient également «labourdins»
et relevaient de l'évêché de Bayonne (le statut des terres de
Grammont n'est pas clair). Pour en revenir à notre problème, la
frontière entre le Labourd et la Basse-Navarre ne sera stabilisée
qu'au début du XIIIe siècle (voir Goyheneche, 1979). Il
n'est donc pas surprenant de voir, à priori, des modèles communs à
l'Arberoue et au Labourd (et la limite entre les deux provinces
n'apparaît guère dans le paysage)
ainsi qu'en Garazi (voir une face du n°28) et inconnus en partie en
Amikuze et totalement en Ostabarret. L'histoire n'explique pas tout
ici car, paradoxalement, l'archétype est absent dans tout le Labourd
occidental (qui ne semble pas avoir été profondément marqué par
le style Bas-Adour, sauf Anglet si l'on en croit les quelques
fragments qui nous sont parvenus).
Une
vaste répartition de notre archétype sur deux provinces nous
suggère qu'il est peut-être très ancien et antérieur au XIIIe
siècle? Il semble inconnu hors du Pays basque...
Avec
ces belles œuvres, nous voici à nouveau en Amikuze. L'archétype est
net, inutile de le décrire, On notera surtout
l'importance des axes et leur traitement (voir le deuxième ensemble
n°5; le souci d'exprimer les régions 6 et 0; l'importance des
éléments circulaires (L'Arberoue est proche); le subtil rapport
entre les pleins et les vides.
La
région 6 est ici exprimée avec force, même au niveau de la croix
aux branches curvilignes (voir l'élément en forme triangulaire). On
remarquera enfin les excroissances au niveau du disque et parfois du
col. Ces stèles sont de bonnes dimensions (voir tableau). La face à
la croix à branches curvilignes connait de nombreuses variantes en
Amikuze.
Ces
œuvres sont en général datées, on relève: 1614, 1628, 1629,
1632, 1642, soit un intervalle de trente ans environ. Leur
répartition (carte G) montre une extrême localisation, à l'ouest
de l'Amikuze (elles diffèrent en cela des deuxièmes et troisièmes
ensembles, voir cartes C et D). On peut penser à l'activité d'un
atelier particulier, on y reconnait des maîtres, ainsi les stèles
n° 24 et 25 proviennent respectivement d'Amorotz et de Masparraute
et sont manifestement de la même main; noter le zig-zag qui termine
l'inscription, c'est un trait de style connu dans ce pays (Colas n°
760).
Ici
la situation est très différente, plus qu'un archétype il faut
parler d'un type de représentation connu hors des sept provinces (où
il fut très abondant à une époque donnée) et introduit
délibérément dans l'art basque. La survie de ce genre de
représentation dépendra de sa capacité à se plier au monde de la
stèle, ce fut le cas pour le monogramme IHS.
Les
deux faces font allusion à la Vierge et au Christ, la face de la
Vierge est en fait un véritable enseignement traduit dans la pierre.
Ces
œuvres s'inscrivent vers le milieu du XVIIe siècle, on y
relève les dates: 1630, 1631, 1633, 1639, 1641, 1642, 1643, 1644,
1646, 1651 Durant ces vingt années ces modèles furent diffusés en
partie en Amikuze, en Lantabat, au nord de l'Ostabarret; une mauvaise
copie se trouve à Domezain (Colas n°1086, 1087).
Le
type même de ce modèle est représenté par la stèle n° 26, en
outre c'est l'œuvre d'un virtuose, comme il y en avait tant dans
notre pays à ces époques. Sur la stèle n°27 l'association entre
le Christ et la Vierge est abandonnée, alors apparaît une croix
identique à celles de l'ensemble précédent (n°23 à 25), et bien
connue dans ce pays de Mixe. Nous avons relevé ce détail pour
montrer comment insensiblement des modèles très typés, même s'ils
ont été définis hors du pays sont peu à peu assimilés; il semble
qu'une première étape dans ce processus soit la ré-individualisation
des deux faces de l'oeuvre (voir n°4 et 2, 3, n° 8 et 5 à 7) qui
brise ainsi le stéréotype.
Lors
de l'introduction de ce modèle on remarque que le dessin reste
toujours aussi vigoureux, dans la ligne navarraise. Il y a
manifestement un «esprit» une façon de faire qui préside au choix
et à l'évolution des types d'imagerie. C'est ce que nous allons
essayer de mettre en évidence avec l'ensemble suivant.
Il
n'y a pas à vrai dire d'archétype au sein de cet ensemble. Nous
avons regroupé ici des œuvres dont la tendance générale est sur
une face: l'axe V qui brise, à travers la
région 6, les limites entre socle et disque; isoler la région 6 qui
ne se rattache plus à la périphérie du monument (tendance que l'on
retrouve aussi pour les régions 9, 12, et 3); la bordure tend a être
doublée par une succession d'éléments (souvent des losanges) qui
peuvent être repris sur la face opposée; la base de quatre n'est
pas construite obligatoirement par des éléments circulaires; enfin
ces œuvres ont souvent une facture très particulière et ne
montrent pas toujours la belle assurance des maîtres d'Amikuze,
d'Arberoue et d'Ostabarret.
Les
œuvres qui répondent à cet esprit furent diffusées en: 1611,
1612, 1619, 1621, 1623, 1628, 1645, 1647, 1648, 1650, 1658 et 1674.
Elles forment un ensemble très diversifié (voir Frankowski par
exemple, à Valcarlos, Uhart-Cize, La Madeleine, etc.). Ces œuvres
ont des répertoires particuliers, mais surtout un style original qui
se traduit à travers divers sous-groupes que nous ne détaillerons
pas ici. L'aire de répartition de ces œuvres nous montre leur
localisation en Garazi et leur quasi absence ailleurs.
Voici
à nouveau un modèle très caractéristique, défini probablement
hors du Pays basque ou en marge de la culture traditionnelle. On
notera sur la bordure encadrant IHS (où le S est parfois redoublé,
comme ici) la formule latine «Sancta Maria plena gratia mater mea»,
avec des variantes comme «Sancta Maria mater gracia misericordiae»,
une autre est rédigée en espagnol (voir Colas à Pagolle, n° 857).
La forme des lettres de l'inscription est tout à fait
caractéristique, tout se passe comme si un modèle avait circulé
car toutes ces œuvres ne sont pas de la même main. On ne peut
s'empêcher de penser ici à l'existence de maquette, ou de sorte de
«catalogue», et Lafitte a recueilli auprès d'un tailleur de
pierres, au début du siècle, tout un vocabulaire où figurait le
mot «muskullo» qui signifie «maquette», son informateur était
bas-navarrais.
L'essentiel
de ces œuvres est localisé au nord de l'Ostabarret; elles ne sont
pas datées. On notera la ressemblance entre les lettres R et la
lettre i qui figure sur le linteau du château d'Echauz (Baigorry),
daté de 1555.
Même
type de situation, un modèle est introduit dans notre pays. Le
monogramme IHS est traité dans un esprit de gothique tardif. La
calligraphie de ce sigle a attiré les maîtres du nord de la
Basse-Navarre qui, comme les maîtres du bas-Adour (mais dans un tout
autre esprit), étaient avides de beaux effets et d'exercice de
virtuosité.
Ce
modèle n'est pas localisé dans une région donnée, peut-être
est-il le fait d'un maître itinérant? celui là même que l'on peut
repérer à Saint-Esteben (voir Colas)?
Les
œuvres n°33 et 34 sont du maître d'Orègue (qui a du mal à
centrer le monogramme). Il est possible que ce maître véhicule un
stéréotype qui peu à peu se «dilue» dans la tradition. Ainsi
l'oeuvre n°35 reprend sur ses deux faces les schémas précédents
mais les représentations des astres sont beaucoup moins affirmées
et des outils sont introduits. Sur cette pièce le traitement des
axes V et H n'est pas sans rappeler celui qui apparaît n°5, 6, 7 et
par là 23 à 25, un même esprit préside à la mise en forme de
représentations sur ces stèles (unité de style de types
d'imagerie).
Le
monogramme accompagné des lettres alpha et omega (*) est bien connu
dans d'autres zones, de même les représentations d'astres, mais ici
l'originalité réside dans l'association de deux mondes (très net
en 33 et 34). Une face est dédiée au monde des astres et par là
des forces de la nature, de part et d'autre des axes V et H qui se
recoupent dans une région O bien marquée. L'autre face est celle où le monde chrétien trône sans partage (malheureusement nous ne
savons pas quelle était à l'origine la face tournée vers la
tombe...) Cette oeuvre est sans nuance, c'est à peine si le monde
des astres est tempéré par la croix qui est plus un élément de
structure qu'un symbole chrétien (régions O et 6 bien marquées, de
même l'identité de 9, 12 et 3).
Il
y a des villages qui nous consolent des pertes subies par notre art
funéraire, Iroulégui est de ceux-là. Ce petit village à
l'apparence modeste, renferme une série d'oeuvres peu banale. Il y a
eu là un atelier de tailleurs de pierres qui ont fait des œuvres
peu diffusées et qui ont personnalisé ce village. Sur la carte M,
nous voyons la répartition de ces oeuvres, l'essentiel est à
Iroulégui et quelques-unes à Lasse (la stèle n° 47 est le revers
de celle que Colas transcrit, n° 323, et qu'il n'a pas pu lire),
Anhaux, Uhart-Cize et surtout Ascarat, n° 46. Cet
ensemble se définit par son style. Nous sommes très loin ici des
modèles sophistiqués des maîtres de l'Amikuze ou de l'Arberoue,
les maîtres de ce petit village se sont emparés du monogramme IHS,
dans sa forme la plus simple et ont parlé basque à travers lui. On
remarquera le traitement particulier de la lettre S souvent
accompagnée d'un élément végétal, cette façon de faire est bien
connue en Haute-Navarre, ainsi à Urraul Alto (n° 48, Peña Santiago
et San Martin, 1966, voir également Cruchaga et col., 1966, etc.)
Nous voyons là un fait que nous pouvons vérifier continuellement,
l'ouverture du nord sur le vieux royaume.
Plusieurs
maîtres se sont exprimés à travers ce style, on en reconnait
certains: n° 39 et à Anhaux (Colas,
n°285)? n° 41 et 45,
n°43 et 44, n°42 et à Anhaux
(Colas, n° 284)?
On
ne manquera pas d'être frappé par une curieuse ressemblance entre
la stèle n° 40 et des stèles de la côte labourdine (voir Colas,
n°9, 30, 102...); comme en Navarre, à Juslapeña (à l'est de la
capitale-Peña Santiago, 1977, p. 183) et plus librement à Espelette
(Colas, n°151), on voit des sortes de ramures envahissant la bordure
à partir des régions 6 et (plus régulièrement) 12. Il n'y a pas
seulement qu'une unité de structure dans la stèle des sept
provinces, il y a aussi une unité de vocabulaire et de style.
Le
maître de Saint-Michel en Garazi
La
stèle n° 51 est peut-être celle dessinée par Colas, (n° 475,
476), mais ce n'est pas évident. Nous parlons ici de ce maître pour
trois raisons. La
première, toute sentimentale, ce maître a dû connaitre Bernat
Dechepare, curé de ce village, qui fit paraître en 1545 le premier
livre connu en langue basque «Linguae vasconum primitiae».
Ce maître met en scène une imagerie comparable à celle du
maître d'Orègue par exemple (n°33, 34); il oppose nettement, sur
ses deux faces, deux visions, deux types de répertoire. C'est ce
même type d'opposition que l'on retrouve entre le rayonnement (et
non la représentation d'astres) et le monde chrétien. Dans la
mesure où les axes V et H servent de support à la croix du Christ
(et c'est loin d'être évident, voir plus loin), les œuvres 8, 9,
29, le groupe de l'Arberoue (n° 13...) illustrent cette
opposition. Dans un travail antérieur nous avions déjà signalé
cette relative spécialisation («polarité») des deux faces des
stèles (Duvert, 1981).
Comme
à Iroulegui (n° 43, 44), le maître de Saint-Michel
utilise le thème de la croix aux extrémités enroulées. Ce trait
de style est retrouvé en Labourd (Ainhoa) et en Navarre (Lanz, avec
une variante à Elbetea? —voir Frankowski—). On peut donc penser
que dès le XVIe siècle il y avait une certaine cohérence
à travers les sept provinces jusque dans des détails mineurs comme
ce trait de style. Enfin la stèle d'Ainhoa (voir Colas, n°121, 122)
a une allure beaucoup plus navarraise que labourdine, son revers
rappelle une oeuvre d'Arbonne qui a également une allure franchement
navarraise. Y a-t-il eu des équipes itinérantes ou circulation de
modèles (muskullo)? cette dernière éventualité rendrait mieux
compte de la relative unité de style à travers de vastes
territoires.
Remarques générales
I
— Symbole et imagerie
Le
mot symbole sous entend a priori une intention; que savons-nous des
intentions d'un créateur? Lui même lorsqu'il trace une croix sur
une stèle, que fait-il? il reprend un élément décoratif ou il
symbolise la croix du Christ? Il ne nous semble pas du tout évident
que les œuvres n°5, 6, 7, 21, 22, 23 à 25, 28, 29, 33, 34, 50
(face avec inscriptions) et 51 (face avec les astres) illustrent la
croix du Christ. Nous voyons avant tout sur ces pierres l'expression
des axes V et H, des régions qu'ils portent et, secondairement, une
croix; éventuellement celle du Christ. A titre d'exemple, sur la
face portant des inscriptions de la stèle n° 49, on voit
une croix; si on y regarde de plus près, cette croix est avant tout
construite autour d'une succession de cercles (O, régions, limites
de la bordure), elle traduit aussi bien la prépondérance de la
région O (et du rayonnement) que la présence des axes V et H. Où
est le symbole chrétien? La croix du Christ est elle évidente sur la
face portant les inscriptions de la stèle n° 50?; sur l'autre face
en revanche elle apparaît plus évidente, elle est reléguée sur le
socle alors que le rayonnement triomphe sur le disque.
Dans
la mesure où la croix du Christ elle-même n'est pas évidente sur
une discoïdale, que pouvons-nous dire des autres éléments?
sont-ils des «symboles»? Prenons l'exemple des motifs géométriques
du type cercle, croissant et structure rayonnante, situons-les dans
le cadre des ensembles que nous avons étudiés.
N°
52: on voit une nette allusion au soleil dans le second
secteur, dans la région O il y a un visage (lune?, tête du
Christ?).
N°33,
34: quittons Béguios et allons à Orègue, toujours en Amikuze. Ici
aussi des astres ont un visage humain, lune (n°33) et soleil (n°34).
On peut raisonnablement penser que le motif rayonnant du premier
secteur (n°33) symbolise le soleil et le cercle du second secteur
(n°34) symbolise la lune. Dans ces deux œuvres, on note en plus la
présence d'une étoile.
N°35:
toujours en Amikuze, allons à Luxe. Nous avons de bonnes raisons de
penser que les éléments circulaires du premier secteur et le
croissant du troisième secteur symbolisent effectivement des astres.
Ce répertoire: cercles emboîtés, croissant, motif rayonnant, se
retrouve sur des pierres de styles fort différents comme ici, n°53,
toujours à Béguios.
On
peut penser que bien des éléments circulaires et des croissants,
utilisés en Amikuze au moins, dérivent de représentations du
soleil et de la lune (n°5, 6, 7, 23, 24, 25?, etc.).
On pourrait tenir le même raisonnement pour la hache qui est peut
être liée au culte du tonnerre, de la foudre?
Ces
types de représentation pourraient avoir pour origine des imageries
de stèles d'époque hispano-romaine (Duvert, 1982). Elles auraient
fourni en partie un vocabulaire de base qui se serait introduit chez
nous surtout par la Navarre et peut-être l'Alava qui sont riches en
belles stèles décorées des premiers siècles de notre ère
(Elorza, 1970; Marco Simon, 1978, 1979). Ces types de représentation
ont pu continuer à vivre dans un Pays Basque peu ouvert au
christianisme, et à évoluer en marge des modes circulant en Europe
(voir Marco Simon, 1978). On ne peut qu'approuver Barandiaran
lorsqu'il dit: «On a remarqué depuis longtemps au Pays Basque,
comme partout, que certains signes occupent la place du Soleil sur
les monuments. Ce sont les figurations qui se présentent sous la
forme de cercle simple, de cercles concentriques, de roues, à raies
rectilignes et curvilignes, de swastikas, de pentalphas, de signes
oviphiles, de rosaces, etc.
Les plus anciens spécimens connus appartiennent à l'époque romaine
(…). Bien qu'aux époques historiques ces signes furent souvent
employés à titre de simples ornements, ils ont continué à
représenter maintes fois le Soleil, même de nos jours...». Dans ce
même travail, Barandiaran considère le rôle des représentations
et des symboles (hache, lune, soleil...) dans la mentalité populaire
basque, c'est à dire dans le contexte immédiat où se situent nos
monuments funéraires (Barandiaran, 1974 et autres travaux). Parfois
au sein d'un même village et à l'intérieur d'un même ensemble
d'oeuvres, figurent des types de représentations variés. N°54:
lune et astre rayonnant, n°55: lune et hache accompagnent des
évocations de la vie agricole (comparer avec Leizaola, 1970, à
Goldaraz en Navarre, photo n°5). La valeur symbolique de ces
représentations nous parait évidente.
Même
dans les cas les plus favorables, l'intention à travers le «symbole»
n'apparaît pas évidente. Des images ont pu passer «en bloc» dans
l'art populaire, comme par exemple l'association calvaire —soleil—
lune, bien connue dans l'art «officiel» jusqu'au delà du Moyen Age
(voir les gravures de Dürer par exemple). De même des monnaies ont
enrichi le répertoire décoratif (Duvert, 1982); dans des monnaies
navarraises, Jusqu'au XIIIe siècle par exemple, on trouve
l'association étoile-lune (Sancho II, Sancho V Ramirez, Sancho
Azkarra par exemple) qui a très bien pu être reprise sur la stèle
sans aucune intention de «symbole». Il nous apparaît évident que
le mot «symbole» devrait être manié avec de grandes précautions
lorsque l'on parle de discoïdale.
II.
Le rayonnement
L'examen
des stèles n°34, 51, 52 nous montre comment les maîtres
représentaient les astres et notamment le soleil. La représentation
du rayonnement est toute autre, elle est polymorphe car liée
fondamentalement à la structure même de la stèle faces sans
inscriptions des stèles n°49, 50, face avec inscription de la stèle
29, etc. Le rayonnement est énergie, création, source de vie, les
basques l'exprimaient dès le Haut Moyen Age à Argineta, en Biscaye.
La
comparaison sur la même planche, des stèles 49 à 51 est très
significative; les deux premières expriment le rayonnement, sur une
face. La dernière met en scène un monde avec des astres.
III.
L'enseignement
Toutes
ces considérations nous amènent peu à peu à regarder la stèle
comme autre chose qu'un monument «décoré»; elle peut servir de
support à tout un langage fort complexe (n°56) où se côtoient:
des symboles d'astres, des signes chrétiens (parfois très élaborés,
n°26), des représentations d'ustensiles, une date, un nom de
maison, celui d'un défunt. Ces types de stèles, surtout en Amikuze
et Arberoue, sont avant tout un enseignement et une conception du
monde, les œuvres du maître d'Orègue par exemple ne sont pas
innocentes (n°33, 34).
Au
cours du temps la charge symbolique de ces monuments a eu tendance à
s'effacer devant la technique et la virtuosité. Au XVIIe
siècle en Labourd comme en Amikuze, Arberoue, etc. les stèles sont
spectaculaires mais surtout bavardes et très soignées sur le plan
technique. A cette même époque les croix et les tabulaires, en
Labourd, seront préférées les discoïdales se feront de plus en
plus rares désormais.
IV.
Les courants de création
Les
stèles navarraises autorisent des lectures à des niveaux extrêmes.
A un niveau général nous pouvons mettre en évidence des propriétés
ou des caractères qu'elles partagent avec les autres stèles des
sept provinces (Duvert, 1976). Au niveau le plus particulier nous
pouvons mettre en évidence des formes d'expression qui nous
permettent d'illustrer l'originalité de certains
pays, de certains ensembles de villages, d'ateliers, de maîtres.
Nous pouvons également voir l'introduction de «modes» et
l'évolution de stéréotypes; enfin, avec une grande réserve, nous
pouvons apprécier la «durée de vie» de styles ou de types
d'imagerie les dans une aire donnée.
Entre
ces deux niveaux se déroule une grande partie de la création et
nous pouvons de ce fait en faire une approche relativement sûre.
Nous contenterons ici de récapituler quelques données.
Les
stèles des sept provinces sont très diversifiées cette variété
n'est pas toujours quelconque puisqu'en dehors des phénomènes de
modes, elle peut signifier la réalité de groupes humains à
l'échelle de pays (Amikuze) voire de quelques villages (l'ensemble
d'Iroulégui). Le fait dialectal se vérifie au niveau de ces
monuments (Allières, 1977).
Ces
réalités auxquelles nous faisons allusion devraient être
précisées. Il est probable que des études comparatives menées sur
des bases identiques à la nôtre apportent un nouveau regard sur la
création basque, il faudrait pour cela avoir de bonnes indications
anthropologiques, ethnographiques, linguistiques... et historiques.
Dans un tel cadre, on serait amené à définir avec plus de rigueur
ce qu'il convient d'appeler stèle discoïdale basque (notamment par
rapport aux stoles discoïdales d'autres cultures), compte tenu du
fait qu'une grande partie de son histoire nous échappe, faute de
document daté.
On
peut dégager dans une province donnée, ici la terre
d'Ultra-Puertos, un certain nombre d'archétypes (qui peuvent être
parfois des stéréotypes, n°4 par exemple) très différents les
uns des autres. Cependant des formes intermédiaires existent, nous
l'avons vu en détail pour les pierres n°8 et 9 qui sont à
mi-chemin entre les archétypes d'Amikuze et d'Arberoue. Ces formes
traduisent les chocs entre sensibilités différentes qui cohabitent;
ici les types de Amikuze n'ont pas été introduits tels quels en
Arberoue et vice versa. Il faut se garder cependant de visions trop
schématiques; ainsi le Lantabat qui a sur le plan esthétique une
personnalité bien affirmée (Thévenon, 1978), a admis sans
modification des modèles définis dans d'autres pays (cartes B, E,
F, H et L). Comment rendre compte de cela? Par l'existence de maîtres
itinérants? C'est peu probable, compte tenu de la forte
régionalisation de cet art, par la circulation de maquettes ou de
simples dessins? Par copie d'objets circulant facilement (meubles,
ustensiles divers)? Cette dernière hypothèse est peu vraisemblable,
la stèle est un monde particulier: dans le village de Juxue
(Ostabarret) linteaux et stèles ont des répertoires très
différents, par exemple.
Les
modèles trop étrangers à la mentalité basque, ou trop typés et
ne pouvant guère évoluer (n°26, face consacrée à la Vierge,
n°31, 32) peut être parce qu'ils se pliaient mal au monde de la
stèle (ce n'est pas le cas du monogramme IHS même dans ses formes
élaborées), sont très vite évacués. Ce phénomène est net en
Labourd (voir Colas, n°1218, 1219 et une oeuvre identique à
Itxassou). La mentalité populaire et la culture basque (au niveau de
l'espace de la stèle et du contexte de la mort, ici) jouent le rôle
de filtre. Les maîtres semblent donc avoir eu toute liberté pour
introduire des formes nouvelles, mais c'est la tradition qui se
chargeait de faire fructifier ou non l'héritage. C'est pour cela que l'art de la stèle est toujours resté basque... Il a du se
passer la même chose avec la danse en Soule par exemple (voir les
travaux de Guilcher), mais aussi avec la pastorale, l'introduction de
concepts ou de mots étrangers, etc... La stèle, comme toute
production de ce pays, signifie l'homme basque et le met en scène.
On ne peut s'empêcher de la situer dans le cadre où Ithurriague
(1942, 1943) plaçait le bertsolari: «Les improvisateurs sortent
presque tous des couches populaires ils en incarnent les tendances,
les sentiments; c'est pourquoi, soit dit en passant, ils ont une si
grande influence aux yeux du public. Le bertsolarisme, du reste, ne
saurait se comprendre en dehors du milieu physique et moral où il
s'élabore et se traduit, il est un tout complexe, formé par le
poète et ceux qui l'écoutent, ceci va avec cela, sans que l'on
puisse distinguer et séparer».
V.
Les rythmes de création
Ce
travail nous fournit un renseignement intéressant; il semble que les
archétypes aient une durée de vie limitée. L'imagerie liée à la
mort n'est ni définie ni stabilisée: environ 80 ans pour l'ensemble
n°5, 6; environ 30 ans pour l'ensemble
n°8, 9, 1 1; environ 30 ans pour l'ensemble n°23 à 25; environ 20
ans pour l'ensemble n°26, 27; environ 60 ans pour l'ensemble n°28,
29.
En
toute rigueur, ces chiffres ne signifient pas grand chose. On a
détruit beaucoup de stèles (il ne reste plus rien a Beyrie) et
retaillé certaines. L'important est de voir que chaque archétype
est limité dans le temps. On peut donc dire qu'au moins au XVIe
siècle en Basse-Navarre, des formes d'art liées à la mort étaient
périodiquement remises en question et régénérées; malgré cette
dynamique elles conservaient toujours leur structure fondamentale
(axes, régions, valeurs de ces repères, etc.).
La
tradition est un phénomène vivant, une somme d'équilibres toujours
rompus dans une continuité. Elle renvoie au groupe humain une image
dynamique qui l'aide à se repérer et se définir. La perte de l'art
funéraire mais aussi de la langue, de l'architecture, etc... sont
autant de repères qui s'effondrent. Il faut non seulement les
maintenir mais surtout les faire vivre, les faire évoluer, c'est la
leçon des vieux maîtres navarrais…
VI.
Les stéréotypes
En
marge de ces courants il y a des archétypes stables; nous en avons
vu au moins un: n°21, 22 et carte F. Ce type navarro-labourdin
pourrait être en place depuis le Moyen Age au moins; il est très
différencié au XVIIe siècle en deux composantes: le
type Bas-Adour et le type Arberoue (et Navarre par
Valcarlos?). Chacune de ces composantes a un visage propre (n°21 et
n°22). Dans le Bas-Adour nous sommes en présence d'un stéréotype
qui a évolué vers l'exercice de style, vers la pure virtuosité.
Ici n'importe quel technicien peut réaliser ce type d'oeuvre et les
maîtres labourdins vont rivaliser d'habileté. C'est la faillite de
la création et la naissance d'un classicisme stérile, superficiel,
bavard et monotone (comme tout classicisme). Bien des archétypes ont
eu ainsi tendance à évoluer vers ce type de conformisme (n°4;
ensemble n°5, 6, 7; etc.), c'est peut-être l'une des raisons pour
lesquelles l'imagerie était périodiquement régénérée?
VII.
Les stèles datées
Cette
étude nous montre que l'épigraphie va souvent de pair avec la
datation, au moins en Amikuze, Arberoue, Ostabarret et Lantabat. Mais
ce n'est pas une règle absolue. En fait la datation est liée à
certains archétypes semble-t-il, aussi est-il faux de dire, d'une
façon générale, que les stèles basques son datées à partir du
XVIe siècle. Cette affirmation n'est surtout valable
qu'en Basse-Navarre et pour certains types de stèles. Les événements
qui se sont déroulés ici et qui ont amené au développement de
l'épigraphie ne peuvent être généralisés aux autres provinces en
Biscaye, Guipuzcoa, Alava, Soule, le reste de la Navarre et dans une
certaine mesure en Labourd, on date peu et l'épigraphie est
relativement peu développée si ce n'est absente.
VIII.
La personnalité bas-navarraise
Comme
l'indique l'histoire (Goyheneche, 1979), l'art funéraire (mais aussi
l'architecture par exemple), nous montre que la terre d'Ultra-puertos
est avant tout une fédération de pays dont le ciment est Pampelune.
Parmi
ces pays l'Amikuze a joué un rôle très important en matière de
création. Colas lui même l'avait bien noté «Dans l'étude
générale placée en tête du Recueil consacré à la Basse-Navarre,
j'ai attiré l'attention sur certaines régions de cette province qui
méritent de figurer au premier rang pour la décoration funéraire
des discoïdales. On me permettra d'insister tout particulièrement sur
le pays de Mixe» (p. 178). Pourquoi le pays de Mixe alors que la
Gascogne voisine et le Béarn ne montrent aucune production
comparable? Tout voyageur venant par la Gascogne ne peut qu'être
frappé par la vigueur et l'originalité des discoïdales de ce pays.
Mais une telle originalité n'existe pas en matière d'habitat,
l'archétype basque que nous connaissons dans toute la partie
occidentale de notre pays se retrouve en Gascogne, cet ancien pays
vascon (voir Toulgouat, 1977). Faute de pouvoir trouver des
productions comparables à celles de l'Amikuze autour du Pays Basque
nord, force est de nous tourner vers notre pays.
Plusieurs constatations s'imposent.
Plusieurs constatations s'imposent.
Il
y a moins de “pays” en Labourd et Soule qu'en Basse-Navarre; des
individualités existent mais la diversité est faible. Si nous
prenons le cas du Labourd, quelques ensembles peuvent être
distingués: un type lié à la côte (IHS accompagné de crosses de
fougères, fleurs de lys...) et un lié Urrugne, Béhobie, un type
lié à la vallée de la Nive, d'Ustaritz à Itxassou (IHS cosntruit
et transformé autour de l'axe V), le grand type Bas-Adour avec
des variantes locales dont l'une des plus typées est à Guiche, et
quelques écoles comme à Arbonne. Curieusement Itxassou, dans sa
montagne, offre un art absolument original au
Stèle
provenant d'Orégue, elle témoigne de la qualité d'éxécution de
ces monuments et de la science des tailleurs de pierre au XVIIe
siècle. On a de bonnes raisons de penser que ces maîtres étaient
de simples agriculteurs (c'est le cas en Labourd au XVIIIe
siècle).
sein
de la production basque (seule une stèle de Greciette (Colas n°
613) se rattache à cet ensemble). En Soule la situation semble plus
simple, il y a grossièrement deux types de stèles (en fait deux
types de sensibilités et d'approche du monde): l'un au nord
d'Aussurucq et de Menditte, il ne ressemble en rien à ce que l'on
peut voir dans les autres provinces (sauf peut-être dans la Navarre
montagneuse voir notamment les vallées de Arce, Oroz Betelu, et le
travail de Urrutia à ce sujet); l'autre type qui s'étend vers toute
la Basse-Soule et beaucoup plus nettement marqué par la
Basse-Navarre (répertoire et facture).
Les
fortes individualités bas-navarraises semblent se situer dans le
seul cadre navarrais, peut-être dans celui qui est esquissé par
Caro Baroja (1974), voir p. 24 et surtout 117 quand il dit: «EI de
la libertad de los vecinos de un área frente a los linajes, es un
ideal que progresa mucho desde el siglo XV y que produce las
hidalguías colectivas y las formas establecidas de los derechos de
vecindad. En Navarra, el problema de las hidalguías colectivas se
estudia claramente en el momento en que valles enteros fronterizos,
como el de Baztán o el de Roncal o el de Lana, u otros, van
obteniéndolas y van creanclo un tipo de personalidad distinto dentro
del contexto navarro; y tan específico que al mismo tiempo que se
crean o consolidan las hidalguías colectivas en la montaña, en la
ribera se crean los feudos mayores y más desaforados que ha tenido
el reino...».
A
partir du Moyen Age, le Pays Basque se distingue en Europe par son
dynamisme. Dés cette époque les basques exportent leur technique et
leur savoir, forges et chantiers navals sont en pleine activité.
Plus tard ils feront des équipes de bâtisseurs (d'églises, de
palais...) qui se répandront dans la péninsule. Le pays est
entreprenant, il est à la pointe de l'innovation et des progrès
techniques de son temps (construction navale, aciers, armes,
navigation, géographie, domaine agricole, etc.); des types de savoir
seront imités par d'autres pays (anglais et hollandais et la chasse
à la baleine). Parallèlement notre pays est largement ouvert aux
modes européennes les plus variées (au XVIIIe siècle
notamment). De même en ce XVIIIe siècle, la
Basse-Navarre donne l'impression d'un pays fort, qui ne recopie pas
l'art de ses voisins. Elle produit des types d'œuvres inconnus dans
le reste du pays; ces types sont variés, d'une grande qualité et
continuellement régénérés. Nous sommes vraisemblablement en
présence d'une société dynamique, entreprenante, elle est faite
d'individualités qui s'attachent à donner d'elles-mêmes des
visages particuliers à travers des formes d'art très élaborées.
Un pays comme l'Amikuze a un visage très nettement affirmé; tout se
passe comme si le petit monde que constitue ce pays, avait voulu se
mettre en scène d'une façon particulière et témoigner de cet
individualisme. Dès lors, les tailleurs de pierre furent, à leur
manière, des témoins et des porte paroles de la vigueur et de
l'assurance de ce type de société.
Des
formes de création se démarquent des grands axes d'activité comme
le pastoralisme par exemple, qui tendent, comme on peut le penser, à
véhiculer de «mêmes» types de sensibilité (des visions du monde)
et par là à produire une relative homogénéité de formes.
Le
Pays Basque, et plus particulièrement le vieux royaume, est un pays
largement ouvert sur le monde extérieur. Au XVIIe siècle,
les modes circulaient librement, même dans leurs aspects les plus
sophistiqués (n°26, 31, 32). Ce pays n'avait pas peur d'introduire
dans sa culture des schémas étrangers; cette culture est vivante,
elle échange.
En
résumé, la diversité de l'art funéraire, mais aussi des types
d'outils (Baroja a souligné le fait que la charrue présente chez
nous de nombreuses variantes à l'inverse de ce que l'on peut voir
dans la meseta castillane; ces variantes ont des localisations
distinctes), des types d'habitat, de danses, de dialectes de
l'euskara, etc. nous mettent en présence d'un monde basque complexe.
Cet ensemble de faits nous montre combien la société rurale basque
n'a pas été ce milieu fermé, conservateur et archaïsant que l'on
s'est plu à dépeindre. Il nous montre aussi combien l'image de ses
créateurs que nous en donnent Colas et Veyrin est fausse.
L'étude
de l'art funéraire basque peut nous permettre de comprendre en
partie l'histoire de notre pays. Lorsque seront publiées les
monographies concernant les sept provinces, et plus particulièrement
les centaines d'œuvres contenues en Navarre (Zubiaur Carreño, 1980)
et dans les provinces nord, bien des aspects des mentalités seront
mieux perçus. Une telle étude reste à faire. Ces données nous
permettront également de préciser ce que nous entendons par «stèle
discoïdale basque», une définition qui repose actuellement sur des
bases trop fragiles (un critère de forme, à vrai dire peu précis,
et un critère d'espace où le mot basque ne fait référence qu'aux
seules sept provinces, c'est-à-dire au Pays Basque «minimun», non
seulement les facteurs temps et espace sont à prendre en
considération ici, mais encore convient-il d'élargir le cadre aux
notions de peuple et de Pays Basques (voir Caro Baroja, 1974).
(*)
Alors que ce travail était soumis à publication, paraissait un
travail de L. Barbé (Observations générales sur les monogrammes
divins à propos de leur inventaire dans le Lectourois»; Societé
archéologique du Gers, 3e trimestre 1983, p.
286-304. Dans ce travail, où les productions basques sont prises en
considération, l'auteur étudie notamment l'association du
monogramme IHS avec les lettres alpha et oméga. Il démontre, de
façon convaincante, que ces dernières sont en fait les lettres M et
A de Marie, monogramme de la Vierge. Dés lors ces types de
représentation doivent se traduire par «Jésus-Marie» et non par
«Jésus-alpha et oméga (principe et fin de tout)». Au cours de
cette année, nous avons pu observer, en Basse-Navarre, une
discoïdale avec pour seul thème: M et A, traités exactement comme
les pseudo lettres alpha et oméga. Il faut donc rectifier
l'interprétation donnée dans ce travail.
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Resumen
El
estudio de las estelas discoideas del Pals Vasco muestra conjuntos de
obras que tienen, cada uno, una cierta originalidad. Esos conjuntos
están localizados en zonas bien delimitadas, agrupaciones de barrios
o de pueblos y «países»; a veces caracterizan un solo pueblo
(Itsasu, Arbona... en Lapurdi por ejemplo. Los conjuntos pueden
caracterizarse con varios criterios: factura de las piedras,
estructura de las obras, clase de repertorio, estilo,... Algunos
conjuntos traducen estereotipos reproducidos durante unas decenas de
años; más frecuentemente esos estereotipos se han mezclado con
variaciones, más o menos alejadas, que introducen matizes.
Baxenabarra
es una provincia muy interesante para el estudio de esos conjuntos.
Muchos «países» con fuerte personalidad constituyen esa parte del
viejo reino (Oztibarre, Amikuze,... ver mapa A). Se puede reconocer
en cada uno, clases de estelas localizadas en algunos pueblos
cercanos. En ese trabajo hemos considerado algunos conjuntos
naturales o más o menos artificiales. En el primer caso hemos
descrito el arquetipo correspondiente y hemos indicado en un mapa los
pueblos donde se encuentran obras perteneciendo al conjunto estudiado
(por eso hemos utilizado un mapa donde figuran los límites de los
pueblos, o «communes», con sus barrios).
N°
1 a 4, mapa B: la estela n° 4 es un arquetipo bien
conocido en Garazi. Presenta algunas variaciones (n°1 a 3 por
ejemplo) donde el arquetipo se transforma progresivamente; en este
proceso se puede ver que las caras están reindividualizadas (cada
una con tema propio), además el aspecto el más característico del
arquetipo va cambiando paulatinamente, sobre todo en su sentido y no
mucho en su forma. Es un proceso que parece muy general.
N°5,
6, 7, mapa C: tipo de estela estrictamente localizado en una parte de
Amikuze. Las estelas que pertenecen a ese conjunto llevan una fecha,
de 1610 a 1687.
N°8,
9, 11, mapa D: tipo intermediario entre el precedente tipo y las
estelas de Arberu (n°13 a 20). La primera (n°8) es parecida a las
obras de Amikuze, la segunda (n° 9) es más próxima a las de
Arberu. Además ese tipo de obra (n° 11) recuerda estelas de los
Pirineos, por ejemplo en Occitania y Aragon (eje V, región 6,
estilo); se conocen otros casos (ver trabajos de Marco Simón).
N°13
a 20, mapa E: tipos de estelas encontradas en Arberu y en la parte
oriental de Lapurdi (Arberu pertenecia a Lapurdi antes el siglo
XIII). Esas obras traducen un arquetipo muy difundido en Lapurdi
(estilo «bas-Adour»), Arberu, parte de Orzaise (n°22) y Garazi,
parcialmente en la Nabarra actual; apenas se conoce en Amikuze (mapa
F).
N°23
a 25, mapa G: tipo muy localizado en Amikuze, las estelas del
conjunto llevan fechas, de 1614 a 1642.
N°26,
27, mapa H: traduce una moda elaborada fuera del país y difundida
entre 1630 y 1651 aproximadamente.
N°28,
29, mapa I: tipo bastante característico en Garazi, parte de
Baigorri y encontrado en Valcarlos. Las estelas de ese conjunto se
caracterizan ante todo por su estilo y su repertorio. Presentan
algunas semejanzas con el arquetipo de Lapurdi-Baxenabarre occidental
(n° 13-22)
N°30,
mapa J; n° 31, 32, mapa K: traducen modas introducidas en
el norte de la provincia.
N°33
a 35, mapa L: tipo característico por su repertorio y las
asociaciones de los temas, esencialmente localizado en Amikuze.
N°36
a 47, mapa M: obras cuyo estilo (cara con IHS) es bastante coherente;
la mayor parte procede de Irulegi. Modelos del IHS parecidos se
encuentras en la actual provincia de Navarra (n°48); no solamente en
las estelas pero en otras obras también (trabajo de la madera por
gemplo) se nota siempre influencias de la actual Navarra en todo el
País Vasco norte.
Se
puede sacar algunas conclusiones hypótesis acerca de la sociedad
vasca y de sus creadores (talleres, maestros, verdaderas «escuelas»,
posibles maquetas...) en el siglo XVII.
Muchos
elementos simbólicos en forma de círculo o de creciente en Amikuze
(n°5 a 7, 23 a 25) tienen sus correspondencias en representaciones
de astros (sol, luna, estrella... n°52, 53, 56) sobre estelas de ese
mismo país (ver los trabajos de J. M. de Barandiarán).
La
radiación (Duvert, 1978) que se desarrolla desde la región O, es
una manifestación poliforma, muy diferente de las representaciones
de astros y sobre todo del sol.
Muchas
estelas traducen una enseñanza en la piedra; no son constituidas por
la yustaposición de elementos decorativos (n°33, 34, 51, 52 y 56).
Los
conjuntos de estelas constituyen varios dialectos de un mismo
lenguaje, el de la estela y del mundo vasco. En ese lenguaje se han
introducido elementos y clases de representación por los maestros,
con toda libertad. Esas aportaciones fueron seleccionadas por la
tradición que los hacían vivir (n°4 y 1, 2, 3; 26 y 27; 33, 34 y
35, etc.) o los rechazaban (n°31, 32 por ejemplo) y quedan pues sin
descendencia.
Conjuntos
de estelas fueron hechos durante un periodo variable (20 a 80 años
en los ejemplos que hemos estudiado). Es decir que tipos de estelas
fueron continuamente cambiados, según ritmos, en ciertos lugares o
«países». No se debe tener una visión estática del arte popular,
es una manifestación llena de vida.
La
estela de Baxenabarre está constituida por numerosos conjuntos de
obras que tienen su vida propia, hasta cierto punto. Muchos conjuntos
se encuentran en pequeños territorios, en los pueblos cercanos no
penetran (intactos) sino gracias a formas mixtas o de transición
(n°8, 9 y 5 a 7, 13 a 22). El arte de la estela traduce, a su
manera, verdaderos afrontamientos de sensibilidades.
Bilduma
Euskal
hilarri biribilak ikertu eta erran daiteke badirela hilarri multzoak
berezitasun baten jabe direnak. Holako edo halako eskualdetan
aurkitzen dira (herri multzo edo «herrialde», batzutan holako edo
halako herria, adibidez Itsasu).
Multzoak
hunela berex daitezke: nolako harria, lanak nolako egitura, nolako
osagailuak, nolako traka. Multzo horiek, batzutan, eredu batzu eman
dituzte, zenbait hamar urtez berregin direnak; eta eredu horiek beren
aldapenak izan ditute, guti edo aski urrundu zaizkienak.
Hilarri
multzo horien iker-lana egiteko Baxenabarre frango egokia da.
Probintzia horrek nortasun haundiko eskualdeak baditu. Eskualde
horietarik bakoitzean hilarri molde bereziak ezagut daitezke,
herrixka bakar zenbaitetan bakarrik aurkitzen direnak; hala nola
Amikuze. Etsenplu andana bat hortik hartua clugu. Lan huntan multzo
alde baten berri emaiten dugu. Mugatu ditugu, leheneredu nabari baten
aurpegia eskainiz, nihundik ahal bada. Azkenik, mapa batean, multzo
horietako hilarri zenbait zoin herritan aurki erakusten dugu.
N°1-4,
mapa B: n° 4 hori Garazin ongi ezagutua den lehen-eredu bat da.
Aldapenak baditu (n° 1-3). Hor ikusten dugu lehen-eredu hori
emeki-emeki bestelakatzen, alde bakoitzak bere nortasuna finkatzen
duela, apaingaia ahulduz doalarik.
N°5-7,
mapa C: Amikuze parte batean bakarrik aurkitu eredua. Dataduna da,
1610 eta 1687 artekoa.
N°
8, 9 eta 1 1, mapa D: Aintzineko eredu horren eta Arberuko hilarrien
artekoa da (n°13-20). Lehena (n°8) Amikuzetik hurbil da bigarrena
(n°9) Arberuri hurbilago. Bien arteko mota horrek Okzitaniako eta
Aragonako hilarriak gogoratzen ditu (V haxea, 6 eskualdea, traka...)
N°13-20,
mapa E: Arberun eta Lapurdiraino zabalduak diren ereduak (eskualde
hori Lapurdi zen XIII. mende arte). Eredu hori eremu biziki zabal
bateko lehen-eredu baten ume da (mapa F).
N°23-25,
mapa G: Amikuzen bakarrik agertu den eredua, 1614 eta 1642 artean
gutienez.
N°
26, 27, mapa H: guti gora behera 1630 eta 1651 artean agertu eredu
bat.
N°
28, 29, mapa I: Garazin zabaldu eredua, n°13-22 obren antzekoa
N°
30, mapa J, n°31, 32, mapa K: Baxenabarreko herri zenbaitetan sartu
eredu berezi batzu. Lehena, bereziki Oztibarren aurkitzen da.
N°33-35,
mapa L: bereziki Amikuzen sartu eredua. Bi alderdi horiek elgarrekin
doatzi.
N°36-47,
mapa M: obra horiek trakaren araberako osagailuak dituzte (alderdi
bat IHS ekin). Irulegin egin dira bereziki.
Amikuzeko
erronda edo ilargi zizter formako sinbolo ainitzek (n°5-7, 23-25)
beren parekoa badute herri hortako iguzki eta ilargi itxuretan.
Forma
bat baino gehiago har dezaken dirdiradura (diskaren erditikakoa) eta
izarren (iguzki, ilargi...) itxurak arras desberdinak dira.
Hilarri
ainitzek erakaspen bat dakarte harrian; ez dira apaingailua
apaingailuaren ondoan (n°33, 34, 51, 52, 55, 56).
Hilarri
multzo batzu euskara eta euskalkiak bezala dira. Hargin bakoitzak
bere hizkuntza bazuen harrien moldatzean. Heiek asmatu berrikuntzak,
ohidurak beretzen zituen (fig. 4 eta 1, 2, 3, 26, 27; 33-35) edo
baztertzen (n° 31, 32).
Hilarri
mota batzu egiten ziren hunenbeste urtez (20 eta 80 urte arte hortan,
hemen ikertu etsenpluetan). Hilarri mota batzu geldigabe berrituak
ziren beraz.
Baxenabartar
hilarria, beren bizia daukaten ainitz multzoz osatua da. Multzo
horietarik ainitz eskualde ttipitan barreiatuak dira. Ez dira, auzo
herrietan, diren bezala sartzen, aldaturik baizik (n°5-7; 13-20; 8,9
adibidez). Euskal hilarrigintzan sendi-molde desberdinen arteko
borroka nabari da.
*
Je
remercie le Père Marcel Etchehandy (à qui nous devons la
préservation de l'essentiel des oeuvres étudiées ici) pour le
résumé en euskara. Je remercie également Monsieur Eugène
Goyheneche pour avoir relu le manuscrit et pour ses observations.
Iruzkinak
Argitaratu iruzkina