Michel Duvert: Stèles en Navarre de ultra puertos, Irulegiko hilarriak (filma)

Contribution à l'étude des stèles discoïdales basques dans la Navarre d'ultra-puertos

Michel Duvert
Cuardernos de etnografia y etnologia de Navarra, 17e année, n°16, 1985, pp. 145-200.

Irulegiko hilarriak

Dans un travail précédent (Duvert, 1981), nous avons étudié un groupe homogène de discoïdales en Basse-Navarre. Cette étude nous avait permis de constater l'existence de particularismes, et de leur maintien au cours du temps, dans une aire donnée et plus précisément dans un village donné. Nous allons élargir ce travail à la Basse-Navarre en tenant compte de deux données que nous illustrons par deux citations.
    1- «Si le relief dessine des vallées naturelles, les collines basques esquissent elles aussi des ensembles géographiques plus ou moins vastes où le peuplement s'est, comme dans les vallées montagnardes, spontanément différencié, tandis que des tribus primitivement distinctes garantissaient dès l'origine l'individualité respective de chaque «province», à son tour chacun de ces ensembles naturels a suscité une sorte de conscience collective par laquelle ses habitants, se sentant solidaires, se sont démarqués de leurs voisins, phénomène banal et cependant rarement exploité par les ethnographes et les linguistes, qui devraient y chercher une clé essentielle du «fait dialectal» —au sens le plus large du terme. Ainsi se sont constitués les «pays», unités plus ethnographiques que strictement géographiques, que définissent certains usages collectifs en matière de comportement et de langage : citons en deçà de la frontière les «pays» de Baigorry (en l'occurrence une vallée !), de Cize, d'Arberoue, d'Ostabarret, de Mixe, au delà, outre les vallées proprement dites de Roncal, d'Aezcoa ou de Baztan (cf. le Val d'Aran aujourd'hui gascon et sa personnalité ethnographique si affirmée), des unités comme les «Cinco-Villas» ou la Burunda. Ces communautés ont souvent servi jadis de cadre naturel aux découpages politiques, et leur réalité reste bien vivante dans la conscience populaire». (Allières, 1977).
    Dans la même perspective: «Ainsi, des vallées du Pays Basque Jusqu'à celles d'Andorre, chacune avait ses associations, chaque village ses assemblées particulières où l'autorité suprême appartenait à une aristocratie rurale, la classe privilégiée des voisins, seuls propriétaires des montagnes. Liés par un collectivisme rigide souvent fort contraignant mais qui servait leurs intérêts, leur esprit de quartier y fut très puissant et, par un enchaînement logique, “l'esprit de clocher” en fut renforcé. Malgré les désaccords qui ne manquaient pas d'exister entre les villages d'une même vallée, les habitants, liés par des intérêts communs formaient des entités sociales fermées à l'étranger au point d'en être agressives (Toulgouat, 1981).
Les discoïdales que nous allons étudier datent des XVIe et XVIIe siècles. A ces époques l'organisation du pays, par les associations de voisins, n'a cessé de prendre de l'importance face aux lignages; jusqu'à la fin du Moyen Age ces derniers s'étaient appropriés de moyens de productions et avaient largement modelé l'espace. On peut imaginer ces communautés liées par des accords non écrits, affirmant leur personnalité mais aussi conscientes de leur force face aux lignages et aux bandes organisées. Elles devaient se réunir pour organiser leur vie et délibérer, sous les vastes porches des sanctuaires (qui devaient être plus des espaces sacrés que des églises chrétiennes?), parmi les morts (dont les stèles étaient plus des signes que des symboles chrétiens?). Ces assemblées (anteiglesias, assemblées paroissiales...) devaient concerner de petits territoires, autorisant l'apparition ou le maintien et le développement de particularismes qui pourraient se traduire dans l'art populaire.
    2- Durant le Moyen Age, les Basques s'affirment comme étant un peuple à la personnalité bien marquée. Leur importance ne cessera de croître en Espagne durant les XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles (Baroja, 1974). Au nord le Pays Basque qui fabrique les stèles que nous allons étudier, est un pays dynamique et entreprenant (Goyheneche, 1979). On y édifie, ou on y rebâtit, de nombreuses maisons (3500 in 1608, pour le seul Labourd, en l'espace de trente ans); un art religieux rural voit le jour (c'est un art profondément original dont l'archétype est labourdin, ses antécédents son inconnus); l'art funéraire, notamment les stèles discoïdales, est un art populaire d'une qualité rare, les Labourdins adoptent des stèles tabulaires inconnues dans les autres provinces (et surtout en Basse-Navarre où se définissent des types de stèles tout à fait originaux, et ce, à la même époque); les basques sont des bâtisseurs, ils connaissent la science de la taille de la pierre, ils exportent leur savoir dans toute la péninsule ibérique où ils construisent châteaux, églises... (ils ont façonné un gothique basque bien connu), durant les XVe, XVIe, XVIIe et jusqu'au XVIIIe siècles. Ces activités trouvent leur prolongement dans la vie de tous les jours. La chasse à la baleine Jusqu'au XVe siècle (le pays en avait le monopole en Europe), puis la pêche à la morue, apportent de solides revenus; les chantiers navals sont en pleine activité, Jusqu'au au delà du XVIIe siècle, leurs productions comptent parmi les meiIleures d'Europe, le pays fournit de grands géographes, marins, explorateurs... (qui ne sont pas tous nés sur la côte, Renaud d'Elissagaray est né à Armendaritz). Au début du XVIe siècle le maïs est introduit, il bouleverse l'économie traditionnelle, cette introduction n'est pas un cas isolé, le milieu rural n'a jamais cessé d'expérimenter des techniques nouvelles et des moyens de production orlginaux (voir Baroja, 1974; Goyheneche, 1979); vers ces époques l'élevage tend à se développer. La population augmente, surtout à partir des XVIIe-XVIIIe siècles (phénomène de bordiers) oú des conflits éclatent entre pasteurs et agriculteurs-éleveurs maîtres de maisons anciennes ou de bordes. Ce pays vit largement ouvert sur l'Europe et plus particulièrement tourné vers l'Europe du Nord (mais aussi le bassin méditerranéen); il exporte ses productions (fer, ancres, outils, armes; ainsi, à titre d'exemple, quand on consulte les listes des armuriers fabriquant les fameuses épées de Tolède, on voit que les noms basques abondent (Caro Baroja, 1974), il diffuse son savoir (art de la navigation, chasse à la baleine…), il modernise ses moyens de production en fonction des innovations de son époque (ce fut le cas pour les forges au Moyen-Age; puis pour les productions d'armes de toute sorte...). Dans notre pays, circulent non seulement les idées, parfois les plus avancées (à travers la «Sociedad Vascongada de los Amigos del Pais» au XVIIIe siècle), mais aussi les produits les plus en vogue et les modes européennes.
Le tableau que nous venons de brosser à grands traits n'est pas destiné à donner une image «objective» de notre pays; il a uniquement pour but de montrer qu'aux XVII-XVIIIe siècles, le pays ne donne pas l'impression d'un milieu archaïque, replié sur lui-même. C'est au contraire un pays dynamique, qui échange, exporte ses idées et ses hommes. Dès lors, il nous faut repenser complètement l'image de l'art basque telle qu'elle nous a été hâtivement transmise par de nombreux chercheurs et notamment Colas. A sa suite, ou par respect pour son autorité (si ce n'est par conformisme intellectuel), il était de bon ton de dire que l'art basque n'existait pas: «Although “Basque art” has been so much discussed of late that the expression has become a cliché, serious writers on the subject such as Colas and Philippe Veyrin have raised the question whether such a thing as Basque art can truly said to exist» (Gallop, 1970). Croire avec Phlippe Veyrin, par exemple, que l'art funéraire basque est le fait d'hommes qui combinent astucieusement des motifs géométriques, sans trop réaliser ce qu'ils font, est une erreur. L'image du Pays Basque que nous venons d'esquisser, aux XVI-XVIIIe siècles, même si elle est naïve (car simplifiée à outrance), nous incite à voir dans les œuvres de cette époque autant d'affirmations d'un pays ouvert, sûr de lui même, qui agit sur son environnement et cherche, en le modelant, à se donner de lui même une image forte, correspondant à sa vision du monde.

Méthode de travail

Nous avons retenu un certain nombre d'ensembles d'œuvres, certains sont cohérents d'autres sont purement artificiels, cela dépend des faits que nous voulons mettre en évidence. Dans le premier cas, il nous a été possible de définir des archétypes possédant les caractéristiques de base de ces ensembles. Chaque ensemble étant défini (à travers un archétype ou non), sa répartition actuelle est donnée sur une carte. Nous avons utilisé la carte des communes du Pays Basque publiée par Viers (1975); les délimitations des pays on été faites conformément à Goyheneche (1979). Ces répartitions tiennent compte des observations de Colas (1923), de Barandiarán (1981), de l'association Lauburu (inventaires non publiés) et de notre propre recherche. Dans les communes mentionnées nous n'avons pas fait figurer le nombre d'exemplaires conservés, ainsi certaines distributions peuvent être exagérées. Cependant, nous avons essayé de donner un aspect semi-quantitatif sur la carte F uniquement, dans ce cas la densité des pointillés «rend compte» de la densité actuelle de l'archétype considéré, dans les communes indiquées par : ?, les données sont insuffisantes ou absentes.
Ces considérations nous amènent à poser les limites de ce travail. L'absence de données quantitatives oriente la lecture des cartes en exagérant les répartitions réelles (et donc les influences qui se sont exercées au niveau de la création). Par exemple Macaye est le seul village non navarrais qui figure sur la carte B, or l'archétype étudié n'y a été rencontré qu'une fois, encore s'agit-il d'un fragment en remploi dans le mur du cimetière.
Ces cartes traduisent l'état actuel de la recherche et des connaissances de l'auteur. D'une part, nous ignorons le contenu et la provenance de collections particulières (parfois, comme à Arcangues, nous ignorons la provenance exacte des nombreuses stèles qui ont été transportées), d'autre part, il est fort probable que l'on découvrira dans les villages des stèles ou des fragments qui nous sont inconnus (combien de ces monuments ont servi à empierrer des chemins ou à confectionner des murs). Des lors, les aires de répartition devront être sensiblement augmentées mais nous ne croyons pas que l'essentiel de ces carte soit remis en question; il nous parait par exemple impossible que les stèles d'Amikuze, au XVIIe siècle, aient massivement pénétré le Garazi, la Soule, le Labourd, etc.
Ces cartes peuvent être inexactes par excès. En effet, les stèles sont des monuments transportables. Trois exemples: le premier est emprunté à Colas (n°233, 234), il y a à Hélette une stèle qui provient d'Itxassou (et qui est caractéristique de la production de ce village), elle a été amenée ici il y a quelques années; enfin, nous avons vu dans une ferme de Juxue, en Ostabarret, un banc de pierre contre la façade d'une maison, il est confectionné avec un linteau de porte provenant de Tardets, en Soule... Une aire de répartition trop vaste pour un type de stèle ne signifie pas grand chose à priori, d'autant plus que la densité réelle du type en question est en principe inconnue.
Les cartes que nous publions donnent une idée, il faut les accueillir avec prudence, ce ne sont pas des «instruments de mesure». Afin de ne pas alourdir le texte nous ne reviendrons pas sur ces réserves au cours de notre exposé.
Afin de rester dans des limites raisonnables, nous n'avons sélectionné que certains ensembles de stèles discoïdales; la Basse-Navarre est plus riche que ne le laisserait croire notre travail (nous ne parlons pratiquement pas des ateliers du Pays d'Ossés, de ceux de l'Ostabarret...).
Au cours de ce travail, nous avons utilisé le mot «atelier», nous voulons dire par là que certains créateurs partageaient une même conception de l'espace parfois une même sensibilité quand ils n'utilisaient pas un même type d'imagerie (et ceci est très révélateur de la cohérence des ateliers, les éléments retenus sont tout aussi significatifs que ceux qui sont exclus des productions). Ces ateliers sont le fait de tailleurs de pierre (harginak) ou de familles de tailleurs de pierre qui semblent tous agriculteurs, au moins au Labourd (Lafourcade, 1978), dans les époques qui nous occupent.

Terminologie

Dans la description des discoïdales nous allons utiliser un certain nombre de termes (voir Duvert, 1976) rappelés sur le schéma suivant. La stèle est formée par un socle et un disque délimité par une bordure. On y trouve deux axes principaux (V et H) et deux axes secondaires portant la base de quatre. Les axes principaux portent les régions 6, 9, 12 et 3, à leur intersection se trouve la région O. Axes et régions ont des valeurs particulières. Ces valeurs impliquent autant de contraintes qui président au choix et à l’évolution des éléments décoratifs chargés d’animer l’espace. Enfin, le disque impose une loi de cadre, du fait de sa structure circulaire.
Dimensions des discoïdales étudiées dans ce travail. On notera le grande taille CICS stèles de l'Amikuze (à Amorotz., Bizcay, Masparraute, trois villages voisins). La forme des stèles n'est pas quelconque, les rapports diamètre/col sont voisins de 2.
G: Garazi; AIM: Amikuze; AR: Arbéroue; S: Soule, B pays de Baigorry; L: Lantabat, LA: Labourd; O: pays d'Ossés.

Aire de distribution
Sur la carte A, nous avons indiqué, en rétablissant les noms basques, les villages où se trouvent les monuments que nous allons étudier.


Certains villages labourdins sont soulignés car on y trouve des formes d'art très influencées par l'art navarrais, inversement dans les villages de l'Arberoue qui sont soulignés on trouve quelques formes typiquement labourdines. L'art funéraire au nord de la province est peu ou mal connu. Bardos et Guiche semblent avoir été sous l'influence des ateliers «Bas-Adour». Ce dernier village semble avoir eu une production diversifiée, sur les huit pierres connues actuellement, deux sont de type Bas-Adour et trois ont une forme unique au Pays Basque (Colas, n°243, 244, 245). Nous ne connaissons pas l'art funéraire à Bidache et c'est bien regrettable car ce village fut de tout temps un centre créateur de première importance en Pays Basque Nord. Enfin, au sud de la Gascogne, au nord de Bidache, il reste peu de discoïdales; Colas en rapporte quelques unes (n°232 à 240). On remarquera que ces dernières œuvres sont surtout gravées et tardives (fin XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles). A Bergouey par exemple, les stèles et les plate-tombes qui les accompagnent, et qui sont de la même époque, sont gravées. Cette façon de faire se retrouve à Charritte sur deux stèles (parmi les neuf connues) datées de 1784, où ne figure que le nom des défunts. On retrouve également des stèles gravées plus en avant dans l'Amikuze, à Masparraute par exemple, où l'une est datée en fonction du calendrier révolutionnaire (et donc de la fin du XVIIIe siècle). Nous n'avons pas pris ces œuvres en considération, compte tenu de leur facture mais surtout de leur caractère récent et par là de leur intérêt moindre comparé aux pièces du XVIIe siècle. De même nous ne parlons pas des croix pour ne pas alourdir ce travail. Beaucoup sont du début du XVIIIe siècle et présentent, surtout en Amikuze, dans le pays d'Ossés et dans l'Ostabarret, un très grand intérêt. A partir de cette époque jusqu'au début du XXe siècle, la Basse-Navarre fera des croix de grande taille (deux mètres et plus de haut, pour certaines) qui marquent encore bien de nos cimetières nous ne les étudierons pas.
L'art bas-navarrais ne pénètre que sporadiquement en Soule, dans la dégairie de Domezain et à l'ouest de celle d'Aroue, ainsi qu'a Pagolle. Il est inconnu aiIleurs.
Nous ne connaissons pas l'art funéraire à Hasparren ni à Labastide où il ne reste plus rien. Cambo et Itxassou représentent l'avancée extrême de l'art navarrais en Labourd, hormis de rares productions isolées comme à Larressore et Arbonne.

Ensembles d'oeuvres et leur répartition

Nous présentons dix ensembles d'œuvres de ta province, un ensemble propre au village d'Iroulégui et, pour finir, le maître de Saint Michel en Cize.
Premier ensemble, n° 1 à 4 et carte B
L'archétype est illustré en n° 4. Il est caractérisé par l'identité des régions, 9, 12, 3 et 6 et par un traitement identique des quatre secteurs; ces derniers sont formés par une série concentrique de structures parallèles aux axes V et H, séries qui se referment sur la base de quatre. Il ne s'agit donc pas de quatre structures rayonnantes issues de la base de quatre mais bien de structures centripètes. Le socle n'est pas décoré et ces stèles ne sont jamais datées.
L'archétype est en fait un modèle stéréotypé reproduit largement en Baigorri, Ossés mais surtout en Garazi (carte B); au contact de l'Arberoue et de l'Amikuze il se transforme sensiblement. Ainsi à Lantabat (n°57) et à Suhescun (n°1 à 3), le même thème n'occupe pas obligatoirement les deux faces. La région 6 affirme une individualité par rapport à 9, 12 et 3; les structures concentriques sont beaucoup moins compactes; ces structures n'occupent plus obligatoirement les quatre secteurs.
Cet archétype est inconnu en Ostabarret, Amikuze et Arberoue, il est inconnu en Soule et en Labourd semble-t-il (sur la carte figure Macaye, où nous avons trouvé un fragment de discoïdale de ce type, dont une face figurait une arbalète, inclus dans le mur du cimetière). A notre avis nous sommes là en présence d'un art navarrais «de la montagne».

Second ensemble, n° 5 à 7 et carte C




Cette fois-ci nous nous déplaçons vers le nord de la province, dans l'angle sud-est de l'Amikuze; une région que nous citerons plusieurs fois tant les discoïdales y sont exceptionnelles. Quelques unes de ces stèles furent transportées à Arcangues mais on ignore leur origine. L'archétype peut être ainsi défini: axes V et H soulignés par des structures parallèles; les plus externes portent des éléments en demi-cercle sauf à la rencontre des axes V et H, en O, où les éléments sont carrés; région O bien individualisée; région 6 bien marquée, différente de 9, 12 et 3. L'axe V se prolonge dans le socle à travers cette région; le socle est décoré par des structures qui tendent à se déployer à partir de la région 6; le vocabulaire décoratif est caractéristique, dans les quatre secteurs se trouvent quatre cartouches avec «INRI», une date, «IESUS» et «MARIA», accompagnés de structures circulaires, en croissant de lune... et surtout de fleurs de lis au dessin très particulier (n° 5), signant là un trait de style qui nous semble propre au nord de la Basse-Navarre et plus particulièrement à l'Amikuze.
Nous avons relevé les dates suivantes: 1610, 1621, 1628, 1629, 1630, 1631, 1639, 1644, 1650, 1656, 1686 et 1687. Cet archétype et ses variantes ont donc été fabriqués pendant près de 80 ans dans cette région.
Inconnu hors d'un petit périmètre dans l'Amikuze (carte C), rejeté du Lantabat (qui a pourtant admis plusieurs types provenant de ce pays, nous le verrons), son centre de diffusion pourrait être Beyrie.
L'oeuvre n° 5 provient d'Orsanco, comme l'oeuvre n°6 qui est analogue à celle rapportée à Uhart-Cize par Colas (n°744). A ce propoos il nous faut faire une remarque, Colas dit «les évidements de la croix sont probablement inspirés par de vieilles monnaies»… ces vieilles monnaies ne circulaient alors que dans cette région de l'Amikuze? Nous sommes convaincu que les monnaies ont servi de source d'inspiration, quand elles n'ont pas été tout simplement recopiées (Duvert, 1982), mais ici, une telle explication nous parait difficilement soutenable, à moins d'évoquer un modèle inspiré de monnaie et diffusé, pendant 80 ans environ, par un même atelier ou une même famille de tailleurs de pierres, confinés dans cette région. L'oeuvre n°7 provient de Larribar, on la comparera à Colas n°670, 676... cette stèle a été rapportée par Colas (n° 736).
Cet archétype a connu des variantes, on remarquera par exemple Colas n°760 où seul le traitement des axes V et H est identique, de même le répertoire (hache, cercle, et fleur de lis au dessin bien typé). Il existe donc toute une série d'intermédiaires les archétypes sont reliés les uns aux autres. Nous allons préciser cette donnée par les exemples suivants.

Troisième ensemble, n° 8 et 9 et carte D



Cet ensemble est tout à fait artificiel, c'est une sorte de «groupe charnière» entre l'ensemble précédent et les grands modèles du Labourd et de l'Arberoue.
L'oeuvre n° 8 rappelle l'ensemble précédent, pour une face. Il se produit ici un phénomène curieux que nous avons déjà noté à propos du premier ensemble (n° 1 à 4). Cette stèle est incontestablement rattachée au second ensemble mais les deux faces ne sont pas identiques (comme c'était le cas pour les stèles n° 2 et 3); sur la face analogue au second ensemble, les secteurs III et IV (sous l'axe H, c'est-à-dire sous la partie «sommitale» du disque) ont un traitement particulier. Le même phénomène a lieu sur la stèle n°1 (par rapport aux stèles n°2, 3 et 4).
Nous assistons donc comme à une sorte de dilution de l'archétype précédent qui dérive lentement vers d'autres formes. Sur la stèle n°9 l'écart se creuse, le traitement des axes V et H et de la région 6 nous amène de plus en plus vers l'Arberoue (voir quatrième ensemble), par contre le répertoire décoratif («INRI», la date dans un cartouche et le dessin des deux fleurs de lys), est celui de l'ensemble précédent.
Ces deux stèles sont donc des formes de transition typiques; elles font le lien entre plusieurs archétypes, elles sont au carrefour d'influences, à l'articulation de types d'imagerie.
Sur ce type d'oeuvre on note les dates suivantes: 1602, 1607, 1608, 1610, 1611, 1612, 1615, 1616, 1617, 1618, 1619, 1620, 1622, 1624, 1625, 1626, 1627, 1628, 1629. Cette production s'étale sur 30 ans (alors que la précédente dure 80 ans) et débute huit ans avant celle de l'ensemble précédente. C'est trop peu pour penser qu'elle a pu lui donner naissance.
Cet ensemble est propre à l'Amikuze (carte D) où i] a du avoir plusieurs centres de diffusion, l'un à Orsanco et l'autre à Gabat au moins. La n° 8, probablement Colas n° 686, provient d'Orsanco. La n° 9, provient de Gabat où existent des stèles avec ces types de répertoire sur les deux faces (Colas, n° 703, 705, 706). Il y a là un atelier avec un maître identifiable qui a fait l'oeuvre n° 8 et la 706 de Colas.
Ces formes hybrides ont été exportées en Soule, à Ainharp (Colas, n° 1008 dont le revers, n° 1009, appartient incontestablement à l'Amikuze).

Le caractère hybride de cet ensemble d'œuvres va nous permettre d'élargir le problème. La stèle n°9 est au carrefour entre Amikuze et Arberoue, mais il y a plus. Examinons la stèle n°11 (qui est plus à «tendance Amikuze» qu'à «tendance Arberoue», voir n° 8), nous l'avons placée entre deux œuvres: la n°10 provient du Lauragais (Occitanie, à l'est du pays de Comminges), la n°12 provient de Sos (Huesca). On ne peut qu'être frappé par la ressemblance de structure entre ces œuvres, importance de l'axe V et traitement particulier de la région 6 (comparer n° 8 et 12 par exemple et 10 et 11). Ce n'est pas la première fois que des ressemblances entre stèles basques et pyrénéennes sont notées (Herber, 1936, Marco Simon, 1975, 1980); bien d'autres modèles pourraient être évoqués, nous ne le ferons pas, afin de rester dans le cadre que nous sommes fixé.
Il est évident que la stèle que nous appelons «basque», parce qu'elle est située de nos jours dans le cadre des sept provinces, est liée aux productions analogues abondantes le long de la chaîne pyrénéenne et de ses abords (où la présence basque est attestée avant l'époque historique, au haut Moyen,Age et au delà (Narbaitz, 1975, Goyheneche, 1979, Riquet, 1981), ainsi qu'au Portugal. Sans entrer dans de longs débats il nous paraît évident que la stèle discoïdale des sept provinces est liée non seulement au monde pyrénéen (à des espaces, des modes de subsistance et de pensée) mais aussi à la culture basque (à toutes ses nuances) qui a occupé des espaces se réduisant au cours des temps. Dans cette optique, le terme «stèle basque» reste entièrement à définir, le réduire au cadre géographique des sept provinces actuelles est très insuffisant.

Quatrième ensemble, n° 13 à 20 et carte E






C'est un ensemble cohérent qui peut être défini: socle et disque sont décorés; les régions sont bien indiquées et la région 6 peut avoir une personnalité bien affirmée. La région O a le plus souvent un traitement original, quand le centre du disque n'est pas intentionnellement marqué par un coup de ciseau laissant un léger creux, même dans les œuvres les plus achevées sur le plan technique. La base de quatre est régulièrement présente à travers des élément construits au compas. Le rayonnement est présent au moins sur une face, et dé façon générale à travers le langage décoratif retenu par les maîtres (dans cette série le choix des éléments décoratifs, supports du langage esthétique, n'est jamais quelconque, les éléments circulaires sont la règle, parmi eux, ceux qui supportent le rayonnement sont préférés). Ce type d'oeuvre montre souvent le nom du défunt, il indique aussi une date.
Ce modèle est répandu tout au long du XVIIe siècle et même au delà; à ce point de vue, rarement un type de discoïdale aura connu un tel succès. Il a donné naissance à de très nombreuses variantes au sein desquelles il faudrait faire des sous-groupes (par exemple nous en présentons un: n°13 à 16, avec «sceau de Salomon obligatoire»; sur les n°15 et 16, la région centrale est exprimée de façon analogue).
èCe modèle est pratiquement ignoré en Amikuze (carte E); il est clair que là, il lui a fallu composer avec un pays doté d'une puissante personnalité. Il n'a pu pénétrer dans ce pays que sous des formes hybrides du genre de celle illustrée en n° 9. On comprend dans cette optique comment la discoïdale traduit des rapports de force, avec des sortes de dignes de front), de compromissions. Elle met en scène de forts individualismes, voire des sortes de conflits. Nous sommes en présence d'un type de stèle qui déborde actuellement en Labourd, situation que nous n'avons pas rencontrée jusqu'ici. A vrai dire, derrière cet ensemble (n°13 à 20) se cache le véritable archétype commun aux labourdins et aux navarrais, il est illustré par les œuvres n°17 et 20 et schéma accompagnant la carte F. Il se démarque légèrement du modèle que nous venons d'évoquer plus haut par un caractère: les régions 6, 9, 12 et 3 sont réunies par des arcs de cercle dont la courbure est dirigée vers O. Si l'on regarde maintenant la carte F on voit que cet archétype est beaucoup plus diffusé que le modèle précédent. Comparons des productions «Bas-Adour» (n° 21) et typiquement navarraises (n° 22), elles montrent une même structure à ceci près: en Labourd on différencie peu la région 6.

 A vrai dire, la comparaison des œuvres 21 et 22 est très intéressante, on se rend bien compte que l'esprit labourdin (fin et gracieux) est assez éloigné de la belle assurance (un peu lourde...) des Bas-Navarrais. Il ne faudrait jamais parler de la stèle basque, comme il ne faut pas parler de la maison basque, de la danse basque, etc. Ce dernier archétype ne pénètre pas en Ostabarret, peu en Amikuze, encore moins en Soule. En Pays Basque sud on le trouve à Valcarlos (Frankowski, n°33-16), vraisemblablement à Goñi, à l'ouest de Pampelune (Caro Baroja, 1969) et peut être une forme dérivée à Soracoiz (Urrutia et Fernandez Garcia, 1973, stèle n°7, face E), au Musée archéologique provincial d'Alava (mais les axes V et H ne sont pas indiqués), à Zamarze en Navarre (Leizaola, 1980), etc. Comme nous le voyons, l'archétype semble connu en Navarre (voir également au Musée San Telmo); comment se prononcer pour Alava, Biscaye et Guipuzcoa? il y a si peu de discoïdales ici.
L'archétype déborde largement en Labourd oriental, de Gréciette à Louhossoa. Itxassou ne l'apprécie guère, à peine quelques stèles sur les dizaines conservées ici. Il faut dire qu'il y a dans ce village une forme d'art particulière (un «foyer de résistance») et un art largement tourné vers la vallée de la Nive (c'est le village le plus oriental oú il y a des ateliers ayant fabriqué des stèles tabulaires).
L'étude des trois premiers ensembles nous a permis de mettre en évidence l'extrême localisation de certains types de stèles, nous allons continuer à vérifier cette donnée. Pourquoi alors une aussi vaste répartition pour le dernier archéty-
pe (carte F)? 

Tournons-nous vers l'histoire. Le Labourd fut érigé en Vicomté par Sancho Handia, en 1023. Ses limites étaient alors différentes des limites actuelles. A l'origine, seules Amikuze et Ostabarret relevaient de l'évêché de Dax, Garazi et Arberoue étaient labourdins, ce dernier pays ne deviendra navarrais qu'en 1245. Garazi, Arberoue mais aussi Baztan, et pays de la Bidassoa jusqu'à une partie du Guipuzcoa, étaient également «labourdins» et relevaient de l'évêché de Bayonne (le statut des terres de Grammont n'est pas clair). Pour en revenir à notre problème, la frontière entre le Labourd et la Basse-Navarre ne sera stabilisée qu'au début du XIIIe siècle (voir Goyheneche, 1979). Il n'est donc pas surprenant de voir, à priori, des modèles communs à l'Arberoue et au Labourd (et la limite entre les deux provinces n'apparaît guère dans le paysage)
ainsi qu'en Garazi (voir une face du n°28) et inconnus en partie en Amikuze et totalement en Ostabarret. L'histoire n'explique pas tout ici car, paradoxalement, l'archétype est absent dans tout le Labourd occidental (qui ne semble pas avoir été profondément marqué par le style Bas-Adour, sauf Anglet si l'on en croit les quelques fragments qui nous sont parvenus).
Une vaste répartition de notre archétype sur deux provinces nous suggère qu'il est peut-être très ancien et antérieur au XIIIe siècle? Il semble inconnu hors du Pays basque...

Cinquième ensemble, n° 23 à 25 et carte G




Avec ces belles œuvres, nous voici à nouveau en Amikuze. L'archétype est net, inutile de le décrire, On notera surtout l'importance des axes et leur traitement (voir le deuxième ensemble n°5; le souci d'exprimer les régions 6 et 0; l'importance des éléments circulaires (L'Arberoue est proche); le subtil rapport entre les pleins et les vides.
La région 6 est ici exprimée avec force, même au niveau de la croix aux branches curvilignes (voir l'élément en forme triangulaire). On remarquera enfin les excroissances au niveau du disque et parfois du col. Ces stèles sont de bonnes dimensions (voir tableau). La face à la croix à branches curvilignes connait de nombreuses variantes en Amikuze.
Ces œuvres sont en général datées, on relève: 1614, 1628, 1629, 1632, 1642, soit un intervalle de trente ans environ. Leur répartition (carte G) montre une extrême localisation, à l'ouest de l'Amikuze (elles diffèrent en cela des deuxièmes et troisièmes ensembles, voir cartes C et D). On peut penser à l'activité d'un atelier particulier, on y reconnait des maîtres, ainsi les stèles n° 24 et 25 proviennent respectivement d'Amorotz et de Masparraute et sont manifestement de la même main; noter le zig-zag qui termine l'inscription, c'est un trait de style connu dans ce pays (Colas n° 760).

Sixième ensemble, n° 26, 27 et carte H


Ici la situation est très différente, plus qu'un archétype il faut parler d'un type de représentation connu hors des sept provinces (où il fut très abondant à une époque donnée) et introduit délibérément dans l'art basque. La survie de ce genre de représentation dépendra de sa capacité à se plier au monde de la stèle, ce fut le cas pour le monogramme IHS.
Les deux faces font allusion à la Vierge et au Christ, la face de la Vierge est en fait un véritable enseignement traduit dans la pierre.
Ces œuvres s'inscrivent vers le milieu du XVIIe siècle, on y relève les dates: 1630, 1631, 1633, 1639, 1641, 1642, 1643, 1644, 1646, 1651 Durant ces vingt années ces modèles furent diffusés en partie en Amikuze, en Lantabat, au nord de l'Ostabarret; une mauvaise copie se trouve à Domezain (Colas n°1086, 1087).
Le type même de ce modèle est représenté par la stèle n° 26, en outre c'est l'œuvre d'un virtuose, comme il y en avait tant dans notre pays à ces époques. Sur la stèle n°27 l'association entre le Christ et la Vierge est abandonnée, alors apparaît une croix identique à celles de l'ensemble précédent (n°23 à 25), et bien connue dans ce pays de Mixe. Nous avons relevé ce détail pour montrer comment insensiblement des modèles très typés, même s'ils ont été définis hors du pays sont peu à peu assimilés; il semble qu'une première étape dans ce processus soit la ré-individualisation des deux faces de l'oeuvre (voir n°4 et 2, 3, n° 8 et 5 à 7) qui brise ainsi le stéréotype.
Lors de l'introduction de ce modèle on remarque que le dessin reste toujours aussi vigoureux, dans la ligne navarraise. Il y a manifestement un «esprit» une façon de faire qui préside au choix et à l'évolution des types d'imagerie. C'est ce que nous allons essayer de mettre en évidence avec l'ensemble suivant.

Septième ensemble, n° 28 et 29, carte I



Il n'y a pas à vrai dire d'archétype au sein de cet ensemble. Nous avons regroupé ici des œuvres dont la tendance générale est sur une face: l'axe V qui brise, à travers la région 6, les limites entre socle et disque; isoler la région 6 qui ne se rattache plus à la périphérie du monument (tendance que l'on retrouve aussi pour les régions 9, 12, et 3); la bordure tend a être doublée par une succession d'éléments (souvent des losanges) qui peuvent être repris sur la face opposée; la base de quatre n'est pas construite obligatoirement par des éléments circulaires; enfin ces œuvres ont souvent une facture très particulière et ne montrent pas toujours la belle assurance des maîtres d'Amikuze, d'Arberoue et d'Ostabarret.
Les œuvres qui répondent à cet esprit furent diffusées en: 1611, 1612, 1619, 1621, 1623, 1628, 1645, 1647, 1648, 1650, 1658 et 1674. Elles forment un ensemble très diversifié (voir Frankowski par exemple, à Valcarlos, Uhart-Cize, La Madeleine, etc.). Ces œuvres ont des répertoires particuliers, mais surtout un style original qui se traduit à travers divers sous-groupes que nous ne détaillerons pas ici. L'aire de répartition de ces œuvres nous montre leur localisation en Garazi et leur quasi absence ailleurs.

Huitième ensemble n° 30 et carte J


Voici à nouveau un modèle très caractéristique, défini probablement hors du Pays basque ou en marge de la culture traditionnelle. On notera sur la bordure encadrant IHS (où le S est parfois redoublé, comme ici) la formule latine «Sancta Maria plena gratia mater mea», avec des variantes comme «Sancta Maria mater gracia misericordiae», une autre est rédigée en espagnol (voir Colas à Pagolle, n° 857). La forme des lettres de l'inscription est tout à fait caractéristique, tout se passe comme si un modèle avait circulé car toutes ces œuvres ne sont pas de la même main. On ne peut s'empêcher de penser ici à l'existence de maquette, ou de sorte de «catalogue», et Lafitte a recueilli auprès d'un tailleur de pierres, au début du siècle, tout un vocabulaire où figurait le mot «muskullo» qui signifie «maquette», son informateur était bas-navarrais.
L'essentiel de ces œuvres est localisé au nord de l'Ostabarret; elles ne sont pas datées. On notera la ressemblance entre les lettres R et la lettre i qui figure sur le linteau du château d'Echauz (Baigorry), daté de 1555.

Neuvième ensemble, n° 31, 32 et carte K


Même type de situation, un modèle est introduit dans notre pays. Le monogramme IHS est traité dans un esprit de gothique tardif. La calligraphie de ce sigle a attiré les maîtres du nord de la Basse-Navarre qui, comme les maîtres du bas-Adour (mais dans un tout autre esprit), étaient avides de beaux effets et d'exercice de virtuosité.
Ce modèle n'est pas localisé dans une région donnée, peut-être est-il le fait d'un maître itinérant? celui là même que l'on peut repérer à Saint-Esteben (voir Colas)?

Dixième ensemble, n° 33, 34, 35 et carte L




Les œuvres n°33 et 34 sont du maître d'Orègue (qui a du mal à centrer le monogramme). Il est possible que ce maître véhicule un stéréotype qui peu à peu se «dilue» dans la tradition. Ainsi l'oeuvre n°35 reprend sur ses deux faces les schémas précédents mais les représentations des astres sont beaucoup moins affirmées et des outils sont introduits. Sur cette pièce le traitement des axes V et H n'est pas sans rappeler celui qui apparaît n°5, 6, 7 et par là 23 à 25, un même esprit préside à la mise en forme de représentations sur ces stèles (unité de style de types d'imagerie).
Le monogramme accompagné des lettres alpha et omega (*) est bien connu dans d'autres zones, de même les représentations d'astres, mais ici l'originalité réside dans l'association de deux mondes (très net en 33 et 34). Une face est dédiée au monde des astres et par là des forces de la nature, de part et d'autre des axes V et H qui se recoupent dans une région O bien marquée. L'autre face est celle où le monde chrétien trône sans partage (malheureusement nous ne savons pas quelle était à l'origine la face tournée vers la tombe...) Cette oeuvre est sans nuance, c'est à peine si le monde des astres est tempéré par la croix qui est plus un élément de structure qu'un symbole chrétien (régions O et 6 bien marquées, de même l'identité de 9, 12 et 3).

L'ensemble d'Irulegi, n° 36 à 45 et carte M












Il y a des villages qui nous consolent des pertes subies par notre art funéraire, Iroulégui est de ceux-là. Ce petit village à l'apparence modeste, renferme une série d'oeuvres peu banale. Il y a eu là un atelier de tailleurs de pierres qui ont fait des œuvres peu diffusées et qui ont personnalisé ce village. Sur la carte M, nous voyons la répartition de ces oeuvres, l'essentiel est à Iroulégui et quelques-unes à Lasse (la stèle n° 47 est le revers de celle que Colas transcrit, n° 323, et qu'il n'a pas pu lire), Anhaux, Uhart-Cize et surtout Ascarat, n° 46. Cet ensemble se définit par son style. Nous sommes très loin ici des modèles sophistiqués des maîtres de l'Amikuze ou de l'Arberoue, les maîtres de ce petit village se sont emparés du monogramme IHS, dans sa forme la plus simple et ont parlé basque à travers lui. On remarquera le traitement particulier de la lettre S souvent accompagnée d'un élément végétal, cette façon de faire est bien connue en Haute-Navarre, ainsi à Urraul Alto (n° 48, Peña Santiago et San Martin, 1966, voir également Cruchaga et col., 1966, etc.) Nous voyons là un fait que nous pouvons vérifier continuellement, l'ouverture du nord sur le vieux royaume.
Plusieurs maîtres se sont exprimés à travers ce style, on en reconnait certains: n° 39 et à Anhaux (Colas, n°285)? n° 41 et 45, n°43 et 44, n°42 et à Anhaux (Colas, n° 284)?
On ne manquera pas d'être frappé par une curieuse ressemblance entre la stèle n° 40 et des stèles de la côte labourdine (voir Colas, n°9, 30, 102...); comme en Navarre, à Juslapeña (à l'est de la capitale-Peña Santiago, 1977, p. 183) et plus librement à Espelette (Colas, n°151), on voit des sortes de ramures envahissant la bordure à partir des régions 6 et (plus régulièrement) 12. Il n'y a pas seulement qu'une unité de structure dans la stèle des sept provinces, il y a aussi une unité de vocabulaire et de style.

Le maître de Saint-Michel en Garazi
La stèle n° 51 est peut-être celle dessinée par Colas, (n° 475, 476), mais ce n'est pas évident. Nous parlons ici de ce maître pour trois raisons. La première, toute sentimentale, ce maître a dû connaitre Bernat Dechepare, curé de ce village, qui fit paraître en 1545 le premier livre connu en langue basque «Linguae vasconum primitiae». Ce maître met en scène une imagerie comparable à celle du maître d'Orègue par exemple (n°33, 34); il oppose nettement, sur ses deux faces, deux visions, deux types de répertoire. C'est ce même type d'opposition que l'on retrouve entre le rayonnement (et non la représentation d'astres) et le monde chrétien. Dans la mesure où les axes V et H servent de support à la croix du Christ (et c'est loin d'être évident, voir plus loin), les œuvres 8, 9, 29, le groupe de l'Arberoue (n° 13...) illustrent cette opposition. Dans un travail antérieur nous avions déjà signalé cette relative spécialisation («polarité») des deux faces des stèles (Duvert, 1981).
Comme à Iroulegui (n° 43, 44), le maître de Saint-Michel utilise le thème de la croix aux extrémités enroulées. Ce trait de style est retrouvé en Labourd (Ainhoa) et en Navarre (Lanz, avec une variante à Elbetea? —voir Frankowski—). On peut donc penser que dès le XVIe siècle il y avait une certaine cohérence à travers les sept provinces jusque dans des détails mineurs comme ce trait de style. Enfin la stèle d'Ainhoa (voir Colas, n°121, 122) a une allure beaucoup plus navarraise que labourdine, son revers rappelle une oeuvre d'Arbonne qui a également une allure franchement navarraise. Y a-t-il eu des équipes itinérantes ou circulation de modèles (muskullo)? cette dernière éventualité rendrait mieux compte de la relative unité de style à travers de vastes territoires.

Remarques générales


I — Symbole et imagerie
Le mot symbole sous entend a priori une intention; que savons-nous des intentions d'un créateur? Lui même lorsqu'il trace une croix sur une stèle, que fait-il? il reprend un élément décoratif ou il symbolise la croix du Christ? Il ne nous semble pas du tout évident que les œuvres n°5, 6, 7, 21, 22, 23 à 25, 28, 29, 33, 34, 50 (face avec inscriptions) et 51 (face avec les astres) illustrent la croix du Christ. Nous voyons avant tout sur ces pierres l'expression des axes V et H, des régions qu'ils portent et, secondairement, une croix; éventuellement celle du Christ. A titre d'exemple, sur la face portant des inscriptions de la stèle n° 49, on voit une croix; si on y regarde de plus près, cette croix est avant tout construite autour d'une succession de cercles (O, régions, limites de la bordure), elle traduit aussi bien la prépondérance de la région O (et du rayonnement) que la présence des axes V et H. Où est le symbole chrétien? La croix du Christ est elle évidente sur la face portant les inscriptions de la stèle n° 50?; sur l'autre face en revanche elle apparaît plus évidente, elle est reléguée sur le socle alors que le rayonnement triomphe sur le disque.
Dans la mesure où la croix du Christ elle-même n'est pas évidente sur une discoïdale, que pouvons-nous dire des autres éléments? sont-ils des «symboles»? Prenons l'exemple des motifs géométriques du type cercle, croissant et structure rayonnante, situons-les dans le cadre des ensembles que nous avons étudiés.
52: on voit une nette allusion au soleil dans le second secteur, dans la région O il y a un visage (lune?, tête du Christ?).
N°33, 34: quittons Béguios et allons à Orègue, toujours en Amikuze. Ici aussi des astres ont un visage humain, lune (n°33) et soleil (n°34). On peut raisonnablement penser que le motif rayonnant du premier secteur (n°33) symbolise le soleil et le cercle du second secteur (n°34) symbolise la lune. Dans ces deux œuvres, on note en plus la présence d'une étoile.
N°35: toujours en Amikuze, allons à Luxe. Nous avons de bonnes raisons de penser que les éléments circulaires du premier secteur et le croissant du troisième secteur symbolisent effectivement des astres. Ce répertoire: cercles emboîtés, croissant, motif rayonnant, se retrouve sur des pierres de styles fort différents comme ici, n°53, toujours à Béguios.
On peut penser que bien des éléments circulaires et des croissants, utilisés en Amikuze au moins, dérivent de représentations du soleil et de la lune (n°5, 6, 7, 23, 24, 25?, etc.). On pourrait tenir le même raisonnement pour la hache qui est peut être liée au culte du tonnerre, de la foudre?
Ces types de représentation pourraient avoir pour origine des imageries de stèles d'époque hispano-romaine (Duvert, 1982). Elles auraient fourni en partie un vocabulaire de base qui se serait introduit chez nous surtout par la Navarre et peut-être l'Alava qui sont riches en belles stèles décorées des premiers siècles de notre ère (Elorza, 1970; Marco Simon, 1978, 1979). Ces types de représentation ont pu continuer à vivre dans un Pays Basque peu ouvert au christianisme, et à évoluer en marge des modes circulant en Europe (voir Marco Simon, 1978). On ne peut qu'approuver Barandiaran lorsqu'il dit: «On a remarqué depuis longtemps au Pays Basque, comme partout, que certains signes occupent la place du Soleil sur les monuments. Ce sont les figurations qui se présentent sous la forme de cercle simple, de cercles concentriques, de roues, à raies rectilignes et curvilignes, de swastikas, de pentalphas, de signes oviphiles, de rosaces, etc. Les plus anciens spécimens connus appartiennent à l'époque romaine (…). Bien qu'aux époques historiques ces signes furent souvent employés à titre de simples ornements, ils ont continué à représenter maintes fois le Soleil, même de nos jours...». Dans ce même travail, Barandiaran considère le rôle des représentations et des symboles (hache, lune, soleil...) dans la mentalité populaire basque, c'est à dire dans le contexte immédiat où se situent nos monuments funéraires (Barandiaran, 1974 et autres travaux). Parfois au sein d'un même village et à l'intérieur d'un même ensemble d'oeuvres, figurent des types de représentations variés. N°54: lune et astre rayonnant, n°55: lune et hache accompagnent des évocations de la vie agricole (comparer avec Leizaola, 1970, à Goldaraz en Navarre, photo n°5). La valeur symbolique de ces représentations nous parait évidente.
Même dans les cas les plus favorables, l'intention à travers le «symbole» n'apparaît pas évidente. Des images ont pu passer «en bloc» dans l'art populaire, comme par exemple l'association calvaire —soleil— lune, bien connue dans l'art «officiel» jusqu'au delà du Moyen Age (voir les gravures de Dürer par exemple). De même des monnaies ont enrichi le répertoire décoratif (Duvert, 1982); dans des monnaies navarraises, Jusqu'au XIIIe siècle par exemple, on trouve l'association étoile-lune (Sancho II, Sancho V Ramirez, Sancho Azkarra par exemple) qui a très bien pu être reprise sur la stèle sans aucune intention de «symbole». Il nous apparaît évident que le mot «symbole» devrait être manié avec de grandes précautions lorsque l'on parle de discoïdale.

    II. Le rayonnement
L'examen des stèles n°34, 51, 52 nous montre comment les maîtres représentaient les astres et notamment le soleil. La représentation du rayonnement est toute autre, elle est polymorphe car liée fondamentalement à la structure même de la stèle faces sans inscriptions des stèles n°49, 50, face avec inscription de la stèle 29, etc. Le rayonnement est énergie, création, source de vie, les basques l'exprimaient dès le Haut Moyen Age à Argineta, en Biscaye.
La comparaison sur la même planche, des stèles 49 à 51 est très significative; les deux premières expriment le rayonnement, sur une face. La dernière met en scène un monde avec des astres.

    III. L'enseignement
Toutes ces considérations nous amènent peu à peu à regarder la stèle comme autre chose qu'un monument «décoré»; elle peut servir de support à tout un langage fort complexe (n°56) où se côtoient: des symboles d'astres, des signes chrétiens (parfois très élaborés, n°26), des représentations d'ustensiles, une date, un nom de maison, celui d'un défunt. Ces types de stèles, surtout en Amikuze et Arberoue, sont avant tout un enseignement et une conception du monde, les œuvres du maître d'Orègue par exemple ne sont pas innocentes (n°33, 34).
Au cours du temps la charge symbolique de ces monuments a eu tendance à s'effacer devant la technique et la virtuosité. Au XVIIe siècle en Labourd comme en Amikuze, Arberoue, etc. les stèles sont spectaculaires mais surtout bavardes et très soignées sur le plan technique. A cette même époque les croix et les tabulaires, en Labourd, seront préférées les discoïdales se feront de plus en plus rares désormais.

    IV. Les courants de création
Les stèles navarraises autorisent des lectures à des niveaux extrêmes. A un niveau général nous pouvons mettre en évidence des propriétés ou des caractères qu'elles partagent avec les autres stèles des sept provinces (Duvert, 1976). Au niveau le plus particulier nous pouvons mettre en évidence des formes d'expression qui nous permettent d'illustrer l'originalité de certains pays, de certains ensembles de villages, d'ateliers, de maîtres. Nous pouvons également voir l'introduction de «modes» et l'évolution de stéréotypes; enfin, avec une grande réserve, nous pouvons apprécier la «durée de vie» de styles ou de types d'imagerie les dans une aire donnée.
Entre ces deux niveaux se déroule une grande partie de la création et nous pouvons de ce fait en faire une approche relativement sûre. Nous contenterons ici de récapituler quelques données.
Les stèles des sept provinces sont très diversifiées cette variété n'est pas toujours quelconque puisqu'en dehors des phénomènes de modes, elle peut signifier la réalité de groupes humains à l'échelle de pays (Amikuze) voire de quelques villages (l'ensemble d'Iroulégui). Le fait dialectal se vérifie au niveau de ces monuments (Allières, 1977).
Ces réalités auxquelles nous faisons allusion devraient être précisées. Il est probable que des études comparatives menées sur des bases identiques à la nôtre apportent un nouveau regard sur la création basque, il faudrait pour cela avoir de bonnes indications anthropologiques, ethnographiques, linguistiques... et historiques. Dans un tel cadre, on serait amené à définir avec plus de rigueur ce qu'il convient d'appeler stèle discoïdale basque (notamment par rapport aux stoles discoïdales d'autres cultures), compte tenu du fait qu'une grande partie de son histoire nous échappe, faute de document daté.
On peut dégager dans une province donnée, ici la terre d'Ultra-Puertos, un certain nombre d'archétypes (qui peuvent être parfois des stéréotypes, n°4 par exemple) très différents les uns des autres. Cependant des formes intermédiaires existent, nous l'avons vu en détail pour les pierres n°8 et 9 qui sont à mi-chemin entre les archétypes d'Amikuze et d'Arberoue. Ces formes traduisent les chocs entre sensibilités différentes qui cohabitent; ici les types de Amikuze n'ont pas été introduits tels quels en Arberoue et vice versa. Il faut se garder cependant de visions trop schématiques; ainsi le Lantabat qui a sur le plan esthétique une personnalité bien affirmée (Thévenon, 1978), a admis sans modification des modèles définis dans d'autres pays (cartes B, E, F, H et L). Comment rendre compte de cela? Par l'existence de maîtres itinérants? C'est peu probable, compte tenu de la forte régionalisation de cet art, par la circulation de maquettes ou de simples dessins? Par copie d'objets circulant facilement (meubles, ustensiles divers)? Cette dernière hypothèse est peu vraisemblable, la stèle est un monde particulier: dans le village de Juxue (Ostabarret) linteaux et stèles ont des répertoires très différents, par exemple.
Les modèles trop étrangers à la mentalité basque, ou trop typés et ne pouvant guère évoluer (n°26, face consacrée à la Vierge, n°31, 32) peut être parce qu'ils se pliaient mal au monde de la stèle (ce n'est pas le cas du monogramme IHS même dans ses formes élaborées), sont très vite évacués. Ce phénomène est net en Labourd (voir Colas, n°1218, 1219 et une oeuvre identique à Itxassou). La mentalité populaire et la culture basque (au niveau de l'espace de la stèle et du contexte de la mort, ici) jouent le rôle de filtre. Les maîtres semblent donc avoir eu toute liberté pour introduire des formes nouvelles, mais c'est la tradition qui se chargeait de faire fructifier ou non l'héritage. C'est pour cela que l'art de la stèle est toujours resté basque... Il a du se passer la même chose avec la danse en Soule par exemple (voir les travaux de Guilcher), mais aussi avec la pastorale, l'introduction de concepts ou de mots étrangers, etc... La stèle, comme toute production de ce pays, signifie l'homme basque et le met en scène. On ne peut s'empêcher de la situer dans le cadre où Ithurriague (1942, 1943) plaçait le bertsolari: «Les improvisateurs sortent presque tous des couches populaires ils en incarnent les tendances, les sentiments; c'est pourquoi, soit dit en passant, ils ont une si grande influence aux yeux du public. Le bertsolarisme, du reste, ne saurait se comprendre en dehors du milieu physique et moral où il s'élabore et se traduit, il est un tout complexe, formé par le poète et ceux qui l'écoutent, ceci va avec cela, sans que l'on puisse distinguer et séparer».

    V. Les rythmes de création
Ce travail nous fournit un renseignement intéressant; il semble que les archétypes aient une durée de vie limitée. L'imagerie liée à la mort n'est ni définie ni stabilisée: environ 80 ans pour l'ensemble n°5, 6; environ 30 ans pour l'ensemble n°8, 9, 1 1; environ 30 ans pour l'ensemble n°23 à 25; environ 20 ans pour l'ensemble n°26, 27; environ 60 ans pour l'ensemble n°28, 29.
En toute rigueur, ces chiffres ne signifient pas grand chose. On a détruit beaucoup de stèles (il ne reste plus rien a Beyrie) et retaillé certaines. L'important est de voir que chaque archétype est limité dans le temps. On peut donc dire qu'au moins au XVIe siècle en Basse-Navarre, des formes d'art liées à la mort étaient périodiquement remises en question et régénérées; malgré cette dynamique elles conservaient toujours leur structure fondamentale (axes, régions, valeurs de ces repères, etc.).
La tradition est un phénomène vivant, une somme d'équilibres toujours rompus dans une continuité. Elle renvoie au groupe humain une image dynamique qui l'aide à se repérer et se définir. La perte de l'art funéraire mais aussi de la langue, de l'architecture, etc... sont autant de repères qui s'effondrent. Il faut non seulement les maintenir mais surtout les faire vivre, les faire évoluer, c'est la leçon des vieux maîtres navarrais…

    VI. Les stéréotypes
En marge de ces courants il y a des archétypes stables; nous en avons vu au moins un: n°21, 22 et carte F. Ce type navarro-labourdin pourrait être en place depuis le Moyen Age au moins; il est très différencié au XVIIe siècle en deux composantes: le type Bas-Adour et le type Arberoue (et Navarre par Valcarlos?). Chacune de ces composantes a un visage propre (n°21 et n°22). Dans le Bas-Adour nous sommes en présence d'un stéréotype qui a évolué vers l'exercice de style, vers la pure virtuosité. Ici n'importe quel technicien peut réaliser ce type d'oeuvre et les maîtres labourdins vont rivaliser d'habileté. C'est la faillite de la création et la naissance d'un classicisme stérile, superficiel, bavard et monotone (comme tout classicisme). Bien des archétypes ont eu ainsi tendance à évoluer vers ce type de conformisme (n°4; ensemble n°5, 6, 7; etc.), c'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles l'imagerie était périodiquement régénérée?

    VII. Les stèles datées
Cette étude nous montre que l'épigraphie va souvent de pair avec la datation, au moins en Amikuze, Arberoue, Ostabarret et Lantabat. Mais ce n'est pas une règle absolue. En fait la datation est liée à certains archétypes semble-t-il, aussi est-il faux de dire, d'une façon générale, que les stèles basques son datées à partir du XVIe siècle. Cette affirmation n'est surtout valable qu'en Basse-Navarre et pour certains types de stèles. Les événements qui se sont déroulés ici et qui ont amené au développement de l'épigraphie ne peuvent être généralisés aux autres provinces en Biscaye, Guipuzcoa, Alava, Soule, le reste de la Navarre et dans une certaine mesure en Labourd, on date peu et l'épigraphie est relativement peu développée si ce n'est absente.

    VIII. La personnalité bas-navarraise
Comme l'indique l'histoire (Goyheneche, 1979), l'art funéraire (mais aussi l'architecture par exemple), nous montre que la terre d'Ultra-puertos est avant tout une fédération de pays dont le ciment est Pampelune.
Parmi ces pays l'Amikuze a joué un rôle très important en matière de création. Colas lui même l'avait bien noté «Dans l'étude générale placée en tête du Recueil consacré à la Basse-Navarre, j'ai attiré l'attention sur certaines régions de cette province qui méritent de figurer au premier rang pour la décoration funéraire des discoïdales. On me permettra d'insister tout particulièrement sur le pays de Mixe» (p. 178). Pourquoi le pays de Mixe alors que la Gascogne voisine et le Béarn ne montrent aucune production comparable? Tout voyageur venant par la Gascogne ne peut qu'être frappé par la vigueur et l'originalité des discoïdales de ce pays. Mais une telle originalité n'existe pas en matière d'habitat, l'archétype basque que nous connaissons dans toute la partie occidentale de notre pays se retrouve en Gascogne, cet ancien pays vascon (voir Toulgouat, 1977). Faute de pouvoir trouver des productions comparables à celles de l'Amikuze autour du Pays Basque nord, force est de nous tourner vers notre pays. 
Plusieurs constatations s'imposent.
Il y a moins de “pays” en Labourd et Soule qu'en Basse-Navarre; des individualités existent mais la diversité est faible. Si nous prenons le cas du Labourd, quelques ensembles peuvent être distingués: un type lié à la côte (IHS accompagné de crosses de fougères, fleurs de lys...) et un lié Urrugne, Béhobie, un type lié à la vallée de la Nive, d'Ustaritz à Itxassou (IHS cosntruit et transformé autour de l'axe V), le grand type Bas-Adour avec des variantes locales dont l'une des plus typées est à Guiche, et quelques écoles comme à Arbonne. Curieusement Itxassou, dans sa montagne, offre un art absolument original au

Stèle provenant d'Orégue, elle témoigne de la qualité d'éxécution de ces monuments et de la science des tailleurs de pierre au XVIIe siècle. On a de bonnes raisons de penser que ces maîtres étaient de simples agriculteurs (c'est le cas en Labourd au XVIIIe siècle).

sein de la production basque (seule une stèle de Greciette (Colas n° 613) se rattache à cet ensemble). En Soule la situation semble plus simple, il y a grossièrement deux types de stèles (en fait deux types de sensibilités et d'approche du monde): l'un au nord d'Aussurucq et de Menditte, il ne ressemble en rien à ce que l'on peut voir dans les autres provinces (sauf peut-être dans la Navarre montagneuse voir notamment les vallées de Arce, Oroz Betelu, et le travail de Urrutia à ce sujet); l'autre type qui s'étend vers toute la Basse-Soule et beaucoup plus nettement marqué par la Basse-Navarre (répertoire et facture).
Les fortes individualités bas-navarraises semblent se situer dans le seul cadre navarrais, peut-être dans celui qui est esquissé par Caro Baroja (1974), voir p. 24 et surtout 117 quand il dit: «EI de la libertad de los vecinos de un área frente a los linajes, es un ideal que progresa mucho desde el siglo XV y que produce las hidalguías colectivas y las formas establecidas de los derechos de vecindad. En Navarra, el problema de las hidalguías colectivas se estudia claramente en el momento en que valles enteros fronterizos, como el de Baztán o el de Roncal o el de Lana, u otros, van obteniéndolas y van creanclo un tipo de personalidad distinto dentro del contexto navarro; y tan específico que al mismo tiempo que se crean o consolidan las hidalguías colectivas en la montaña, en la ribera se crean los feudos mayores y más desaforados que ha tenido el reino...».
A partir du Moyen Age, le Pays Basque se distingue en Europe par son dynamisme. Dés cette époque les basques exportent leur technique et leur savoir, forges et chantiers navals sont en pleine activité. Plus tard ils feront des équipes de bâtisseurs (d'églises, de palais...) qui se répandront dans la péninsule. Le pays est entreprenant, il est à la pointe de l'innovation et des progrès techniques de son temps (construction navale, aciers, armes, navigation, géographie, domaine agricole, etc.); des types de savoir seront imités par d'autres pays (anglais et hollandais et la chasse à la baleine). Parallèlement notre pays est largement ouvert aux modes européennes les plus variées (au XVIIIe siècle notamment). De même en ce XVIIIe siècle, la Basse-Navarre donne l'impression d'un pays fort, qui ne recopie pas l'art de ses voisins. Elle produit des types d'œuvres inconnus dans le reste du pays; ces types sont variés, d'une grande qualité et continuellement régénérés. Nous sommes vraisemblablement en présence d'une société dynamique, entreprenante, elle est faite d'individualités qui s'attachent à donner d'elles-mêmes des visages particuliers à travers des formes d'art très élaborées. Un pays comme l'Amikuze a un visage très nettement affirmé; tout se passe comme si le petit monde que constitue ce pays, avait voulu se mettre en scène d'une façon particulière et témoigner de cet individualisme. Dès lors, les tailleurs de pierre furent, à leur manière, des témoins et des porte paroles de la vigueur et de l'assurance de ce type de société.
Des formes de création se démarquent des grands axes d'activité comme le pastoralisme par exemple, qui tendent, comme on peut le penser, à véhiculer de «mêmes» types de sensibilité (des visions du monde) et par là à produire une relative homogénéité de formes.
Le Pays Basque, et plus particulièrement le vieux royaume, est un pays largement ouvert sur le monde extérieur. Au XVIIe siècle, les modes circulaient librement, même dans leurs aspects les plus sophistiqués (n°26, 31, 32). Ce pays n'avait pas peur d'introduire dans sa culture des schémas étrangers; cette culture est vivante, elle échange.
En résumé, la diversité de l'art funéraire, mais aussi des types d'outils (Baroja a souligné le fait que la charrue présente chez nous de nombreuses variantes à l'inverse de ce que l'on peut voir dans la meseta castillane; ces variantes ont des localisations distinctes), des types d'habitat, de danses, de dialectes de l'euskara, etc. nous mettent en présence d'un monde basque complexe. Cet ensemble de faits nous montre combien la société rurale basque n'a pas été ce milieu fermé, conservateur et archaïsant que l'on s'est plu à dépeindre. Il nous montre aussi combien l'image de ses créateurs que nous en donnent Colas et Veyrin est fausse.
L'étude de l'art funéraire basque peut nous permettre de comprendre en partie l'histoire de notre pays. Lorsque seront publiées les monographies concernant les sept provinces, et plus particulièrement les centaines d'œuvres contenues en Navarre (Zubiaur Carreño, 1980) et dans les provinces nord, bien des aspects des mentalités seront mieux perçus. Une telle étude reste à faire. Ces données nous permettront également de préciser ce que nous entendons par «stèle discoïdale basque», une définition qui repose actuellement sur des bases trop fragiles (un critère de forme, à vrai dire peu précis, et un critère d'espace où le mot basque ne fait référence qu'aux seules sept provinces, c'est-à-dire au Pays Basque «minimun», non seulement les facteurs temps et espace sont à prendre en considération ici, mais encore convient-il d'élargir le cadre aux notions de peuple et de Pays Basques (voir Caro Baroja, 1974).


(*) Alors que ce travail était soumis à publication, paraissait un travail de L. Barbé (Observations générales sur les monogrammes divins à propos de leur inventaire dans le Lectourois»; Societé archéologique du Gers, 3e trimestre 1983, p. 286-304. Dans ce travail, où les productions basques sont prises en considération, l'auteur étudie notamment l'association du monogramme IHS avec les lettres alpha et oméga. Il démontre, de façon convaincante, que ces dernières sont en fait les lettres M et A de Marie, monogramme de la Vierge. Dés lors ces types de représentation doivent se traduire par «Jésus-Marie» et non par «Jésus-alpha et oméga (principe et fin de tout)». Au cours de cette année, nous avons pu observer, en Basse-Navarre, une discoïdale avec pour seul thème: M et A, traités exactement comme les pseudo lettres alpha et oméga. Il faut donc rectifier l'interprétation donnée dans ce travail.

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Resumen
El estudio de las estelas discoideas del Pals Vasco muestra conjuntos de obras que tienen, cada uno, una cierta originalidad. Esos conjuntos están localizados en zonas bien delimitadas, agrupaciones de barrios o de pueblos y «países»; a veces caracterizan un solo pueblo (Itsasu, Arbona... en Lapurdi por ejemplo. Los conjuntos pueden caracterizarse con varios criterios: factura de las piedras, estructura de las obras, clase de repertorio, estilo,... Algunos conjuntos traducen estereotipos reproducidos durante unas decenas de años; más frecuentemente esos estereotipos se han mezclado con variaciones, más o menos alejadas, que introducen matizes.
Baxenabarra es una provincia muy interesante para el estudio de esos conjuntos. Muchos «países» con fuerte personalidad constituyen esa parte del viejo reino (Oztibarre, Amikuze,... ver mapa A). Se puede reconocer en cada uno, clases de estelas localizadas en algunos pueblos cercanos. En ese trabajo hemos considerado algunos conjuntos naturales o más o menos artificiales. En el primer caso hemos descrito el arquetipo correspondiente y hemos indicado en un mapa los pueblos donde se encuentran obras perteneciendo al conjunto estudiado (por eso hemos utilizado un mapa donde figuran los límites de los pueblos, o «communes», con sus barrios).
    1 a 4, mapa B: la estela n° 4 es un arquetipo bien conocido en Garazi. Presenta algunas variaciones (n°1 a 3 por ejemplo) donde el arquetipo se transforma progresivamente; en este proceso se puede ver que las caras están reindividualizadas (cada una con tema propio), además el aspecto el más característico del arquetipo va cambiando paulatinamente, sobre todo en su sentido y no mucho en su forma. Es un proceso que parece muy general.
N°5, 6, 7, mapa C: tipo de estela estrictamente localizado en una parte de Amikuze. Las estelas que pertenecen a ese conjunto llevan una fecha, de 1610 a 1687.
N°8, 9, 11, mapa D: tipo intermediario entre el precedente tipo y las estelas de Arberu (n°13 a 20). La primera (n°8) es parecida a las obras de Amikuze, la segunda (n° 9) es más próxima a las de Arberu. Además ese tipo de obra (n° 11) recuerda estelas de los Pirineos, por ejemplo en Occitania y Aragon (eje V, región 6, estilo); se conocen otros casos (ver trabajos de Marco Simón).
    N°13 a 20, mapa E: tipos de estelas encontradas en Arberu y en la parte oriental de Lapurdi (Arberu pertenecia a Lapurdi antes el siglo XIII). Esas obras traducen un arquetipo muy difundido en Lapurdi (estilo «bas-Adour»), Arberu, parte de Orzaise (n°22) y Garazi, parcialmente en la Nabarra actual; apenas se conoce en Amikuze (mapa F).
N°23 a 25, mapa G: tipo muy localizado en Amikuze, las estelas del conjunto llevan fechas, de 1614 a 1642.
N°26, 27, mapa H: traduce una moda elaborada fuera del país y difundida entre 1630 y 1651 aproximadamente.
N°28, 29, mapa I: tipo bastante característico en Garazi, parte de Baigorri y encontrado en Valcarlos. Las estelas de ese conjunto se caracterizan ante todo por su estilo y su repertorio. Presentan algunas semejanzas con el arquetipo de Lapurdi-Baxenabarre occidental (n° 13-22)
N°30, mapa J; n° 31, 32, mapa K: traducen modas introducidas en el norte de la provincia.
N°33 a 35, mapa L: tipo característico por su repertorio y las asociaciones de los temas, esencialmente localizado en Amikuze.
N°36 a 47, mapa M: obras cuyo estilo (cara con IHS) es bastante coherente; la mayor parte procede de Irulegi. Modelos del IHS parecidos se encuentras en la actual provincia de Navarra (n°48); no solamente en las estelas pero en otras obras también (trabajo de la madera por gemplo) se nota siempre influencias de la actual Navarra en todo el País Vasco norte.
Se puede sacar algunas conclusiones hypótesis acerca de la sociedad vasca y de sus creadores (talleres, maestros, verdaderas «escuelas», posibles maquetas...) en el siglo XVII.
Muchos elementos simbólicos en forma de círculo o de creciente en Amikuze (n°5 a 7, 23 a 25) tienen sus correspondencias en representaciones de astros (sol, luna, estrella... n°52, 53, 56) sobre estelas de ese mismo país (ver los trabajos de J. M. de Barandiarán).
La radiación (Duvert, 1978) que se desarrolla desde la región O, es una manifestación poliforma, muy diferente de las representaciones de astros y sobre todo del sol.
Muchas estelas traducen una enseñanza en la piedra; no son constituidas por la yustaposición de elementos decorativos (n°33, 34, 51, 52 y 56).
Los conjuntos de estelas constituyen varios dialectos de un mismo lenguaje, el de la estela y del mundo vasco. En ese lenguaje se han introducido elementos y clases de representación por los maestros, con toda libertad. Esas aportaciones fueron seleccionadas por la tradición que los hacían vivir (n°4 y 1, 2, 3; 26 y 27; 33, 34 y 35, etc.) o los rechazaban (n°31, 32 por ejemplo) y quedan pues sin descendencia.
Conjuntos de estelas fueron hechos durante un periodo variable (20 a 80 años en los ejemplos que hemos estudiado). Es decir que tipos de estelas fueron continuamente cambiados, según ritmos, en ciertos lugares o «países». No se debe tener una visión estática del arte popular, es una manifestación llena de vida.
La estela de Baxenabarre está constituida por numerosos conjuntos de obras que tienen su vida propia, hasta cierto punto. Muchos conjuntos se encuentran en pequeños territorios, en los pueblos cercanos no penetran (intactos) sino gracias a formas mixtas o de transición (n°8, 9 y 5 a 7, 13 a 22). El arte de la estela traduce, a su manera, verdaderos afrontamientos de sensibilidades.

Bilduma
Euskal hilarri biribilak ikertu eta erran daiteke badirela hilarri multzoak berezitasun baten jabe direnak. Holako edo halako eskualdetan aurkitzen dira (herri multzo edo «herrialde», batzutan holako edo halako herria, adibidez Itsasu).
Multzoak hunela berex daitezke: nolako harria, lanak nolako egitura, nolako osagailuak, nolako traka. Multzo horiek, batzutan, eredu batzu eman dituzte, zenbait hamar urtez berregin direnak; eta eredu horiek beren aldapenak izan ditute, guti edo aski urrundu zaizkienak.
Hilarri multzo horien iker-lana egiteko Baxenabarre frango egokia da. Probintzia horrek nortasun haundiko eskualdeak baditu. Eskualde horietarik bakoitzean hilarri molde bereziak ezagut daitezke, herrixka bakar zenbaitetan bakarrik aurkitzen direnak; hala nola Amikuze. Etsenplu andana bat hortik hartua clugu. Lan huntan multzo alde baten berri emaiten dugu. Mugatu ditugu, leheneredu nabari baten aurpegia eskainiz, nihundik ahal bada. Azkenik, mapa batean, multzo horietako hilarri zenbait zoin herritan aurki erakusten dugu.
N°1-4, mapa B: n° 4 hori Garazin ongi ezagutua den lehen-eredu bat da. Aldapenak baditu (n° 1-3). Hor ikusten dugu lehen-eredu hori emeki-emeki bestelakatzen, alde bakoitzak bere nortasuna finkatzen duela, apaingaia ahulduz doalarik.
N°5-7, mapa C: Amikuze parte batean bakarrik aurkitu eredua. Dataduna da, 1610 eta 1687 artekoa.
N° 8, 9 eta 1 1, mapa D: Aintzineko eredu horren eta Arberuko hilarrien artekoa da (n°13-20). Lehena (n°8) Amikuzetik hurbil da bigarrena (n°9) Arberuri hurbilago. Bien arteko mota horrek Okzitaniako eta Aragonako hilarriak gogoratzen ditu (V haxea, 6 eskualdea, traka...)
N°13-20, mapa E: Arberun eta Lapurdiraino zabalduak diren ereduak (eskualde hori Lapurdi zen XIII. mende arte). Eredu hori eremu biziki zabal bateko lehen-eredu baten ume da (mapa F).
N°23-25, mapa G: Amikuzen bakarrik agertu den eredua, 1614 eta 1642 artean gutienez.
N° 26, 27, mapa H: guti gora behera 1630 eta 1651 artean agertu eredu bat.
N° 28, 29, mapa I: Garazin zabaldu eredua, n°13-22 obren antzekoa
N° 30, mapa J, n°31, 32, mapa K: Baxenabarreko herri zenbaitetan sartu eredu berezi batzu. Lehena, bereziki Oztibarren aurkitzen da.
N°33-35, mapa L: bereziki Amikuzen sartu eredua. Bi alderdi horiek elgarrekin doatzi.
N°36-47, mapa M: obra horiek trakaren araberako osagailuak dituzte (alderdi bat IHS ekin). Irulegin egin dira bereziki.
Amikuzeko erronda edo ilargi zizter formako sinbolo ainitzek (n°5-7, 23-25) beren parekoa badute herri hortako iguzki eta ilargi itxuretan.
Forma bat baino gehiago har dezaken dirdiradura (diskaren erditikakoa) eta izarren (iguzki, ilargi...) itxurak arras desberdinak dira.
Hilarri ainitzek erakaspen bat dakarte harrian; ez dira apaingailua apaingailuaren ondoan (n°33, 34, 51, 52, 55, 56).
Hilarri multzo batzu euskara eta euskalkiak bezala dira. Hargin bakoitzak bere hizkuntza bazuen harrien moldatzean. Heiek asmatu berrikuntzak, ohidurak beretzen zituen (fig. 4 eta 1, 2, 3, 26, 27; 33-35) edo baztertzen (n° 31, 32).
Hilarri mota batzu egiten ziren hunenbeste urtez (20 eta 80 urte arte hortan, hemen ikertu etsenpluetan). Hilarri mota batzu geldigabe berrituak ziren beraz.
Baxenabartar hilarria, beren bizia daukaten ainitz multzoz osatua da. Multzo horietarik ainitz eskualde ttipitan barreiatuak dira. Ez dira, auzo herrietan, diren bezala sartzen, aldaturik baizik (n°5-7; 13-20; 8,9 adibidez). Euskal hilarrigintzan sendi-molde desberdinen arteko borroka nabari da.

*

Je remercie le Père Marcel Etchehandy (à qui nous devons la préservation de l'essentiel des oeuvres étudiées ici) pour le résumé en euskara. Je remercie également Monsieur Eugène Goyheneche pour avoir relu le manuscrit et pour ses observations.


Iruzkinak

Blog honetako argitalpen ezagunak

Michel Duvert, Les stèles discoïdales basques. Marcel Etchehandy: Renouveau du cimetière basque

Gizonarriak Baionako euskal erakustokian, Barandiaran Stèles et rites funéraires au Pays Basque

Lauburu: Harriak iguzkitan 1-6