Michel Duvert: Stèles au XVIIe siècle en Amikuze
Etude
d'un groupe de stèles discoïdales du
XVIIe
siècle en
Amikuze
(Basse-Navarre)
Mikel
Duvert
Plan
A.
Introduction
B.
Les documents
I.
Les œuvres de Charritte
Description
Dimension
des œuvres
II.
Les œuvres de Biscay
Etude
de la forme des stèles
C.
Discussion
I.
L’archétype de Charritte, un style
II.
Analyse des mécanismes de création.
Justification
des types
Originalité
des types et polarités des stèles
Harginak,
les maîtres basques
Filiation
des œuvres
III.
Importance de la maison
IV.
Homme et femme représentant la maison
V.
Remarque sur les inscriptions.
VI.
Remarque sur la date figurant sur les monuments funéraires.
VII.
Remarque sur la polarité de la stèle
VIII.
Remarque sur la signification d’une création basque
Bibliographie
Résumés
A.
INTRODUCTION
Durant
ces dernières années, nos connaissances sur le contexte de la mort
en Pays basque se sont considérablement enrichies grâce aux travaux
de J. M. de Barandiarán et à ses collaborateurs (Barandiarán,
1970). Dans le même temps de nombreuses descriptions, de discoïdales
surtout, ont été publiées (Zubiaur Carreño, 1980). Nous sommes
donc mieux armés que Colas et Frankowski pour essayer de comprendre
des significations de ces œuvres exceptionnelles en Europe tant par
leur nombre que par leur qualité.
Une
des démarches possibles pour approcher ces monuments consiste à les
étudier en tant que création pure, alors qu'elles signifient bien
plus en fait (Duvert, 1977, 1980). Nous étudierons ici de façon
relativement complète un lot de stèles navarraises provenant de
Charritte et de Biscay, en Amikuze, l'un des pays de la Basse-Navarre
(Fig. l, 2). Ce lot est exceptionnel sur bien des points: il se
trouve dans deux villages voisins (carte, fig. 3); toutes les œuvres
sont datées: 1677, 1678, 1681, 1684; on peut les répartir en six
types différents, attribuables à autant de maitres; elles forment
un groupe unitaire en ce sens qu'elles reflètent un même style et
traduisent une communauté d'inspiration; elles s'inscrivent dans un
courant bien repérable en Pays Basque-nord et notamment en
Basse-Navarre.
Nous
sommes donc en présence d'un moment de la création basque, figé
dans un intervalle de sept ans, à la fin du XVIIe siècle
qui fut «l'âge d'or» de la discoïdale basque dans nos trois
provinces du Nord.
Un paysage d'Amikuze |
Fig.
3: Le royaume de Navarre, les cinq «mérindads» sont indiquées
ainsi que «I'Ultrapuertos» où figurent les différents pays dont
l'Amikuze ou Pays de Mixe (D'après Narbaitz, 1979).
Détail
montrant en Amikuze l'emplacement des villages où se trouvent les
oeuvres étudiées dans ce travail (Sarrikota: Charritte; Gamue:
Camou; Biskai: Biscay), Saint-Palais et Saint-Jean-Pied-de-Port son
indiqués (d'après Goyheneche, 1979).
Colas
a déjà décrit certaines de ces œuvres en apportant quelques
commentaires (1924; n° 638 à 641 et 730 à 733). Nous allons faire
de même en utilisant essentiellement une méthode que nous avons
déjà présentée (Duvert, 1976) et qu'avec Zubiaur Carreño (1980)
nous pouvons qualifier de «structuraliste».
B.
LES DOCUMENTS
I.
Les œuvres de Charritte
Description
Stèle
n° 1 (Fig. 4). Face A (type 1): elle est datée de 1677. Une
inscription débute vers la région 9 et se poursuit sur le socle;
elle n'est pas isolée de la région centrale du disque ou se trouve
une croix. La lecture est quelque peu ambigüe: BERTRAND MIMINORONA
ou MIMINOROAN ou MIMINORO AN 1677 (*). On notera la forme
particulière de la lettre R (elle rappelle la forme de la lettre T
sur des œuvres de l'Ostabarret surtout, mais aussi à Amendeuix...).
La structure de cette face ne semble pas respecter les valeurs des
régions et des axes. On notera cependant le souci très net
d'affirmer l'axe V: excroissances bien soulignées en périphérie du
disque (en 9, 12, 3); au contact du disque et du socle s'affrontent
deux quarts de cercle de part et d'autre de l'axe V.
Fig. 4, stèle 1 A |
Fig. 4, stèle 1 B |
Face B (type 2): elle n'est pas datée. Elle présente un répertoire qui la rattache aux œuvres suivantes. Par rapport à la face A, de subtiles innovations sont introduites. L'inscription débute en 6 par une croix, elle s'achève par un point. Deux noms figurent dans le disque (IESUS MARIA) et un sur le socle (IAUSEP). On note également de sensibles différences avec la face précédente au niveau du dessin de la croix et des lettres. Comme avant, l'axe V est bien indiqué.
Fig. 5, stèle 2 A |
Fig. 5, stèle 2 B |
Stèle n° 2 (type 3), (Fig. 5).
Comme
l'œuvre précédente elle est conçue autour de l'axe V qui est
toujours respecté, une innovation, le socle est très évasé.
Face
A: après deux croix l'inscription débute dans la région 9 (IESUS
MARIA), est ponctuée par un point et se termine sur le socle par IA
USEP. Cette curieuse façon d'écrire le mot IOSEP fait penser à la
face B de l’œuvre précédente, mais le dessin des lettres et de
la croix est différent.
Face
B: datée de 1677, elle porte une inscription qui débute par une
croix dans la région 9: IOANNE DOC (K?) ELAR. La présence de l’axe
V est renforcée par la croix sur le socle, un trait que l’on ne
retrouve pas sur les autres œuvres.
Stèles n° 3, 4, 5 (type 4), Fig. 6, 7, 8.
Elles
forment un ensemble remarquablement homogène; les deux premières
proviennent du hil-harriak (**) de la maison Samacois. Ces œuvres
rappellent les précédentes. Cependant on note une importante
innovation, il s’agit de “l’ouverture” de la région 6 qui
fait communiquer largement les espaces du disque et du socle. L’axe
V se trouve donc nettement souligné. Parmi les autres particularités
de ce groupe, on note: le dessin du chiffre 6 où la boucle n’est
pas totalement refermée; l’inscription débute entre les régions 6
et 9; sur la face datée, on trouve la même formule, IESUS MARIA,
suivie une fois de IO (S) EP sur la pierre de ELISCHABERE, mais pas
sur les pierres de Samacois où le répertoire est absolument
identique; la face non datée porte le nom des défunts; le centre du
disque est occupé par un élément cruciforme formé de l'accolement
de quatre éléments en fuseaux.
Les
textes des inscriptions sont les suivants. En 3-A: ARNAUD DE
BECHINDAR (I) S NE DE SAMAC (OIS), en 4-A: MARGUERITE DAUNE DE
SAMACOIS, en 5-A: IEAN D(E)SCLAUS MESTRE D ELISCHABERE. Nous avons
déjà parlé des inscriptions figurant sur les faces B.
Fig. 7, Stèle 4 A |
Fig. 7, stèle 4 B |
Stèles n° 6 et 7 (type 5), (Fig. 9, 10). Nous sommes ici en présence d'un maître qui, non seulement connait le style en vogue à Charritte, et particulièrement les stèles 3 et 4 du hil-harriak de Samacois (maison pour laquelle il travaille), mais en outre il connait fort bien l'art de la stèle tel que nous l'avons décrit dans un travail précédent (Duvert, 1976).
Au
hil-harriak de Samacois ce maître a vu les oeuvres de 1678, il a
remarqué la grande ouverture de la région 6 qui fait communiquer le
disque et le socle. Il va retenir ce trait, non sans réticence car
il le réduit ou même l'annule en 6-B. De même il conserve le
principe (général dans cette série) d'isoler la date sur la face
opposée à celle où figurent les noms des défunts. Il conserve
également la forme même des stèles avec les excroissances en 9,
12, 3, le socle très évasé. Il montre bien l'axe V, il ne cherche
pas à isoler l'inscription de l'élément cruciforme central, il
commence cette inscription dans la région 9. Il va innover sur les
faces B.
N° 6-B: il introduit la base de quatre (éléments en anneau); il personnalise l'axe H en montrant l'identité de ses deux extrémités dans les régions 9 et 3, il souligne l'axe V en mettant la date dans la région 12, à cette occupation de la région sommitale répond un vide dans la région 6 (qui est ici la seule région dépourvue d'élément propre), à ce niveau la communication est fermée entre le disque et le socle (à la différence de la face A et des faces A et B de la stèle n° 7, il s'agit donc d'un choix délibéré). Notons que l'inoccupation de la région 6 est connue ailleurs (Duvert, 1976, 2e partie, Pl. V, Fig. l ).
N°
7-B: les éléments en 9 et 3 sont banalisés en périphérie en
devenant identiques à ceux de la base de quatre; ce genre
d'évènement est connu par ailleurs (à Itxassou, Duvert, 1976, 4e
partie, Pl. V, Fig. 6). Les seuls éléments originaux
polarisant l'espace sont situés sur l'axe V où l'on note la date en
12 et l'ouverture de la région 6.
Fig. 10, stèle 7 A |
Fig. 10, stèle 7 B |
Dimensions des oeuvres
Elles
sont présentées dans le tableau n° 1, seules les valeurs moyennes
sont rapportées ainsi que les valeurs extrêmes si les variations
sont trop importantes (noter que le système métrique n'est pas
adéquat pour mesurer ces œuvres).
Dans
ce tableau nous avons classé les stèles selon un ordre
chronologique établi d'après la date qu'elles portent, nous verrons
plus loin que ces dates correspondent à celles de la fabrication de
ces œuvres. Des types I à 5 nous assistons: à une sensible
augmentation de la taille des monuments, des stèles 2 à 5 (voir les
diamètres et tableau 4-A). Cette variation ne s'accompagne pas d'une
variation notable dans l'épaisseur des pierres. Enfin nous
constatons une importance relative de plus en plus grande de la
dimension du motif central, cruciforme (le rapport diamètre du
disque-largeur de ce motif décroit des types 1 à 5, tableau 4-0. Il
est donc intéressant de constater qu'en dépit du rôle essentiel
que joue l'axe V dans ces œuvres, la région centrale, à travers
l'élément cruciforme, ne perd jamais de son importance, au
contraire. Cette série de Charritte, si elle tient relativement peu
compte des régions, elle reste fidèle au contraire à deux valeurs
essentielles de la stèle basque, la région centrale et l'axe V.
Le
rayon du disque sert de module peut-être, le rapport diamètre du
disque-col est voisin de 2 dans toute cette série (tableau 4-B). Ce
rayon est pris en considération dans le type 3 où il a presque la
même largeur que l'élément cruciforme.
II.
Les oeuvres de Biscay
Il
s'agit de deux stèles datées de 1684 dont une face est seulement
visible (Fig. 11). Elles ont déjà été décrites par Colas (n°
730 à 733 ***).
Ces œuvres
évoquent naturellement les pierres de Charritte et
particulièrement celles de type 4: les socles sont très évasés
(comme les disques ils sont bouchardés sur une hauteur de 60 cm. à
partir du point central du disque); les domaines du disque et du
socle communiquent très largement à
travers la région 6; la date est isolée sur le socle.
Cependant
ces œuvres diffèrent des types précédents par deux caractères:
l'inscription se déroule sur les deux faces du disque; sur l'une des
faces les socles n'ont aucune indication.
Les
dimensions des œuvres sont rapportées dans le tableau n° 2.
On constate qu'elles sont de grande taille (la stèle de la femme
étant sensiblement plus grande que celle de l'homme); dès lors
depuis la stèle n° 2 on assiste au cours du temps à
une augmentation de taille des ces stèles, cette observation n'est
pas démentie, ici à Biscay, dans les dernières œuvres de la
série. Notons que l'on trouve en Amikuze des pièces de dimensions
plus imposantes.
Les
inscriptions sont les suivantes. N° 8: sur une face débute vers la
région 9 et s'achève vers la région 6, ICY GIST GRATIANE (il n'y a
ni signe ni ponctuation), sur l'autre face, MAISTRAISE DE MINDIBURE,
elle débute et s'achève par un point. N° 9: sur une
face débute et s'achève vers la région
9, IONNES DIRIGOIN (ni signe ni ponctuation), sur l'autre face,
MAISTRE DE MINDIBURU (ni signe ni ponctuation contrairement au dessin
de Colas).
Etude
de la forme des stèles
Ce
paramètre est peu usité ou livré à l'arbitraire. Nous avons
essayé de l'apprécier à travers un indice ainsi obtenu: à partir
du point central on prolonge le diamètre du disque dans le socle, le
long de l'axe V, on obtient le point 0'; à partir de ce point
on trace la parallèle à l'axe H, on obtient ainsi le segment X Y.
Le rapport X Y-col nous donne un «indice de forme» qui nous permet
d'apprécier l'angle d'ouverture du socle. Si cet indice est de 1,
les bords du socle sont parallèles, s'il est inférieur à I les
bords convergent vers le sol, au contraire si cet indice est
supérieur à 1.
Les
indices de forme sont rapportés dans le tableau 3 (et 4-D). Ces
indices n'apportent pas de données particulières à notre étude.
S'ils suggèrent d'isoler, avec juste raison, la stèle 1, ils
mettent en relief une différence entre les stèles 6 et 7 qui sont
pourtant de la même main. Si les rapports diamètre-col sont
relativement constants, par contre cet indice est très variable
(tableau 4 B et D), ceci peut suggérer que la forme même des socles
n'avait guère d'importance pour les maîtres qui ont œuvré ici.
C. Discussion
Il
faut citer avant tout une remarque faite par Colas (p. 220):
«La présence de deux stèles exactement
semblables et placées à côté l'une de l'autre sur des sépultures
qui paraissent anciennes n'est pas une chose très rare dans les
cimetières basques». Si nous n'avons pas pu confirmer cette
observation en Labourd ou en Soule (****), elle semble par contre
juste en ce qui concerne la Basse-Navarre et s'applique à Charritte
et Biscay (stèles n° 3, 4 et 6, 7).
Ces
neuf stèles nous permettent de mettre en lumière un certain nombre
de traits touchant en particulier des mécanismes de la création
basque, c'est sur cela que nous voulons insister.
1.
L'archétype de Charritte, un style
Les
sept pierres de Charritte reflètent un style (c'est-à-dire un
ensemble de conventions défini) que l'on peut caractériser à
travers ce que nous appelons «l'archétype de Charritte». Huit
caractéristiques le définissent.
-
La périphérie du monument, disque et socle, est cernée par une
moulure.
-
les œuvres sont de forte dimension et la largeur du col est très
voisine, si ce n'est identique au rayon du disque.
-
De fortes moulures sont présentes en 9, 12 et 3 sous forme
d'excroissances du disque.
-
L'axe V est suggéré, il sert de repère majeur dans la
structuration des œuvres.
-
Une des faces porte le nom des défunts mais pas l'autre.
-
L'inscription débute entre les régions 6 et 9.
-
Cette inscription est placée en bordure mais cette dernière n'est
pas isolée de la région centrale du disque,
-
Un élément cruciforme se développe à partir du point central.
Ce
style est pris en compte à Biscay, nous l'avons vu. Le retrouve-t-on
ailleurs? L'idée de placer une inscription autour d'un élément
cruciforme est trop simple pour n'avoir pas été utilisée ailleurs;
en fait on retrouve cette disposition au Labourd (Colas, n° 96), en
Soule (Colas, n° 929, 1018), mais aussi en Béarn (Colas, n°1120).
Faut-il parler pour autant d'un modèle banal pour cet archétype?
non, car en aucune manière les œuvres que nous venons de citer sont
conformes à l'archétype que nous avons décrit. Ce dernier est-il
isolé en Amikuze? non, dans le village voisin de Camou par exemple,
se trouve une œuvre rapportée par Colas (n°693, 694) dont l'une
des faces (Fig. 12) est très intéressante. Elle possède. un
élément cruciforme central une inscription qui se développe sur
une bordure non individualisée et qui commence entre les régions 6
et 9, une
croix est placée sur l'axe V; cette face est datée.
croix est placée sur l'axe V; cette face est datée.
Fig. 12: une face d'une stèle du cimetière de Camou, ayant quelque rapport avec les stèles de Charritte et de Biscay. |
Mais il y a plus;
dans le col on voit deux puissantes moulures, classiques dans cette
zone (Duvert, 1976) surtout dans les œuvres de l'Amikuze. Nous
comprenons mieux de ce fait la curieuse structure de la région 6
dans les neuf stèles, où l'on voit deux quarts de cercle qui sont
comme deux battants d'une porte qui ouvrent ou ferment la
communication entre les domaines du disque et du socle. Ces deux
quarts de cercle trouvent peut-être leur équivalent dans ces
puissantes moulures du col que l'on peut voir dans des œuvres comme
celle de Camou.
On
pourrait pousser plus loin les comparaisons mais il est important de
retenir ceci: l'archétype de Charritte est original et il ne
constitue pas une bizarrerie et se rattache aux courants créateurs
basques présents notamment dans ce nord de la Navarre.
II.
Analyse de mécanismes de créations
Justification
des types.
Comme
nous le verrons plus loin, il est probable que les dates figurant sur
les œuvres indiquent celles de leur confection. Dans cette hypothèse
le point de départ de notre série se trouve dans les types 1 à 3.
La stèle 1 est manifestement hétérogène en ce sens que deux
maîtres y ont travaillé. A notre avis la face A serait la plus
ancienne et B la plus récente qui se rattache à l'évidence au type
3 (voir IAUSEP sur le socle). On peut donc penser que dans un premier
temps on livre une œuvre, en 1677, dont la seconde face n'est pas
travaillée ou alors effacée lors de la confection de la face de
type 2 (Duvert, 1977, 2e partie).
Comme
la première œuvre, la seconde est conforme à l'archétype et date
également de 1677. Par son graphisme (voir le dessin des lettres R
par exemple), l'utilisation des croix, la forme de l'élément
cruciforme central le type 3 est bien différent du type 1. Peut-on
confondre les types 2 et 3? rien de moins sûr, malgré
d'incontestables affinités.
Le
type 4 est remarquablement homogène et très conformiste. Le rapport
avec les types précédents est clair. Comme dans le type 2 le socle
est très évasé, ce trait a donc été retenu. On note deux
innovations, le dessin de l'élément cruciforme central et surtout
l'ouverture de la région 6.
Le
type 5 est bien isolé et dû à l'activité d'un maître particulier
dont nous avons souligné plus haut la personnalité. On remarquera
dans ce type: l'emploi systématique de la ligature Ð, l'utilisation
de la boucharde (qui semble d'origine?).
Les œuvres de Biscay se rattachent à ces types et notamment au
quatrième (ouverture de la région 6) et au cinquième (socle très
évasé).
Originalité
des types et polarités des stèles.
Compte
tenu des différences entre les divers types, il est possible
d'attribuer chacun d'entre eux a un maître différent (mais un doute
persiste pour les types 2 et 3).
Le
maître du type 1 pourrait être le plus vieux témoin connu, et la
stèle 1-A la plus vieille œuvre de l'archétype qui nous soit
parvenue. Par la suite le troisième maître (type 3) n'innove guère,
il répète l'archétype. Le maître 4 apporte une nouvelle
conception de la région 6, mais en dehors de cela il ne fait preuve
d'aucune imagination. Il faut attendre la venue du cinquième maître
(type 5) pour assister à un changement. Tout en respectant
l'archétype ce maitre impose une nouvelle vision de la stèle, mais
sur une face seulement. Cette face ne porte pas de nom, elle ne
devait donc pas surmonter le tumulus de terre ou la plate tombe
éventuelle (fig. 9-B, 10-B). Cette face est dépourvue d'indications
(la date ne fait qu'officialiser la naissance de l'œuvre, elle est
sans rapport avec les défunts), le changement s'opère donc sur une
«face mineure». Dans cette optique on ne manquera pas de souligner
que l'intervention opérée sur la stèle 1 concerne justement la
face qui ne porte pas de nom de défunt. Nous pouvons donc nous
demander si les faces des stèles n'ont pas des valeurs différentes,
et donc des destins différents?
Revenons
au cinquième maître pour noter que le changement qu'il apporte est
tout relatif. En fait, il ne fait qu'introduire ici des données bien
connues par ailleurs de la Biscaye à la Soule et des rives de l'Ebre
à celles de l'Adour, au moins (Duvert, 1976). Remarquons également
que ses faces B ne sont pas les mêmes dans les stèles 6 et 7, alors
que les faces A restent homogènes. A la différence du quatrième, ce
maître aime innover, par ailleurs il innove sur la «face mineure».
Le fait que ces innovations sont en fait autant de retours au schéma
«classique» de la stèle (voir Duvert, 1976), montre bien que ce
dernier était présent à l'esprit de cet homme; ce «schéma
classique», c'est-à-dire cet ensemble de conventions, devait en
fait consister l'essentiel de la formation des maîtres.
Le
sixième maître recueille l'enseignement du quatrième, il se
démarque de l'archétype en développant l'inscription sur les deux
faces du disque. Ses deux faces restent différenciées, une seule
portant la date de confection, cette face est celle où se trouve le
nom de la maison.
Harginak,
les maîtres basques
Comment
comprendre une telle homogénéité de style dans cette petite région
de la Navarre? La thèse de Lafourcade (1978) peut nous aider à
éclairer cette situation. Elle a travaillé sur les contrats de
mariage au Labourd sous Louis XVI, c'est à dire au XVIIIe
siècle, alors que notre province se gérait elle-même à travers
son biltzar, et que les stèles abondaient. Certaines indications
fournies par l'auteur peuvent sûrement se rapporter sans trop
d'erreurs à la Basse-Navarre. D'une manière générale les maçons
(harginak) sont laboureurs, la taille de la pierre constitue
seulement un appoint. Ils sont relativement peu nombreux et en
principe originaires de la province même. Lorsqu'un héritier est
maçon son père l'est généralement; par contre, les cadets maçons
n'ont pas obligatoirement un père maçon, enfin si le père et
l'héritier sont maçons les cadets ne le sont pas toujours. Ces gens
se connaissent; il y a des familles où le père, des frères, le
beau-frère ou le beau-père sont maçons; un autre exemple
révélateur: au mariage de Martin d'Eliçagaray (maçon à Urcuray),
deux maçons signent son contrat (Pierre d'Eliçagaray et Jaime
Biscaillou). Nous retiendrons que nos maîtres ne sont pas des
professionnels, bien au contraire; ils sont assez peu nombreux et se
connaissent parfois. Ils exercent le plus souvent dans leur province
d'origine, voire dans leur village d'origine. Ils héritent en
principe du savoir de leur père. Dans cette optique il ne faut pas
être surpris de voir naître des archétypes ou des «modèles»,
plus ou moins variés, reflétant peut-être le savoir et la manière
de gens issus d'une même famille par exemple. Avec ces données en
toile de fond on peut mieux saisir le sens de séries homogènes
comme ici à Charritte et Biscay.
Il
doit y avoir d'autres bases à ces homogénéités, outre celle qui
consiste à y voir des choix où seuls les maîtres ont leur mot à
dire. Ces derniers sont chargés de faire des productions qui ont des
significations sociales bien définies. La fantaisie n'occupe là
qu'une place mineure, il leur faut convaincre plus que surprendre. A
titre d'exemple, nous avons été témoin de discussions, dans des
cimetières basques, entre les familles et les marbriers, face à des
stèles retenues comme modèle. C'est de cette sorte de dialogue
entre le créateur et son «client» que peuvent naître des choix et
s'affirmer des modèles ou des archétypes.
Comme
il y a des stèles propres à des régions (pays, vallées...), il y
a aussi des architectures, des danses, des dialectes... qui son
autant de formes où des groupes se reconnaissent et se différencient
de leurs voisins. L'art basque est varié et riche de puissantes
entités.
En
l'espace de sept ans à peine nous voyons une réelle diversité dans
cette série d'œuvres de ce petit coin de la Navarre. Les maîtres
ne se recopient pas servilement de façon systématique, ils
connaissent l'art de la stèle et le font vivre. N'en déplaise à
Colas, Veyrin, Gallop... l'art basque existe bien.
Filiation
des œuvres.
Si
on examine les tableaux de mesure, on fera un certain nombre de
constatations. Le rapport diamètre-col est toujours voisin de deux,
ce qui révèle une relation entre les divers maîtres. De 1677 à
1684 on assiste à une sensible augmentation de la taille des
monuments. L'indice de forme croit de la stèle 1 à 9, ce trait
introduit par le maître 3 a influencé les maîtres 4, 5 et 6.
Ces
observations jointes à l'analyse que nous avons faite plus haut,
nous montrent que de tels types de variations sont corrélatifs d'une
chronologie. On est donc en droit de penser que les maîtres
agissaient de façon concertée, il y avait des écoles et de
véritables courants de création qui parcouraient cet art funéraire.
Chaque stèle n'est qu'un moment de vie. Compte tenu de ces données
nous pouvons avancer à titre d'hypothèse le schéma ci-dessous, il
traduit un moment de vie créatrice à la fin du XVIIe,
époque où les stèles datées abondent en Basse-Navarre notamment:
Cependant,
ces œuvres nous apportent d'autres renseignements sur nous-mêmes,
c'est ce que nous allons examiner.
III.
Importance de la maison
Le
monument funéraire signale l'emplacement où une maison enterre ses
morts. Traditionnellement les Basques sont connus par le nom de leur
maison. On ne sera donc pas surpris de trouver sur des stèles des
noms de maison. Ainsi, stèle n° 3: Arnaud de Bechindaris
est-il né dans la maison Samacois? Stèle n° 4: il s'agit sûrement
de l'héritière (andregeia) de la maison Samacois. Stèle n°
5: Jean Desclaus est maître d'Elischabere. Stèle n° 6: Jean
de Bichadarits est maître de Samacoits. stèle 7: ici aussi
Catherine est l'héritière de la maison Samacoits, c'est l'épouse
de Jean. Stèle n° 8: il s'agit également d'une héritière, celle
de la maison Mindibure. Stèle n° 9: Ionnes est l'époux de
Gratiane, il est maître de Mindiburu. Comme Jean Desclaus, Arnadu de
Bechindaris, Jean de Bichadarits, Ionnes Dirigion voit son non
associé à celui d'une autre maison, celle de l'épouse (mais pour
Arnaud un problème demeure).
L'etxe,
institution clef du Pays Basque (Lauburu, 1980), trouve natureIlement
sa place dans l'art funéraire. Ce trait devrait se retrouver chez
d'autres pyrénéens.
IV.
Homme et femme représentant la maison
Alors
que dans de nombreux pays régnait le féodalisme, et parfois le
pire, les représentants des maisons votaient dans notre pays et
décidaient de choix politiques. Alors que dans d'autres pays, de
tradition latine, la femme était considérée comme un être
inférieur, à l'égal de l'homme elle votait dans notre pays, comme
dans les pays pyrénéens. Colas avait vu que les monuments sont
souvent en double sur les sépultures, ils devaient êtres exécutés
sûrement pour le maître et la maîtresse de maison. Ainsi, les
stèles 6 et 7 pour les époux Samacoits, les stèles 8 et 9 pour les
époux Mindibiru.
La
société basque restait égalitaire, même après la mort de ses
membres. Compte tenu de ce que nous venons de dire. où était
enterrés les cadets et à quel type de monument funéraire
avaient-ils droit (*****)? renouvelait-on son monument à chaque
génération, dans les familles aisées..? dans cette optique
soulignons qu'à trois ans d'intervalle la maison Samacoits a fait exécuter quatre monuments (qui nous sont parvenus) par deux maîtres
différents et ces quatre monuments reflètent un même style. (ce
qui semble bien indiquer que les maisons devaient choisir leur
monument ou du moins le type de monument).
V.
Remarque sur les inscriptions
En
Pays Basque-nord la majorité des inscriptions est en français ou en
latin, plus rarement en euskera. Les inscriptions sont surtout
abondantes en Basse-Navarre non seulement sur les stèles et les
croix mais aussi sur des linteaux de belles dimensions. Exception
faite des tabulaires et plate tombes, le labourdin et le souletin font
peu cas de ces marques extérieures, leurs œuvres sont plus
modestes, si ce n'est discrètes, en ce domaine. Les œuvres de
Charritte et de Biscay privilégient le texte et sont bien dans la
ligne bas-navarraise.
L'orthographe
de ces inscriptions est assez fantaisiste: loeph, Desclaus,
maistraise... la maison Samacoitz est écrite. Samacois; il apparait
un mot curieux lausep pour losep; mais tous les maîtres ne savaient
pas écrire (Lafourcade, 1978).
On
peut s'interroger sur le sens de ces inscriptions, peu de gens
savaient lire et peu savaient le français. Ne traduisent-elles pas
surtout un comportement social, un désir de paraitre? Q uant aux
maîtres, ces lettres sont pour eux de remarquables pièges à
lumière (Fig. 15).
Fig. 13, monument en forme de stèle à Biscay; sur cette face, est spécifiée la date de la mort du défunt. |
VI.
Remarque sur la date figurant sur les monuments funéraires
Nous
avons dit que la date figurant sur les monuments pouvait être celle
de leur fabrication. Lorsqu'il s'agit de la date de la mort du défunt
celle-ci semble clairement indiquée. Prenons deux exemples, l'un
antérieur et l'autre postérieur à la série de Charritte et
Biscay:
Un
curieux monument hybride, en partie discoïdal, à Biscay même (Fig.
13); sur une des ses faces nous voyons «HI(C) IACET IOAN. DE.
MALCOR. DECEDE. 1619».
L'autre
pièce est d'autant plus intéressante qu'elle est rédigée
entièrement en euskara. Elle provient de l'Ostabarret, autre pays de
la Basse-Navarre (Fig. 3). Sur l'une des faces nous voyons «DOMINICA
SALA HIL ICAN DA ACARUAREN HOGEI ETA BIGARENIAN 1821 (Fig. 14).
Il
semble donc que notre hypothèse se justifie. Par ailleurs il est peu
vraisemblable que les œuvres (3, 4, 5), (6, 7) et (8, 9) aient été
faites pour des gens morts respectivement en 1678, 1681 et 1684. Il
est aussi peu probable que les maître et maîtresse de maison soient
morts la même année (stèles 3-4, 6-7 et 8-9).
Une
date isolée peut donc traduire éventuellement l'année de
fabrication de l'œuvre et nom celle de la mort des défunts. Ceux-ci
ont donc pu éventuellement choisir leur type de monument et imposer
des répertoires particuliers, de leur vivant.
Fig. 14: Croix en Ostabarret, sur cette face, est spécifié la date de la mort du défunt et ce, en euskara. |
l.
Les tombes sont orientées est-ouest. Chaque monument possède une
face tournée vers l'est, l'autre vers l'ouest. Cette orientation
situe la stèle dans l'espace, elle est liée à celle des morts.
2.
La face tournée vers l'est est écrasée par le soleil en début de
matinée. A mi-journée par soleil rasant, l'œuvre est à son
maximum d'éclat (Fig. 15). Brusquement elle sera plongée dans
l'ombre (Fig. 16) jusqu'au lendemain. L'éclat de la face opposée
diminuera au fur et à mesure que la soirée avance. Heure après
heure, face après face, la stèle vit chaque jour. Tout doit être
mis en œuvre pour capter la lumière changeante et fugace. Le
meilleur rendement sera obtenu par un relief où les arêtes ne sont
pas abruptes mais légèrement inclinées. Chaque relief sera ainsi
bordé d'un liseré clair et foncé par éclairage rasant (Fig. 15).
Cette façon de bien tailler la pierre se retrouve dans toutes les œuvres étudiées ici.
3.
Les deux faces sont ici différenciées. L'une porte les noms des
défunts et des maisons, l'autre est par contre réservée a une
formule (stèles 1 à 5), ou à la mise en forme de cet espace à
base de géométrie sophistiquée chère aux maîtres basques (stèles
6 et 7). Cette façon de faire se retrouve ailleurs (Colas, 1921).
4.
La stèle est aussi espace défini, polarisé (Duvert, 1976).
Fig. 16, le soleil a cessé d'éclairer ces faces, elles sont plongées dans l'ombre jusqu'au lendemain. |
La
stèle est donc une production complexe que la série de Charrite et
de Biscay a permis de cerner quelque peu. C'est une œuvre très
polarisée.
VIII.
Remarque sur la signification d'une création basque
La
stèle n'est pas un simple livre d'images où s'additionnent symboles
et représentations diverses. Nous venons de voir comment l'espace y
est repérè et exprimé. Ce monument reflète des valeurs propres au
monde basque comme l'importance de la maison, l'égalité des maîtres
de maison, homme ou femme.
La
stèle se présente donc comme un lieu de convergence ou s'expriment
plus ou moins fortement des valeurs et des types d'esthétique où le
monde basque se définit et se reconnait. Dans ce contexte on
remarquera que les maîtres étaient surtout chargés de fixer dans
la pierre des repères de la société basque. A leur façon ils
donnaient un visage et une densité au mot «basque». Il ne faut pas
croire pour autant que la variété était exclue de leur démarche
et que leur personnalité avait du mal à s'exprimer. Il suffit de
regarder ces œuvres de l'Amikuze pour voir qu'en l'espace de sept
ans, les œuvres de cette série ont été bien diversifiées,
parallèlement on faisait dans ces régions des stèles qui n'avaient
rien a voir avec cet archétype. Malgré le poids des contraintes les
créateurs restaient libres.
On
a trop sous-estimé cet art funéraire, il est un aspect essentiel du
monde basque. C'est dire que le milieu a lourdement pesé sur son
histoire et combien on doit avoir, a priori, une idée fausse sur les
monuments anciens en ne regardant que les productions des XVIIe et
XVIIIe siècles.
La
série navarraise de Charrite-Biscay nous permet d'entrevoir un
moment de la création basque à la fin du XVIIe siècle.
On ne dira jamais assez combien il est essentiel de sauvegarder ce
patrimoine et de le conserver in situ dans les villages mêmes. C'est
ce que nous nous employons à faire ici en Iparralde, ou nous aurons,
d'ici la fin de l'année, quelques 3000 fiches où sont répertoriés,
avec dessins, photos et dimensions, des monuments funéraires
antérieurs au XIXe siècle. L'exploitation des données
accumulées de façon systématique et exhaustive doit nous permettre
de jeter un regard nouveau sur notre art funéraire, compte tenu du
cadre dessiné par les travaux de J.M. de Barandiaran.
Souhaitons
que la qualité et la vitalité de cet art traditionnel nous incitent
à relancer un art funéraire basque de notre temps qui continue
l'art des vieux maîtres; c'est ce que nous essayons de faire en Pays
Basque-nord.
(*)
La première version semble la meilleure.
(**)
On appelle hil-harriak la parcelle de terrain réservée à une
maison dasn le cimetière communal. Chaque hil-harriak contient en
principe plusieurs tombes (Duvert 1977).
(***)
Il y a une erreur dans le relevé de Colas. Aux numéros 732 et 733
les deux quart de cercles dans la région 6 ne sont pas évidés. De
même aux numéros 731 et 733, le nom de la maison tel qu'il est
écrit est Mindiburu et Mindibure respectivement.
(****)
Dans ces deux provinces les œuvres sont très souvent anépigraphes.
Cependant les croix du XIXe sont personnalisées et on
peut alors vérifier cette remarque de Colas. On peut donc penser que
cet auteur a mis évidence un trait assez général dans les trois
provinces d'Iparralde au moins, ce trait est peut-être ancien.
(*****)
Les cadets étaient peut-être enterrés dans les tombes des maîtres
de maison (hommes et femmes à part?), ils avaient alors droit à
l'anonymat le plus complet et par là à l'oubli qui est la vraie
mort. De même tombaient dans l'oubli les maîtres ne pouvant faire
de monuments à leur nom. Remarquons enfin que beaucoup de monuments
des XVIII et XVIIIe siècles sont parfaitement anonymes en
Labourd et en Soule, au contraire chez les navarrais.
Bibliographie
BARANDIARÁN
DE, J.M. Estelas funerarias del País Vasco (zona norte). San
Sebastián, Txertoa, 1970, 212 p.
COLAS,
L. La tombe basque. Recueil d'inscriptions funéraires et domestiques
du Pays Basque français, 1906-1924. Bayonne et Paris, Foltzer et
Champion Ed., 1924, 404 p.
DUVERT,
M. Contribution à l'étude de la stèle discoidale basque, Bulletin du Musée basque, Bayonne, 1976, n° 71 et 72.
DUVERT,
M. Contribution à l'étude des monuments funéraires du Pays basque,
Bulletin du Musée basque, Bayonne 1977, n o 77, p.
105-124 et 125-144.
DUVERT,
M. Contribution à l'étude des monuments funéraires basques,
Bulletin du Musée Basque, Bayonne, 1980, n o 88, p.
61-90.
GOYHENECHE,
E. Le Pays Basque, Pau, Société nouvelle d'édition régionale et
de diffusion, 1979, 680 p.
LAFOURCADE,
M. Les contrats de mariage du Pays de Labourd sous le règne de Louis
XVI. Etude juridique et sociologique, Thèse d'Etat, Université de
Pau, 1978.
LAUBURU,
Etxea ou la maison basque, Saint Jean de Luz, Lauburu, Les cahiers de
culture basque, 1980, 2e édition, 171 p.
NARBAITZ,
P. Nabarra ou quand les Basques avaient des rois, Bayonne, Diffusion
Zabal, 1978.
ZUBIAUR,
F.J. La investigación de la estela discoidea en Navarra.
Historiografía y bibliografía (1774-1979), in Páginas de historia
del País Vasco (Homenaje de la Universidad de Navarra a D. José
Miguel de Barandiarán), Abril-mayo 1977, EUNSA, 1980, p.
Je
remercie Monsieur Eugène Goyheneche pour avoir relu le manuscrit et
pour ses remarques. Je remercie Marcel Etchehandi pour le résumé en
euskara.
Resumen
En
este trabajo se describe un grupo de nueve estelas discoideas
procedentes de dos pueblos cercanos, Sarrikota y Biskai, en Amikuze,
en la Navarra de Ultra-puertos. Cuatro pertenecen al hil-harriak de
la casa Samacois. Todas las obras llevan una fecha, entre 1677 y 1684
(Fig. 4 a 10).
Parece
que las esculpieron seis maestros (harginak). Hicieron sucesivamente:
el primero, la cara A de la estela J; el segundo la cara B de la
misma estela; el tercero, la estela 2; el cuarto las estelas 3, 4, 5;
el quinto, las estelas 6 y 7; el sexto, las dos estelas 8 y 9 del
pueblo de Biskai. Muchos argumentos apoyan esa interpretación: las
fechas de los monumentos, los estilos diversos de las obras y grupos
de obras, el estudio de algunas dimensiones. Podemos, pues, colocar
esas obras en una cronología y según un orden que parecen seguros.
De 1677 hasta 1684 observamos una verdadera evolución donde los
cambios de estilo en este grupo dependen de una cronología, además
se pueden ver influencias de algunos maestros sobre otros. Todo eso
muestra la vitalidad del arte vasco en este rincón de Navarra en los
últimos años del siglo XVII
Ese
conjunto de obras caracteriza lo que llamamos «el arquetipo de
Charritte»: gran dimensión de las obras, relación diámetro/cuello
muy cerca de dos, molduras en periferia al nivel de las regiones 9,
12 y 3 , trabajo de la región 6 , el eje V constituye una indicación
esencial en la estructura del espacio, en una cara se puede ver el
nombre de los muertos pero no en la cara opuesta, una inscripción
empieza entre las regiones 6 y 9 y se desarrolla a la periferia de la
región central pero sin ninguna separación con ella, en el centro
se encuentra un elemento en forma de cruz. Ese arquetipo se relaciona
con otras obras y particularmente con una en el pueblo cercano de
Camou (Gamue). Fig. 12.
Esa
aparente homogeneidad puede comprenderse porque:
I
.—La fecha que lleva cada monumento no corresponde con la muerte de
la gente que entonces ha podido elegir su monumento funerario e
imponer un su gusto, favorecer un estilo.
II.—Conocemos
muchos maestros (harginak) en Lapurdi, en el siglo XV III
(Lafourcade, 1978). Todos son artesanos, no trabajan exclusivamente
la piedra (muchos son laboradores); ejercen este oficio de padre a
hijos, en su región. Entonces es posible que una familia de Hargin
tenga su propio modelo de monumento y haya impuesto ese modelo en una
región.
Una
tal homogeneidad es algo superficial. En el intervalo de siete años
vemos evolucionar el arte vasco, es un arte lleno de vida. Colas,
Veyrin, Gallop... han desvalorizado un arte que Jamás han
comprendido. Sin caer en el otro exceso hay que subrayar que se han
equivocado fuertemente.
Una
característica muy interesante se ve claramente en esas estelas, es
la gran polaridad de esas obras. La cara que muestra los nombres de
los
difuntos
tiene una cierta uniformidad pero las caras opuestas (sobre todo las
del quinto maestro, fig. 9 y IO) muestran alguna variabilidad en
Sarrikota. Eso nos hace pensar que las dos caras de una misma estela
no tienen el mismo valor. Además, por su orientación este-oeste, el
sol da a cada estela una vida propia iluminándola progresivamente y
sucesivamente (Fig. 15 y 16). Finalmente cada cara es un espacio que
tiene una estructura (Duvert, 1976). Además hemos visto, que a
través de las inscripciones, la estela traduce referencias
importantes en la sociedad vasca: importancia del nombre de la casa
unido al nombre del hombre que está casado con una heredera (Fig.
9-10 y 11); el hombre y la mujer, dueños de la casa, tienen cada uno
su propia estela, en la vida como en la muerte la mujer tiene tanta
importancia como su marido (Fig. 7, I0, 11). Entonces esas estelas
discoidales (como las otras obras tradicionales vascas) están
totalmente inmersas en realidades vascas, no se pueden estudiar como
si fueran simplemente libros de imágenes; como dice J.M. de
Barandiarán (1970): «la mayor parte de los rasgos que presentan las
estelas vascas aparecen —al menos en su última etapa-respondiendo
a las exigencias de la mentalidad o del medio interior vasco. Es
indudable que esta última observación debe ser tenida en cuenta
para interpretar el hecho de las estelas y otros que tienen tras si
un proceso histórico».
Como
los vascos de este siglo XVII, debemos hacer vivir el arte funerario
vasco de nuestra época.
Bilduma
Lan
huntan 9 hil-harri biribil aurkezten ditugu. Amikuzeko (Baxenabarra)
bi auzotakoak dira: Xarrikota eta Bizkai. Horietarik lau Samacois
etxeko hil-harriak ziren. Harri hauk guziak 1677 eta 1684 artekoak
ditugu (fig. 4 a I0).
Sei
harginek lantu bide zituzten. Lehenak hil-harri 1 -aren A aldea egin
zuen; bigarrenak hil-harri beraren B aldea; hirugarrenak hil-harri 2
; laugarrenak hil-harri 3, 4 eta 5; bostgarrenak hil-harri 6 eta 7 ;
seigarrenak B izkai auzoko hil-harri8 eta 9. Diogunak badu
oinarririk: harrien datak, lanen eta lan multzoen erak, neurriak
etab... Noizkoak eta zoin zoinen ondotik eginak izan diren xuxen
erran dezakegula iduritzen zaigu. 1677 -tik 1684 era bilakaera baten
hariari jarraikitzen gatzaizkio: egin-moldea aldatzen da multzo
hortan, eta zenbait harginek besteen baltan duten eragina nabari da.
Nabarrako xoko hortan XVII. mendean euskal arcea bizi delako seinale.
Lan
hauk «Xarrikotako lehen-molde»-koak direla diogu: neurri haundiak,
diametra/lepo eretzak 2 inguruan, kardainak inguruan 9, 12 eta 3
eskualdetan, 6 eskualdearen berezitasuna, V haxeak eremua eratzea,
hilen izenak alde batean eta ez bestean, idatzia 6 eta 9 eskualdeen
artean hasi eta Inguruan Jarraitzea bazterrari harat, berex-marrarik
gabe, erdiko ikurra kurutzea iduri. Lehen-molde hunen antzeko beste
lanak badira, eta bereziki bat, urrun ez den Gamu herrian (fig. 12).
Harri
horiek batzu besten idurikoak izaitea hunela konpreni daiteke:
l
. Hil-harri data ez da zenduak hil zirenekoa. Hauek, bizi zirelarik
manatu bide zuten beren hil-harria, laket zitzaien bezalakoa.
2.
XVIII.mendeko ainitz lapurtar harginen izenak ezagutzen ditugu
(Lafourcade, 1978). Denak ofizialeak ziren, ez hargin xoilak
(ainitzak nekazariak). Hargintzan aritzen ziren aitatik semera, beren
eskualdean. B adaiteke beraz hargin familia batek bere hilharri molde
berezi ukaitea, eta eskualde hartan hedatzea.
Bainan
axalez dira bakarrik harri horiek elgarren idurikoak. Zazpi urte
horietan euskal artea bestelakatzen dela ikusten dugu, bizi delakotz.
Colas, Veyrin, Gallop eta beste zenbaitek arte hori ez zaukaten gora,
ez baitzuten konprenitzen. Bestalderat erori gabe azpimarra daiteke
errotik tronpatu direla.
Berezitasun
jakingarri bat hil-harri hautan: hilen eta etxeen izenak dakarzten
aldea denetan berdintsua da. Bestaldeak, aitzitik, (guziz bostgarren
harginaren hil-harrietan, fig. 9 y IO) badu desberdintasunik X
arrikotan. Hunek gogorat emaiten digu hilharri baten bi aldeek ez
dutela balio bera. Gainera, harria iguzkialde itzulia delakotz,
iguzkiak hil-harri bakoitzari bizi berezi bat emaiten dio, alde
bakoitza bat bestearen ondotik eta ezaban argitan ezartzen duela
(fig. 15 y 16). Azkenekotz, alde bakoitza eremu bat da, ez
nola-nahiko egituraren jabe dena (Duvert, 1976). Bestalcle erran dugu
harri horien gaineko idatziek euskal biziaren muina aipu dutela:
etxearen izena, andregaiarekin ezkondu den gizonaren izenari
datxikola (fig. 9, I0 y 11 ); gizon eta emazte, nausi eta etxekandere
ez dira bat bestea baino gehiago heriotzean, bakoitzak bere hil-harri
badu (fig. 7, I0 y 11). Hil-harri horiek (ohiko edozoin euskal lan
bezala) euskal bizian murgildurik daude, eta ez daiceke horietaz
ikerketarik egin liburuetako itxura huts batzuri bezala begiratzen
bazaie. «Hil-harri biribilen berezitasun gehienak —beren
historiaren azken haitadan bederen— euskal pentsaeraren eta barne
biziaren ume direla iduri dute. Zalantzarik gabe ikuspegi hori
kontuan eduki behar da hil-harri biribilak konprenitzekotan...»
(Barandiarán).
XVII.
mendeko gure arbasoek bezala, guk ere gure denborako euskal
hil-harriak sortu behar ditugu.
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